La période de petites oscillations du pendule, déterminée par Huygens, est donnée par :
où L est en mètres, π = 3,141 5927... et g = 9,8 m/sec2. Il en résulte que la (1) donne :
c'est-à-dire à peu près :
NOTA BENE : T est indépendant du poids du pendu (égalité des hommes devant Dieu)...
Un double pendule avec deux masses attachées au même fil... Si tu déplaces A, A oscille et peu après c'est B qui oscille. Si les pendules accouplés ont des masses ou des longueurs différentes, l'énergie passe de l'un à l'autre mais les temps de ces oscillations de l'énergie ne sont pas égaux... Ce vagabondage de l'énergie advient même si au lieu de commencer à faire osciller A librement après l'avoir déplacé, tu continues à le déplacer périodiquement avec une force. Bref, si le vent souffle par rafales sur le pendu en anti-syntonie, peu après le pendu ne bouge plus et le pendule de Foucault oscille comme s'il était chevillé au pendu.
Extrait d'une lettre personnelle de Mario SALVADORI,
Columbia University, 1984.
Je n'avais plus rien à apprendre, dans cet endroit. Je profitai du tohu-bohu pour arriver à la statue de Gramme.
Le socle était encore ouvert. J'entrai, descendis, et au bas d'un escalier étroit je me trouvai sur un petit palier éclairé par une ampoule, sur lequel s'ouvrait un escalier à vis, en pierre. Et, arrivé à la dernière marche, je m'enfonçai dans un couloir aux voûtes plutôt hautes, faiblement éclairé. Tout d'abord, je ne sus pas où j'étais et d'où provenait le clapotement que j'entendais. Puis mes yeux s'habituèrent : je me trouvais dans un conduit des égouts, une sorte de main courante m'empêcherait de tomber dans l'eau, mais elle ne m'empêchait pas de sentir des relents dégoûtants, entre le chimique et l'organique. Quelque chose au moins était vrai, dans toute cette histoire : les égouts de Paris. Ceux de Colbert, de Fantômas, de De Caus ?
Je suivais le collecteur le plus grand, délaissant les déviations les plus sombres, et espérant que quelque signal m'aviserait où mettre un terme à ma course souterraine. En tout cas, je filais loin du Conservatoire, et, par rapport à ce royaume de la nuit, les égouts de Paris étaient le soulagement, la liberté, le bon air, la lumière.
J'avais une seule image dans les yeux, le hiéroglyphe tracé dans le choeur par le corps mort de Belbo. Je n'arrivais pas à trouver à quel dessin ce dessin correspondait. Maintenant je sais que c'est une loi physique, mais la façon dont je l'ai su rend encore plus emblématique le phénomène. Ici, dans la maison de campagne de Jacopo, parmi toutes ses notes, j'ai trouvé une lettre de quelqu'un qui, en réponse à sa question, lui racontait comment marche le pendule, et comment il se comporterait si le long du fil était suspendu un autre poids. Donc, qui sait depuis combien de temps, en pensant au Pendule, Belbo l'imaginait et comme un Sinaï et comme un Calvaire. Il n'était pas mort victime d'un Plan de facture récente, il avait préparé en imagination sa mort depuis longtemps, en ignorant que, persuadé de n'avoir aucun don pour la création, son ressassement projetait la réalité. Ou peut-être pas, il avait choisi de mourir ainsi pour se prouver à lui-même et aux autres que, même à défaut du génie, l'imagination est toujours créatrice.
En un certain sens, perdant il avait gagné. Ou est-ce qu'il a tout perdu, celui qui se vouerait à cette unique façon de gagner ? Il a tout perdu celui qui n'a pas compris qu'il s'est agi d'une autre victoire. Mais moi, samedi soir, je ne l'avais pas encore découvert.
