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— Avant tout, répondit Fantômas, faites-moi le plaisir de m’appeler Tom Bob… c’est en Tom Bob que je suis devant vous, je tiens à rester Tom Bob. Et puis, monsieur Fandor, qui vous dit que je veuille vous torturer ?… Quel vilain mot vous employez… Ai-je donc l’air d’un tortionnaire ? Allons donc. Je vous délivre…

— Oui, fit remarquer Fandor, avec le sourire, vous m’avez enlevé mon bâillon, mais vous n’avez garde de me détacher les mains.

Fantômas se précipita :

— Oh ! pardon, mon cher ! excusez-moi… Je ne vois, au contraire, aucun inconvénient à vous rendre la liberté de mouvements que vous me demandez… Vous êtes sans arme, et j’ai moi, un petit bull-dog, qui me tranquillise…

Tout en parlant, Tom Bob déliait Fandor, aidait le journaliste à se remettre debout :

— Toutefois, je préfère ne pas vous rendre la complète liberté, et laisser vos mains prisonnières, dans ces menottes que je vous ai passées… Vous êtes si follement téméraire que vous pourriez avoir envie de vous jeter sur moi, bien que désarmé…

— Vous avez raison, dit le journaliste.

— Comme toujours… Donc, vous me demandez ce que j’ai l’intention de faire de vous ? Monsieur Fandor, apprenez-le tranquillement… Vous êtes un otage, rien de moins, rien de plus… Désormais, et pour quelque temps, considérez-vous comme prisonnier de guerre de Tom Bob !… Ma vie change. J’ai besoin d’être tranquille quelque temps, et votre ami Juve pourrait me gêner… il m’a semblé que le meilleur moyen de m’assurer le repos, de son côté, était de vous tenir à ma merci… Quand Juve saura que, s’il s’attaque à moi, vous en subirez le premier les conséquences, il devra me laisser tranquille… n’est-ce pas ?

— Non, dit Fandor.

— Ah ?

— Non ! Juve et moi, Fantômas, nous vous poursuivons sans trêve et sans merci, parce que vous êtes l’ennemi de la société, le criminel épouvantable qui n’a pitié de rien. Ce n’est pas une vengeance personnelle que nous voulons tirer de vous… mais nous sommes les vengeurs de toutes vos victimes… Juve ne s’arrêtera donc pas aux considérations que vous croyez. Il sait que j’ai fait bon marché de ma vie. Même si je suis en vos mains, même si je suis votre otage, il vous poursuivra, il vous arrêtera. C’est son devoir…

Mais Fantômas s’était levé…

— Monsieur, déclarait-il brusquement et non sans une certaine solennité, l’heure que nous vivons est étrange ; je ne puis rien vous confier de mes projets, pourtant, au moment où vous devenez mon otage, au moment où je vous annonce que vous allez me servir à intimider Juve, au moment où vous me bravez encore, je tiens à honneur de vous dire que j’admire votre énergie. Vous êtes digne d’être mon ennemi…

Et Fantômas parlait de telle façon, avec une émotion si réelle que, malgré lui, Fandor se sentit troublé…

Certes, l’homme qu’il avait devant lui était un assassin, mais cet assassin était grand, ses crimes s’auréolaient d’audace… et Fandor, malgré qu’il en eût, ne pouvait le mépriser…

— Que voulez-vous faire de moi ?

— Je vous l’ai dit, un otage… Vous allez me servir à effrayer Juve… non, ne protestez pas, ne me dites pas que Juve ne s’arrêtera pas à une telle situation… ne me dites pas qu’il vous condamnera à mort pour obéir à son devoir !… Un tel dévouement à la cause du Bien deviendrait criminel. Je vous tiens et par cela je tiens Juve ! Je le sais… ne le niez pas !

Fandor, cette fois, s’abstint de répondre…

Il connaissait trop la profonde affection que Juve lui portait, il savait, d’autre part, trop bien à quel degré d’atrocité pouvait recourir Fantômas, pour ne point craindre, en effet, qu’étant en sa possession, le bandit ne trouvât moyen de forcer Juve à le laisser poursuivre en paix ses horribles forfaits…

Après un silence, Fandor reprit cependant :

— Je suis votre otage, soit, où pensez-vous donc me conduire ?… Vous avez pu louer cette maison pour empêcher qu’on entendît mes appels, mais, en somme…

D’un geste, Fantômas fit comprendre au journaliste que toute résistance était vaine.

