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— Mais oui, certainement. Je pense que vous préférerez entendre la Messe de saint Jean…

— D’abord, il faut que vous preniez un bain et que vous mangiez, Ma Sœur.

Il prit son sac, la soutint par les épaules et l’entraîna.

Dès que Felice eut mis pied à terre, elle se précipita vers Richard et lui demanda :

— Alors ? Vous y êtes arrivé ?

— Facilement. Et il y a même en prime une étoile de seconde magnitude juste au-dessus de notre polaire. Mais vous avez l’air en forme. Vous pourriez peut-être me donner un coup de main pour descendre de cette brute.

— Rien de plus facile.

Elle monta sur le trépied, prit Richard sous les aisselles et, d’un seul effort, l’enleva de la selle.

— Doux Jésus ! s’exclama le pirate.

— Felice, lança Claude Majewski, je crois que je vais moi aussi faire appel à vos services.

Felice s’approcha de lui et le déposa à terre comme un enfant.

— Quelle est la gravité, sur Acadie ? grommela Richard.

Elle le regarda avec un sourire condescendant.

— 0,08 par rapport à la Terre. Vous voyez, Capitaine Blood, on ne gagne pas à tous les coups.

— Il ne faut rien tenter ici, dit Claude d’un ton inquiet. J’ai l’impression qu’ils sont sur le pied de guerre.

— Ne vous inquiétez pas, je —

— Elle vient par ici ! souffla Richard. Regardez ces seins !

Epone s’avançait majestueusement entre les prisonniers, sur son chaliko blanc.

— Ni sueur ni poussière, remarqua Felice d’un ton acide, tout en époussetant sa tenue verte. On dirait qu’elle va au bal. Le tissu de sa cape doit être ionisé, à mon avis.

Certains voyageurs n’avaient pas encore quitté la selle, et en particulier le petit homme à la barbe rousse en habit de chevalier. Il avait enfoui son visage dans ses mains, les coudes sur le pommeau de sa selle.

— Dougal ! lança Epone d’un ton à la fois autoritaire et câlin.

Il tressaillit, se redressa et lui adressa un regard éperdu.

— Non ! Pas encore ! Je vous en prie !

Mais Epone se contenta de faire signe à quelques serviteurs qui se portèrent au secours du chevalier.

— O, toi, belle dame sans merci ! geignit-il. Aslan. Aslan.

Indifférente, Epone traversait la cour en direction d’une petite bâtisse dont le toit en véranda était décoré de pôts de fleurs. Dougal, guidé par les serviteurs, la suivit.

Claude les regardait s’éloigner.

— Eh bien, Richard, vous savez, maintenant. C’est une bonne chose que vous vous en soyez sorti. Elle me paraît plutôt coriace.

Le navigateur spatial eut quelque peine à déglutir. La mémoire, lentement, lui était revenue.

— Mais qui… qui diable est donc Aslan ? demanda-t-il enfin.

— Une sorte de personnage christique dans un ancien conte de fées. Un lion magique qui protège les enfants contre des ennemis surnaturels dans un Pays de Rêve appelé Narnia.

— Je ne pense pas que son rôle s’étende au Pliocène, dit Felice en riant. Et si nous allions prendre ce bain, messieurs ?

Elle s’éloigna, secouant la poussière des plumes de son casque et, lentement, les deux hommes la suivirent.

Michel Demuth: Toute la Terre et cinq millions d’années devant eux

En lisant Julian May, je me suis retrouvé dans le muséum d’histoire naturelle de Lyon qui, entre 49 et 54, de l’enfance à l’adolescence, a été mon palais de l’aventure, plein de portes du temps. Au centre de la grande salle, un squelette de mammouth se dressait en vedette, entre un élan et un narval. La principale porte du temps, celle qui s’ouvrait sur le plus lointain passé, se trouvait très exactement entre ses deux pattes avant. Pour la franchir, il fallait du courage. En s’avançant très doucement, on se retrouvait sous les deux grands arcs blancs des défenses. Là-haut, dans la clarté de la verrière, la tête du monstre d’os semblait minuscule.