J'allais par le conduit, amens comme Postel, peut-être perdu dans les mêmes ténèbres, et soudain j'eus le signal. Une lampe plus forte, fixée au mur, me montrait un autre escalier, de nature provisoire, qui donnait sur une trappe de bois. Je tentai le coup et me retrouvai dans une sorte de cave encombrée de bouteilles vides qui s'ouvrait sur un couloir avec deux chiottes, sur les portes le petit bonhomme et la petite bonne femme. J'étais dans le monde des vivants.
Je m'arrêtai, haletant. C'est alors seulement que je pensai à Lorenza. A présent, c'est moi qui pleurais. Mais elle était en train de glisser loin de mes veines, comme si elle n'avait jamais existé. Je ne parvenais même plus à me rappeler son visage. De ce monde des morts, c'était la plus morte.
Au bout du couloir, je trouvai un nouvel escalier, une porte. J'entrai dans une atmosphère enfumée et malodorante, une gargote, un bistrot, un bar oriental, des serveurs de couleur, des clients en sueur, des brochettes grasses et des bocks de bière. Je repoussai la porte comme quelqu'un qui était déjà là et serait allé uriner. Personne ne me remarqua, ou peut-être l'homme de la caisse qui, me voyant émerger du fond, me fit un signe imperceptible, de ses yeux mi-clos, un okay, comme pour dire j'ai compris, passe, moi je n'ai rien vu.
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Si l'œil pouvait voir les démons qui peuplent l'univers, l'existence serait impossible.
Talmud, Berakhoth, 6.
J'étais sorti du bar et je m'étais trouvé au milieu des lumières de la porte Saint-Martin. Orientale était la gargote d'où j'étais sorti, orientales les autres boutiques tout autour, encore éclairées. Odeur de couscous et de falafel, et la foule. Des jeunes en bandes, affamés, beaucoup avec un sac de couchage, des groupes. Je ne pouvais pas entrer dans un café boire quelque chose. J'avais demandé à un jeune ce qui se passait. La manif, le jour suivant il y avait la grande manifestation contre la loi Savary. Ils arrivaient en autocar.
Un Turc – un druse, un ismaïlien déguisé m'invitait en mauvais français à entrer dans certains lieux. Jamais, fuir Alamut. Je ne sais pas qui est au service de qui. Se méfier.
Je traverse le carrefour. Maintenant je n'entends que le bruit de mes pas. L'avantage des grandes villes, vous vous déplacez de quelques mètres et vous retrouvez la solitude.
Mais soudain, après quelques pâtés de maisons, à ma gauche, le Conservatoire, pâle dans la nuit. De l'extérieur, parfait. Un monument qui dort du sommeil du juste. Je continue vers le sud, en direction de la Seine. J'avais bien une intention, mais elle ne m'était pas claire. Je voulais demander à quelqu'un ce qui était arrivé.
Mort, Belbo ? Le ciel est serein. Je croise un groupe d'étudiants. Silencieux, pris par le genius loci. A gauche, la silhouette de Saint-Nicolas-des-Champs.
Je continue par la rue Saint-Martin, traverse la rue aux Ours, large, on dirait un boulevard, je crains de perdre ma direction, que, par ailleurs, je ne connais pas. Je regarde autour de moi et à ma droite, au coin, je vois les deux vitrines des Éditions Rosicruciennes. Elles sont éteintes, mais en partie avec la lumière des réverbères, en partie avec ma lampe de poche, je réussis à en déchiffrer le contenu. Des livres et des objets. Histoire des juifs, comte de Saint-Germain, alchimie, monde caché, les maisons secrètes de la Rose-Croix, le message des constructeurs de cathédrales, cathares, Nouvelle Atlantide, médecine égyptienne, le temple de Karnak, Bhagavad-Gîta, réincarnation, croix et chandeliers rosicruciens, bustes d'Isis et Osiris, encens en boîte et en tablettes, tarots. Un poignard, un coupe-papier en étain au manche rond qui porte le sceau des Rose-Croix. Qu'est-ce qu'ils font, ils se moquent de moi ?