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Il commence à nous embêter, Eudes, avec son frère.

Et ce matin, Eudes est arrivé, tout énervé.

— Eh les gars ! Eh les gars ! il a crié. Vous savez pas quoi ? Nous avons reçu une lettre de mon frère, ce matin ! Il vient en permission ! Il arrive aujourd’hui ! Il doit déjà être à la maison ! Moi, je voulais rester pour l’attendre, mais mon père n’a pas voulu. Mais il m’a promis de dire à Jonas de venir me chercher à l’école, à midi ! Et vous ne savez pas la meilleure ? Allez, devinez !...

Comme personne n’a rien dit, Eudes a crié, tout fier :

— Il a un grade ! Il est première classe !

— C’est pas un grade, ça, a dit Rufus.

— C’est pas un grade, qu’il dit, a dit Eudes, en rigolant. Parfaitement que c’est un grade, et il a un galon sur la manche. Il nous l’a écrit !

— Et ça fait quoi, un première classe ? j’ai demandé.

— Ben, c’est comme un officier, a dit Eudes. Ça commande des tas de soldats, ça donne des ordres ; à la guerre, c’est celui qui conduit les autres à la bataille ; les soldats doivent le saluer quand il passe. Parfaitement, monsieur ! Les soldats doivent saluer mon frère quand il passe ! Comme ça !

Et Eudes a mis la main contre le côté de la tête, pour saluer.

— Ça c’est chouette ! a dit Clotaire.

On était tous un peu jaloux d’Eudes, qui a un frère en uniforme, avec des galons, et que tout le monde salue. Et puis aussi, on était contents de le voir à la sortie de l’école. Moi, je l’avais déjà vu une fois ou deux, le frère d’Eudes, mais c’était avant, quand il n’était pas encore soldat et que personne ne le saluait. Il est très fort et très gentil.

— D’ailleurs, à la sortie, nous a dit Eudes, il vous racontera lui-même. Je vous laisserai lui parler.

On est montés en classe très énervés, mais le plus énervé de tous, bien sûr, c’était Eudes. Sur son banc, il bougeait et il se penchait pour parler aux copains qui étaient sur les bancs autour de lui.

— Eudes ! a crié la maîtresse. Je ne sais pas ce que vous avez ce matin, mais vous êtes insupportable ! Si vous continuez, je vous garde après la classe !

— Oh ! non, mademoiselle ! Non ! on a tous crié.

La maîtresse nous a regardés, tout étonnée, et Eudes lui a expliqué que son frère, le gradé, venait l’attendre à la sortie.

La maîtresse s’est penchée pour chercher quelque chose dans son tiroir ; mais nous on la connaît, on sait que quand elle fait ça, c’est qu’elle a envie de rigoler ; et puis elle a dit :

— Bon. Mais tenez-vous tranquilles. Surtout vous, Eudes, il faut être sage, pour être digne d’un frère soldat !

Elle nous a paru drôlement longue la classe, et quand la cloche a sonné, tous nos cartables étaient prêts et nous sommes sortis en courant.

Sur le trottoir, Jonas nous attendait. Il n’était pas en uniforme ; il avait un pull-over jaune et un pantalon bleu à rayures, et là on a été un peu déçus.

— Salut, tête de pioche ! il a crié quand il a vu Eudes. T’as encore grandi !

Et Jonas a embrassé Eudes sur les deux joues, il lui a frotté la tête et il a fait semblant de lui donner un coup de poing. Il est drôlement chouette, le frère d’Eudes. J’aimerais bien avoir un grand frère comme lui !

— Pourquoi t’es pas en uniforme, Jojo ? a demandé Eudes.

— En perme ? Tu rigoles ! a dit Jonas.

Et puis il nous a regardés et il a dit :

— Ah ! mais voilà tes copains. Ça, c’est Nicolas... Et le petit gros là, c’est Alceste... Et l’autre, là, c’est... c’est...

— Maixent ! a crié Maixent, tout fier que Jonas l’ait reconnu.

— Dites, a demandé Rufus. C’est vrai que maintenant que vous avez des galons, vous commandez des hommes sur le champ de bataille ?

— Sur le champ de bataille ? a rigolé Jonas. Sur le champ de bataille, non, mais à la cuisine, je surveille les corvées de pluches. Je suis affecté aux cuisines. C’est pas toujours drôle, mais on mange bien. Il y a du rab.