En fermant tes yeux, on partait vers Tailleurs. Quelques centaines de milliers d’années dans le passé. Il faisait froid durant un bref instant et un vent furibond traversait la salle. Mais la salle n’existait plus. Alentour, il y avait des rochers sombres, d’immenses frondes de fougères et des racines couvertes de mousse. Et là-haut, sous un ciel gris et noir, entre deux gerbes de pluie, une masse noire et poilue, deux yeux minuscules et deux sabres luisants qui, lentement, basculaient vers le sol. Vers moi.

Alors, c’était l’instant du retour. On sortait du quaternaire comme d’une piscine, un peu haletant, en claquant des dents.

Rosny Ainé, Mayne Reid et Curwood m’aidaient beaucoup, en ce temps-là. Je crois qu’à La guerre du feu, je préférais Helgvor du Fleuve Bleu, peut-être plus fouillé dans le réalisme, mais en même temps lyrique et parfois follement inexact.

Par quel drôle de hasard Julian May a-t-elle choisi la région lyonnaise comme point de départ de sa Saga ? Et plus précisément certain point des Monts du Lyonnais proche du Col de la Luère où je fis, avant d’être éclairé par la foi S.F. et possédé par le rock, quelques séjours de Louveteau ?…

Pourquoi certains de ses personnages traversent-ils nuitamment la ville de Lyon en suivant le cours Lafayette où je suis né ?

Afin de conjurer tout cela, j’ai pris la grave et dangereuse décision de traduire Le Pays Multicolore, puis les Conquérants du Pliocène.

C’est en 1952, en ouvrant un placard dans un appartement où ma famille venait de s’installer, que je reçus entre les mains un livre tombé du rayon le plus haut : Le Conquérant de la Planète Mars, par Edgar Rice Burroughs. Le futur venait de me capturer par un habile coup de commando. Le point nodal était atteint.

Je pénétrais dans la science-fiction par une petite porte marquée fantasy. Fantasy ou science-fiction ? Voilà bien la querelle qu’il fallait pour raviver l’imaginaire. A dire vrai, je ne sais pas qui est quoi. Je ne sais pas ou je ne sais plus, comme disent les mauvais dialoguistes.

Tout ce que je sais, c’est que Julian May, après trente ans de voyages dans ces univers de science et de féerie que je ne renierai jamais, m’a fait retrouver l’aventure. Et m’a projeté beaucoup plus loin que ne le faisait cette porte entre les pattes de mon mammouth. Qu’elle me pardonne si j’écris que je retrouve à la fois Rosny et Philip José Farmer, Michel Zévaco et Max-André Dazergues, London et Jack Vance dans cet Exil au bout du Temps.

Car nous sommes ici en plein roman populaire, mais oui, mais oui. Avec une belle galerie de personnages au relief marqué, des extra-terrestres redoutables ou envoûtants, des héros éperdus et des traîtres rachetés, des femmes romantiques et des voleurs sympathiques.

De Till Eulenspiegel à Don Quichotte, du Hollandais Volant à Eric le Rouge, de Guenièvre à Fausta et Pardaillan…

Des archétypes, selon l’auteur qui avoue avoir suivi un itinéraire partant de la mythologie celte pour rejoindre Jung.

Bryan Grenfell le sociologue, Aiken Drum le voyou révolté, Sœur Roccaro la nonne, Elizabeth Orme la télépathe, Felice Landry la jouteuse-tueuse, Claude Majewski le romantique endeuillé, Stein Oleson le Viking, Voorhees le spationaute renégat, tous ont des raisons précises et pressantes de quitter le Milieu Galactique du XXIe siècle.

Après la Grande Intervention, qui a vu les races évoluées du cosmos débarquer sur Terre pour prendre en main le destin de l’humanité, l’Histoire a basculé. Les Lylmik, les Krondaku, les Simbiari, les Gi et les Poltroyens ont ouvert une multitude de nouveaux mondes aux hommes, dans la paix et l’harmonie.