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— Lady Beltham assura-t-il, calmez-vous, ce que vous venez de faire est excellent. Tranquillisez-vous, je ne viens pas en ennemi…

Lady Beltham – c’était elle en effet devant qui se trouvait le policier – se passa la main sur le front : ses yeux magnifiques se fermaient, s’ouvraient, se refermaient encore, des yeux d’hallucinée.

— Vous ne venez pas en ennemi ? à quel titre alors venez-vous ?

— Je viens, madame… en parlementaire…

— Parlementaire… ? et de qui ?

Lady Beltham haletait, sa poitrine se soulevait, la grande dame semblait éperdue de terreur et d’anxiété. Mais Juve très pondéré :

— De Fantômas…

— De Fantômas, répéta lady Beltham, accablée, ne comprenant plus… Vous Juve, vous venez de la part de Fantômas ?

— Oui madame, et si je vous épargne, c’est parce que je veux sauver quelqu’un que Fantômas a fait disparaître. Quelqu’un qu’il m’a promis de retrouver si de mon côté je vous retrouvais…

— Ce quelqu’un, interrogea lady Beltham, c’est ?…

— C’est celui que j’ai toujours considéré comme le plus digne et le plus noble des amis, c’est l’être que je chéris comme un fils… c’est Jérôme Fandor.

— Est-ce possible ? fit-elle,… Fantômas a fait disparaître Fandor… Il vous a promis de vous le rendre si vous arriviez à me retrouver ?…

— C’est cela même, madame…

— Mon Dieu, mon Dieu… s’écria lady Beltham, l’heure suprême a-t-elle donc sonné ? Fantômas atteint-il enfin son but ? est-ce l’achèvement de ses crimes ?

— Que voulez-vous dire ?… Parlez…

— Je vais tout vous dire : Fantômas a dans sa vie un secret… un secret terrible, un fait… ou plutôt un être, dont l’intervention quelque jour modifiera entièrement son existence. Quand devait sonner l’heure de la réhabilitation ?… je l’ignorais, mais voici que vous m’apprenez la capture de Fandor… de Fandor vivant, de Fandor conservé comme otage… Je sais dès lors que l’heure attendue où le secret de Fantômas sera révélé, approche.

— Mais, supplia Juve, si vous savez, vous, madame, où est Fandor, dites-le moi… Où est-il ?

Lady Beltham hochai la tête, se tordit les bras désespérément :

— Je ne le sais pas, je ne le sais pas… et cependant pour le sauver, pour vous sauver, il faut que je le sache.

— Fantômas vous le dira.

— Fantômas, mais je ne puis pas le voir, je ne dois plus le rencontrer…

— Vous le verrez, assura Juve…

C’était lady Beltham qui cette fois se révolta.

— Revoir Fantômas, fit-elle, revoir l’homme qui m’a indignement trompée, l’homme qui m’a blessée jusqu’au fond du cœur, qui m’a torturé l’âme, l’homme qui avait une maîtresse… revoir Fantômas, l’amant de Françoise Lemercier… Jamais.

Juve insista.

— Vous le reverrez, madame, il le faut…

Les yeux de lady Beltham étincelaient. La grande dame était superbe à voir. Son corps merveilleux frémissait d’indignation à l’idée qu’il lui faudrait encore revenir, s’humilier, supplier, prendre les ordres de son amant, de celui qu’elle avait tant aimé, et qui pour elle n’était plus qu’un traître…

Mais lady Beltham se rendait compte aussi qu’elle était prise au piège, et qu’assurément si elle refusait d’obéir à Juve, Juve saurait se venger…

Et puis ses yeux s’emplissaient de larmes, car malgré tout, lady Beltham aimait encore, aimait toujours Fantômas.

Mais il était bien temps de tomber en pâmoison.

— C’est sans tarder, madame qu’il faut agir, sans quoi demain à pareille heure, Garrick sera pendu.

Lady Beltham se ressaisit aussitôt.

Oui, il était impossible de laisser mourir son amant, il fallait le sauver, le sauver à toute force.

