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“Qui a ces bêtes excellentes?

Qui est leur maître?” Et Ivan,

Comme un grand seigneur, mettant

Les mains aux hanches, comme s’il danse,

Fier, devant ses frères, s’avance

Et dit: “Ces ch’vaux sont les miens,

Je suis leur maître aussi, tiens!”

“Bien, alors, je les achète.

Tu les vends?” – “J’échange,” – “Chose faite!

Que veux-tu en échangeant?” –

“Deux fois cinq chapeaux d’argent!” –

“Ça fait dix que tu désires.”

Le roi fait peser sans dire

D’autres mots, et grâce à lui,

On ajoute cinq roubles aussi;

Le roi est si magnanime!

On mène ces chevaux sublimes

Aux étables du palais

Par dix vieux mais forts valets

Aux ceintures multicolores,

Aux cuirs de Cordoue encore.

En route, comme pour plaisanter,

Les chevaux les font tomber,

Pour v’nir chez Ivan; leurs brides

Sont rompues toutes, solides.

Notre roi doit revenir

Au rang du marché pour dire:

“Ivan, ces ch’vaux ne se laissent

A personne, sans ta caresse.

Rien à faire, il te faudra

Servir au palais, au roi.

Tu s’ras en or, si tu tâtes,

Paré, comme un coq en pâte,

Je te donne mon écurie

Pour que tu surveilles, je suis

Roi, garant de ma parole.

Toi, d’accord?” – “Voilà, ça colle!

Rien à faire, il me faudra

Servir au palais, au roi.

Je s’rai en or, si je tâte,

Paré, comme un coq en pâte!

Le roi me donne l’écurie

Pour que je surveille; ainsi,

Suis-je, d’un petit village,

Ecuyer de roi, tu gages!

Voilà une belle affaire! Soit,

Je vais te servir, mon roi.

Mais il ne faut pas me battre,

Faire, si j’dors, le diable à quatre!

Si pas comme ça, je fil’rai!”

Il siffle à ses deux coursiers,

Agite sa moufle, marche en ville,

Etonnant des gens tranquilles,

Parce qu’à la chanson du sot,

Ils dansent à la russe, ses ch’vaux;

Son petit Ch’val bossu même

Joue des tours, suivant ce thème

Musical. En attendant,

Les deux frères prennent tout l’argent

Du roi; pour qu’ils s’en assurent,

Ils le cachent dans leurs ceintures,

Puis, ils boivent de la vodka,

Chez eux, ils dirigent leurs pas.

Cet argent, ils le divisent,

Marient deux filles à leur guise

Et vivent, en se souvenant

De leur frère cadet Ivan.

Maintenant, donc, on les quitte,

Pour que, du conte, on profite

Afin de faire rire des gens

Chrétiens de c’ que notre Ivan

Fait lors de son bon service

Qui, d’abord, à lui, propice,

Fait de lui un grand sorcier;

De ce qu’il perd sa plume, mais

Prend l’Oiseau de Feu et mène

Chez le roi la belle Fille-Reine;

De ce qu’il est le chercheur

De sa bague, l’ambassadeur

Au ciel (en cité solaire,

Il supplie la Lune-Mère

Pour la bête baleine); en gros,

De ce qu’il sauve trente bateaux;

De ce que, dans les chaudières,

Il devient très beau, prospère, –

Donc, il faut parler de ça,

Comment il va être roi.

La deuxième partie

      “Conter, c’est vite fait,

Agir, c’est bien plus long”

Commençons notre récit

Sur les belles espiègleries

D’Ivan, dont l’histoire est faite,

Comme du Ch’val gris-brun, prophète.

A la mer, des chèvres allaient;

De bois, des monts se couvraient;

Un cheval brisa sa bride,

Monta au soleil, timide;

Une forêt est sous son pied,

Un grand nuage est à côté;

Ce nuage va là et s’éclaire,

Au ciel, il fait du tonnerre.

C’est une ritournelle: attends,

Le conte est tout près, vraiment.