— Venez, dit-il simplement… Vous devriez savoir, monsieur Fandor, que je ne suis pas homme à m’arrêter à des difficultés de cette nature…

Tom Bob devait être, en effet, bien certain de l’impunité, de la réussite de ses projets pour ne point hésiter davantage. Revolver en main, ce qui était superflu puisque Fandor, les menottes aux poings, ne pouvait tenter aucune résistance, il fit descendre le journaliste jusqu’au rez-de-chaussée de la maison meublée…

— Inutile de crier, répéta-t-il, vous pensez sans doute à vous faire entendre des ouvriers employés dans la boutique voisine, du menuisier-emballeur ?… Réfléchissez qu’à cette heure, ils ne sont plus dans l’atelier… D’ailleurs, voici votre prison… aussi confortable que possible… entrez…

Le journaliste, à l’invite de son ravisseur, pénétra dans une extraordinaire petite pièce…

On eût dit une cabine de bateau, large de deux mètres, longue de trois, peut-être, elle était juste assez haute pour que l’on eût pu s’y tenir debout… aux murs étaient accrochées des bibliothèques chargées de livres, quelques gravures ; dans un coin, un lit, une couchette plutôt, dans un autre, une table-toilette…

— Vous voici chez vous, continuait Fantômas… cette chambre n’est pas grande, mais vous n’y resterez guère plus d’un mois… J’ajoute, monsieur Fandor, que j’ai tenu surtout à ce qu’elle soit parfaitement calfeutrée. D’ailleurs, pour mieux vous en convaincre, voyez, sur votre lit, j’ai fait mettre un violon. Vous serez libre de tirer de cet instrument les sons les plus aigus… nul ne les entendra…

— Vous faites de l’ironie ?

— Pourquoi donc ?

— J’ai les mains liées.

— Enfantillage, dit Fantômas, tenez, monsieur Fandor, contre ce mur, j’ai fait sceller cette petite lime… Quand je vais être parti, dans quelques minutes, vous pourrez vous occuper à user les anneaux de vos menottes… Vous y arriverez…

— Bien, répondit Fandor, je n’ai qu’à m’incliner… Mais combien de temps pensez-vous donc véritablement m’obliger à vivre dans un espace aussi restreint ?

— Vous resterez dans cette chambre un mois à peu près… chaque jour vous recevrez ma visite, et je m’efforcerai de satisfaire à tous vos désirs, livres, tabac, etc. Pendant ce mois, vous ne sortirez pas, mais après, je vous promets que votre sort s’améliorera notablement… La pièce est bien ventilée. Comme nourriture, je ferai en sorte de prendre vos ordres, et, en tout cas, comme il faut tout prévoir, j’ai fait disposer des conserves saines, hygiéniques, nutritives, dans ce buffet à droite… Donc, ne craignez point de mourir ni d’asphyxie, ni d’inanition… Avez-vous autre chose à me demander ?…

— Je n’ai rien à demander à Fantômas.

— Alors, fit-il, je n’ai plus qu’à vous quitter. Monsieur Fandor ?… vous comprenez bien la situation, n’est-il pas vrai ?… Je vous soignerai, de mon mieux comme l’on doit soigner un otage, car vous êtes un otage… Votre sort dépend de Juve…

— Soit, dit Fandor, vous êtes le plus fort… Il en sera donc comme vous voudrez…

Mais à cela, Fantômas se contentait de sourire de son éternel sourire.

— Je le pense bien, déclara-t-il… Monsieur Fandor, nous n’avons plus rien à nous dire ?… À demain…

Tom Bob-Fantômas s’inclinant en une sorte de petit salut ironique, sortit de la chambre, Fandor entendit le jeu compliqué de multiples serrures…

***

Il y avait quarante-huit heures que Jérôme Fandor était prisonnier dans la mystérieuse cellule qu’avait aménagée pour lui Fantômas.

Après un violent moment d’abattement, après une affreuse crise de désespoir, le journaliste s’était vite ressaisi.