Désormais lady Beltham était résolue, sa passion triomphait de sa jalousie. Et puis Françoise Lemercier était morte. Décidément le dieu d’Amour était favorable à lady Beltham…

La grande dame toutefois, franche et catégorique, s’expliqua :

— Pas d’arrière-pensées, pas d’équivoques, dit-elle. Vous avez ma parole, monsieur, et je vous suivrai, j’obéirai… Mais vous savez quelles sont les conséquences de la visite que je rendrai à Fantômas, et ce qui peut résulter de la présence en face du condamné de celle que l’on reconnaîtra pour être Mme Garrick ?…

Juve hocha la tête :

— Je le sais, madame, lorsque vous vous serez révélée, vous aurez, de ce fait, innocenté Garrick du crime qu’on lui reproche…

Lady Beltham précisa :

— Garrick sera donc libre… Fantômas sortira de prison…

— À ce prix, répliqua Juve, j’achète la liberté de Fandor…

— Mais, poursuivit lady Beltham, Garrick une fois libre, qu’adviendra-t-il de Fantômas ?…

Juve, franchement déclara :

— Je n’ai rien promis… la lutte reprendra plus que jamais. C’est une trêve entre nous, un pacte que nous signons. Soyez assurée que je veillerai à ce que Fantômas tienne sa parole…

— Et, interrogea lady Beltham, il accepte ces conventions ?

— Il les accepte, madame…

Lady Beltham se leva, son visage affectait désormais un calme imperturbable. Sur ses traits se peignaient les signes d’une froide résolution :

— Vous croyez à la parole de Fantômas, dit-elle, consentez-vous à croire à celle de lady Beltham ?…

— Certes.

— Monsieur Juve, poursuivit dès lors la grande dame, dites-moi ce que je dois faire, je vous obéirai. Quand partons-nous ?

À travers les rideaux mal joints, paraissait l’aube. Juve consulta sa montre :

— Nous avons trois heures, dit-il, trois heures encore au terme desquelles vous viendrez avec moi, madame, au greffe de Pentonville où vous déclarerez vous appeler Mme Garrick…

***

Vers sept heures du matin, Juve, les traits tirés, le visage défait, en homme qui vient de passer une nuit blanche, et de vivre l’émotion la plus intense de sa vie, se présentait au greffe de la prison.

Un gardien chef l’aperçut :

— Ah, c’est vous déjà, « 416 ». Peste, vous arrivez de bonne heure. Je croyais que votre service ne commençait qu’à neuf heures du matin. Hé, hé, c’est votre dernier jour de garde. On pend Garrick demain. Dans vingt-quatre heures, à l’heure qu’il est, son cadavre sera déjà froid…

— C’est à savoir, dit énigmatiquement le policier, qu’à la prison, on ne connaissait que sous le nom du policeman 416.

— Que voulez-vous dire ?

— Supposez qu’un fait nouveau survienne… que par exemple, Mme Garrick songe à se présenter devant la justice… ceci tendrait peut-être à prouver que son mari ne l’a pas assassinée ?

— Mme Garrick… Mme Garrick… répéta le gardien chef, en effet, l’événement serait peu ordinaire, mais j’aime à croire qu’il ne se produira pas. Et puis vous savez, policeman, depuis deux jours, il y a du nouveau…

— Vraiment, fit Juve, c’est-à-dire ?

— Il y a du nouveau en ce sens que Mme Garrick n’est pas Mme Garrick…

Juve réprima un tressaillement.

— Que signifiaient les déclarations de cet homme ?

Le gardien s’arrêta soudain de parler, mais Juve allait être renseigné :

Quelqu’un qui venait d’entendre le son de sa voix, entrouvrant la porte d’un petit bureau voisin, l’appelait :

C’était Shepard.

— Policeman 416, disait le détective, puisque vous êtes arrivé, venez donc avec nous.

Intrigué, Juve s’était introduit dans la pièce où l’appelait Shepard et où se trouvait déjà un magistrat, M. Tilping, le coroner qui avait été chargé de l’instruction du procès Garrick.