Alors, Eudes a regardé Jonas, il est devenu tout blanc et il est parti en courant.

— Eudes ! Eudes ! a crié Jonas. Mais qu’est-ce qu’il a, celui-là ? Attends-moi, tête de pioche ! Attends-moi !

Et Jonas est parti en courant, après Eudes.

Nous, nous sommes partis aussi, et Alceste a dit qu’Eudes devait être fier d’avoir un frère qui avait si bien réussi dans l’armée.

La craie

Allons, bon ! a dit la maîtresse, il n’y a plus de craie ! Il va falloir aller en chercher.

Alors on a tous levé le doigt et on a crié : « Moi ! moi, mademoiselle ! » sauf Clotaire qui n’avait pas entendu. D’habitude, c’est Agnan, qui est le premier de la classe et le chouchou de la maîtresse, qui va chercher les fournitures, mais là, Agnan était absent parce qu’il a la grippe, alors on a tous crié :

« Moi ! moi, mademoiselle ! »

— Un peu de silence ! a dit la maîtresse. Voyons... Vous, Geoffroy, allez-y, mais revenez vite, n’est-ce pas ? Ne traînez pas dans les couloirs.

Geoffroy est parti, content comme tout, et il est revenu avec un gros sourire et des bâtons de craie plein la main.

— Merci, Geoffroy, a dit la maîtresse. Allez vous asseoir ; Clotaire, passez au tableau. Clotaire, je vous parle !

Quand la cloche a sonné, nous sommes tous sortis en courant, sauf Clotaire, à qui la maîtresse avait des choses à dire, comme chaque fois quand elle l’interroge. Et Geoffroy nous a dit, dans l’escalier :

— A la sortie, venez avec moi. J’ai un truc terrible à vous montrer !

Nous sommes tous sortis de l’école, et on a demandé à Geoffroy ce qu’il avait à nous montrer, mais Geoffroy a regardé de tous les côtés, et il a dit : « Pas ici. Venez ! » Il aime bien faire des mystères, Geoffroy, il est énervant pour ça. Alors on l’a suivi, on a tourné le coin de la rue, on a traversé, on a continué encore un peu, on a retraversé, et puis Geoffroy s’est arrêté, et nous nous sommes mis autour de lui. Geoffroy a encore regardé partout, il a mis la main dans sa poche, et il nous a dit :

— Regardez !

Et dans sa main, il avait – vous ne le devineriez jamais – un bâton de craie !

— Le Bouillon m’a donné cinq bâtons, nous a expliqué Geoffroy, tout fier. Et moi, je n’en ai donné que quatre à la maîtresse.

— Eh ben dis donc, a dit Rufus, t’as du culot, toi !

— Ouais, a dit Joachim, si le Bouillon ou la maîtresse savaient ça, tu te ferais renvoyer, c’est sûr !

Parce que c’est vrai, avec les fournitures de l’école, il faut pas faire les guignols ! La semaine dernière, un grand a tapé sur la tête d’un autre grand avec la carte qu’il portait, la carte s’est déchirée, et les deux grands ont été suspendus.

— Les lâches et les froussards n’ont qu’à partir, a dit Geoffroy. Les autres, on va rigoler avec la craie.

Et nous sommes tous restés, d’abord parce qu’on n’est pas des lâches ni des froussards dans la bande, et puis aussi, parce qu’avec un bâton de craie, on peut drôlement s’amuser et faire des tas et des tas de choses. Ma mémé, une fois, elle m’a envoyé un tableau noir, plus petit que celui de l’école, et une boîte de bâtons de craie, mais Maman m’a pris les craies, parce qu’elle disait que j’en mettais partout, sauf sur le tableau. C’est dommage, c’étaient des craies de toutes les couleurs, des rouges, des bleues, des jaunes, et j’ai dit que ce qui aurait été chouette, ça aurait été d’avoir des craies de couleur.

— Ah, bravo ! a crié Geoffroy. Moi, je prends des risques terribles, et monsieur Nicolas n’aime pas la couleur de ma craie. Puisque t’es si malin, t’as qu’à aller en demander, toi, des craies de couleur, au Bouillon ! Vas-y ! Mais qu’est-ce que t’attends ? Vas-y ! Toi, tu parles, tu parles, mais t’aurais jamais osé en garder de la craie, tiens ! Je te connais !