A la mer très orageuse,

Là, sur l’île Tapageuse,

Il y a une bière neuve au bois,

Une jeune fille est couchée là;

Au-d’ssus le rossignol chante;

Une bête noire y court, méchante,

C’est une ritournelle, – eh bien,

C’est le tour du conte qui vient.

Vous voyez, donc, chers laïques,

Ortodoxes chrétiens pudiques,

Comment notre bon Ivan

S’ingère au palais brav’ment;

Son service est aux étables,

Il n’est pas très regrettable

Pour lui de penser aux siens, –

Au palais, il se sent bien.

Ce n’est pas du tout l’affaire

Pour lui de penser aux frères:

Il a dix boîtes de chapeaux,

D’habits, de bottes, – tous sont beaux,

Il mange et dort tant, le brave,

Qu’il ait une vie sans entraves.

Après cinq semaines passées,

Un valet doit remarquer…

Il faut dire qu’aux étables,

Jadis, ce valet capable,

Fils d’un noble, avait été

Supérieur, si vous savez.

C’est clair qu’il est furieux contre

Notre Ivan, qu’il jure qu’il montre

La porte au nouveau-venu,

Même s’il en était perdu.

Mais, cachant sa grande malice,

Il fait mine d’être propice,

Complèt’ment myope et sourd-muet

A toute éventualité.

“Attends, je te chass’rai,” – pense

Ce coquin, – “Sale type, sans chance!”

Donc, après cinq s’maines passées,

Ce valet doit remarquer

Qu’Ivan ne veut pas s’y prendre,

Qu’il ne se presse pas d’apprendre

Le dressage à ses chevaux;

Mais ils sont toujours très beaux,

Comme s’il les lave, s’il leur tresse

Les crinières, s’il leur caresse

Le poil, il est lisse au dos,

Les franges se serrent de bandeaux;

Il y a du blé frais aux stalles

(Comme si c’est sa place natale),

Dans de grands cuveaux, de l’eau

Est versée fraîche, comme il faut.

“Qu’est-ce qu’on a ici à dire? –

Se dit-il et en soupire, –

Attendez, peut-être, vient,

Chez nous, un nouveau lutin?

Je ferai ici une ronde,

Si non, je pourrai au monde

Faire courir un p’tit bruit faux

(Pourvu qu’on épuise l’Idiot);

Je peux au Grand Conseil dire:

Le palefrenier est pire

Qu’un devin, qu’un étranger,

Qu’un gredin et qu’un sorcier;

De l’ami-diable, il profite;

Les temples, il ne les visite

Jamais; il porte une croix

Catholique et ne jeûne pas.”

Le soir, ce valet capable,

Ancien supérieur d’étables,

Se cache aux stalles en secret,

Dans l’avoine et le millet.

Le moment du minuit sonne.

Du mal au coeur, il frissonne:

Plus mort que vif, du trac fou,

Il regarde par un trou, –

Le lutin? Non? Quelle attente…

Sourdement, les portes chantent,

Les chevaux trépignent, voilà,

Le palefrenier est là.

Il ferme au verrou la porte,

Ote le chapeau qu’il porte,

Puis, sur la f’nêtre, il le met,

Du chapeau, il tire après

Le trésor de roi (qu’il cache

Si bien que personne ne sache) –

La plume de l’Oiseau de Feu.

Quelle lumière! Le valet peut

A peine se taire, – il tressaille,

Fait tomber les grains, la paille.

Le lutin ne le voit pas,

Il met la plume à l’endroit

Réservé aux grains; il lave

Les chevaux, les peigne, le brave,

Fait des tresses d’une belle façon

Et chante de divers chansons.

Le valet se pelotonne,

Car, dans la peur, il redonne,

Regarde par l’oeil mi-fermé:

Qui vient pour polissonner?

Sans barbe, ni cornes, un bon torse –

Un gaillard de première force!

En exprès, ce beau fripon,

S’est-il si paré, démon?

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