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Mais nous ne sommes plus restés très longtemps, parce que Papa a dit qu’il préférait partir de bonne heure pour éviter les embouteillages. M. Bongrain a dit que c’était sage, en effet, qu’ils n’allaient pas tarder à rentrer eux-mêmes, dès que Mme Bongrain aurait fini de faire le ménage.

M. et Mme Bongrain nous ont accompagnés jusqu’à la voiture ; Papa et Maman leur ont dit qu’ils avaient passé une journée qu’ils n’oublieraient pas, et juste quand Papa allait démarrer, M. Bongrain s’est approché de la portière pour lui parler :

— Pourquoi n’achètes-tu pas une maison de campagne, comme moi ? a dit M. Bongrain. Bien sûr, personnellement, j’aurais pu m’en passer ; mais il ne faut pas être égoïste, mon vieux ! Pour la femme et le gosse, tu ne peux pas savoir le bien que ça leur fait, cette détente et ce bol d’air, tous les dimanches !

Les crayons de couleur

Ce matin, avant que je parte pour l’école, le facteur a apporté un paquet pour moi, un cadeau de mémé. Il est chouette, le facteur !

Papa, qui était en train de prendre son café au lait, a dit : « Aïe, aïe, aïe, des catastrophes en perspective ! » et Maman, ça ne lui a pas plu que Papa dise ça, et elle s’est mise à crier que chaque fois que sa maman, ma mémé, faisait quelque chose, Papa trouvait à redire, et Papa a dit qu’il voulait prendre son café au lait tranquille, et Maman lui a dit que, oh ! bien sûr, elle était juste bonne à préparer le café au lait et à faire le ménage, et Papa a dit qu’il n’avait jamais dit ça, mais que ce n’était pas trop demander que de vouloir un peu la paix à la maison, lui qui travaillait durement pour que Maman ait de quoi préparer le café au lait. Et pendant que Papa et Maman parlaient, moi j’ai ouvert le paquet, et c’était terrible : c’était une boîte de crayons de couleur ! J’étais tellement content que je me suis mis à courir, à sauter et à danser dans la salle à manger avec ma boîte, et tous les crayons sont tombés.

— Ça commence bien ! a dit Papa.

— Je ne comprends pas ton attitude, a dit Maman. Et puis, d’abord, je ne vois pas quelles sont les catastrophes que peuvent provoquer ces crayons de couleur ! Non, vraiment je ne vois pas !

— Tu verras, a dit Papa.

Et il est parti à son bureau. Maman m’a dit de ramasser mes crayons de couleur, parce que j’allais être en retard pour l’école. Alors, moi je me suis dépêché de remettre les crayons dans la boîte et j’ai demandé à Maman si je pouvais les emmener à l’école. Maman m’a dit que oui, et elle m’a dit de faire attention et de ne pas avoir d’histoires avec mes crayons de couleur. J’ai promis, j’ai mis la boîte dans mon cartable et je suis parti. Je ne comprends pas Maman et Papa ; chaque fois que je reçois un cadeau, ils sont sûrs que vais faire des bêtises.

Je suis arrivé à l’école juste quand la cloche sonnait pour entrer en classe. Moi, j’étais tout fier de ma boîte de crayons de couleur et j’étais impatient de la montrer aux copains. C’est vrai, à l’école, c’est toujours Geoffroy qui apporte des choses que lui achète son papa, qui est très riche, et là, j’étais bien content de lui montrer, à Geoffroy, qu’il n’y avait pas que lui qui avait des chouettes cadeaux, c’est vrai, quoi, à la fin, sans blague...

En classe, la maîtresse a appelé Clotaire au tableau et, pendant qu’elle l’interrogeait, j’ai montré ma boîte à Alceste, qui est assis à côté de moi.

— C’est rien chouette, m’a dit Alceste.

— C’est ma mémé qui me les a envoyés, j’ai expliqué.

— Qu’est-ce que c’est ? a demandé Joachim.

Et Alceste a passé la boîte à Joachim, qui l’a passée à Maixent, qui l’a passée à Eudes, qui l’a passée à Rufus, qui l’a passée à Geoffroy, qui a fait une drôle de tête.

Mais comme ils étaient tous là à ouvrir la boîte et à sortir des crayons pour les regarder et pour les essayer, moi j’ai eu peur que la maîtresse les voie et se mette à confisquer les crayons. Alors, je me suis mis à faire des gestes à Geoffroy pour qu’il me rende la boîte, et la maîtresse a crié :

— Nicolas ! Qu’est-ce que vous avez à remuer et à faire le pitre ?

Elle m’a fait drôlement peur, la maîtresse, et je me suis mis à pleurer, et je lui ai expliqué que j’avais une boîte de crayons de couleur que m’avait envoyée ma mémé, et que je voulais que les autres me la rendent. La maîtresse m’a regardé avec des gros yeux, elle a fait un soupir et elle a dit :

— Bien. Que celui qui a la boîte de Nicolas la lui rende.

Geoffroy s’est levé et m’a rendu la boîte. Et moi, j’ai regardé dedans, et il manquait des tas de crayons.

— Qu’est-ce qu’il y a encore ? m’a demandé la maîtresse.

— Il manque des crayons, je lui ai expliqué.

— Que celui qui a les crayons de Nicolas les lui rende, a dit la maîtresse.

Alors, tous les copains se sont levés pour venir m’apporter les crayons. La maîtresse s’est mise à taper sur son bureau avec sa règle et elle nous a donné des punitions à tous ; nous devons conjuguer le verbe : « Je ne dois pas prendre prétexte des crayons de couleur pour interrompre le cours et semer le désordre dans la classe. » Le seul qui n’a pas été puni, à part Agnan qui est le chouchou de la maîtresse et qui était absent parce qu’il a les oreillons, c’est Clotaire, qui était interrogé au tableau. Lui, il a été privé de récré, comme d’habitude chaque fois qu’il est interrogé.

Quand la récré a sonné, j’ai emmené ma boîte de crayons de couleur avec moi, pour pouvoir en parler avec les copains, sans risquer d’avoir des punitions. Mais dans la cour, quand j’ai ouvert la boîte, j’ai vu qu’il manquait le crayon jaune.

— Il me manque le jaune ! j’ai crié. Qu’on me rende le jaune !

— Tu commences à nous embêter, avec tes crayons, a dit Geoffroy. A cause de toi, on a été punis !

Alors, là, je me suis mis drôlement en colère.

— Si vous n’aviez pas fait les guignols, il ne serait rien arrivé, j’ai dit. Ce qu’il y a, c’est que vous êtes tous des jaloux ! Et si je ne retrouve pas le voleur, je me plaindrai !

— C’est Eudes qui a le jaune, a crié Rufus, il est tout rouge !... Eh ! vous avez entendu, les gars ? J’ai fait une blague : j’ai dit qu’Eudes avait volé le jaune parce qu’il était tout rouge !

Et tous se sont mis à rigoler, et moi aussi, parce qu’elle était bonne celle-là, et je la raconterai à Papa. Le seul qui n’a pas rigolé, c’est Eudes, qui est allé vers Rufus et qui lui a donné un coup de poing sur le nez.

— Alors, c’est qui le voleur ? a demandé Eudes, et il a donné un coup de poing sur le nez de Geoffroy.

— Mais je n’ai rien dit, moi ! a crié Geoffroy, qui n’aime pas recevoir des coups de poing sur le nez, surtout quand c’est Eudes qui les donne. Moi, ça m’a fait rigoler, le coup de Geoffroy qui recevait un coup de poing sur le nez quand il ne s’y attendait pas ! Et Geoffroy a couru vers moi, et il m’a donné une claque, en traître, et ma boîte de crayons de couleur est tombée et nous nous sommes battus. Le Bouillon – c’est notre surveillant – il est arrivé en courant, il nous a séparés, il nous a traités de bande de petits sauvages, il a dit qu’il ne voulait même pas savoir de quoi il s’agissait et il nous a donné cent lignes à chacun.

— Moi, j’ai rien à voir là-dedans, a dit Alceste, j’étais en train de manger ma tartine.

— Moi non plus, a dit Joachim, j’étais en train de demander à Alceste de m’en donner un bout.

— Tu peux toujours courir ! a dit Alceste.

Alors, Joachim a donné une baffe à Alceste, et le Bouillon leur a donné deux cents lignes à chacun.

Quand je suis revenu à la maison pour déjeuner, j’étais pas content du tout ; ma boîte de crayons de couleur était démolie, il y avait des crayons cassés et il me manquait toujours le jaune. Et je me suis mis à pleurer dans la salle à manger, en expliquant à Maman le coup des punitions. Et puis Papa est entré, et il a dit :