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« Je ne dois pas battre un camarade qui ne me cherche pas noise et qui porte des lunettes. » « C’est bien fait », a dit Agnan. Alors, la maîtresse lui a donné des lignes à faire, à lui aussi. Agnan, il a été tellement étonné qu’il n’a même pas pleuré. La maîtresse a commencé à les distribuer drôlement, les punitions, on avait tous des tas de lignes à faire et finalement, la maîtresse nous a dit : « Maintenant, vous allez vous décider à vous tenir tranquilles. Si vous êtes très gentils, je lèverai toutes les punitions. Alors, vous allez bien prendre la pose, faire un joli sourire et le monsieur va nous prendre une belle photographie ! » Comme nous ne voulions pas faire de la peine à la maîtresse, on a obéi. Nous avons tous souri et on a pris la pose.

Mais, pour le souvenir que nous allions chérir toute notre vie, c’est raté, parce qu’on s’est aperçu que le photographe n’était plus là. Il était parti, sans rien dire.

Les cow-boys

J’ai invité les copains à venir à la maison cet après-midi pour jouer aux cow-boys. Ils sont arrivés avec toutes leurs affaires. Rufus avait mis la panoplie d’agent de police que lui avait offerte son papa avec le képi, les menottes, le revolver, le bâton blanc et le sifflet à roulette ; Eudes portait le vieux chapeau boy-scout de son grand frère et un ceinturon avec des tas de cartouches en bois et deux étuis dans lesquels il y avait des revolvers terribles avec des crosses faites dans le même genre d’os que le poudrier que papa a acheté à maman après qu’ils se sont disputés à cause du rôti qui était trop cuit mais maman disait que c’était parce que papa était arrivé en retard. Alceste était en Indien, il avait une hache en bois et des plumes sur la tête, il ressemblait à un gros poulet ; Geoffroy, qui aime bien se déguiser et qui a un papa très riche qui lui donne tout ce qu’il veut, était habillé complètement en cow-boy, avec un pantalon en mouton, un gilet en cuir, une chemise à carreaux, un grand chapeau, des revolvers à capsules et des éperons avec des pointes terribles. Moi, j’avais un masque noir qu’on m’avait donné pour Mardi-Gras, mon fusil à flèches et un mouchoir rouge autour du cou qui est un vieux foulard à ma maman. On était chouettes !

On était dans le jardin et maman nous avait dit qu’elle nous appellerait pour le goûter. « Bon, j’ai dit, alors voilà, moi je suis le jeune homme et j’ai un cheval blanc et vous, vous êtes les bandits, mais à la fin c’est moi qui gagne. » Les autres, ils n’étaient pas d’accord, c’est ça qui est embêtant, quand on joue tout seul, on ne s’amuse pas et quand on n’est pas tout seul, les autres font des tas de disputes. « Pourquoi est-ce que ce ne serait pas moi le jeune homme, a dit Eudes, et puis, pourquoi je n’aurais pas un cheval blanc, moi aussi ? – Avec une tête comme la tienne, tu peux pas être le jeune homme », a dit Alceste. « Toi, l’Indien, tais-toi ou je te donne un coup de pied dans le croupion ! » a dit Eudes qui est très fort et qui aime bien donner des coups de poing sur les nez des copains et le coup du croupion ça m’a étonné, mais c’est vrai qu’Alceste ressemblait à un gros poulet. « En tout cas, moi, a dit Rufus, je serai le shérif. – Le shérif ? a dit Geoffroy. Où est-ce que tu as vu un shérif avec un képi, tu me fais rigoler ! » Ça, ça n’a pas plu à Rufus, dont le papa est agent de police. « Mon papa, il a dit, il porte un képi et il ne fait rigoler personne ! – Il ferait rigoler tout le monde s’il s’habillait comme ça au Texas », a dit Geoffroy et Rufus lui a donné une gifle, alors, Geoffroy a sorti un revolver de l’étui et il a dit : « Tu le regretteras, Joe » et Rufus lui a donné une autre gifle et Geoffroy est tombé assis par terre en faisant pan ! avec son revolver ; alors Rufus s’est appuyé les mains sur le ventre, et il fait des tas de grimaces et il est tombé en disant : « Tu m’as eu coyote, mais je serai vengé ! »

Moi je galopais dans le jardin en me donnant des tapes dans la culotte pour avancer plus vite et Eudes s’est approché de moi. « Descends de ce cheval, il a dit. Le cheval blanc, c’est moi qui l’ai ! – Non monsieur, je lui ai dit, ici je suis chez moi et le cheval blanc, c’est moi qui l’ai », et Eudes m’a donné un coup de poing sur le nez. Rufus a donné un grand coup de sifflet à roulette. « Tu es un voleur de chevaux, il a dit à Eudes, et à Kansas City, les voleurs de chevaux, on les pend ! » Alors, Alceste est venu en courant et il a dit : « Minute ! Tu peux pas le pendre, le shérif, c’est moi ! – Depuis quand, volaille ? » a demandé Rufus. Alceste, qui pourtant n’aime pas se battre, a pris sa hache en bois et avec le manche, toc ! il a donné un coup sur la tête de Rufus qui ne s’y attendait pas. Heureusement que sur la tête de Rufus il y avait le képi. « Mon képi ! Tu as cassé mon képi ! » il a crié Rufus et il s’est mis à courir après Alceste, tandis que moi je galopais de nouveau autour du jardin.

« Eh, les gars, a dit Eudes, arrêtez ! J’ai une idée. Nous on sera les bons et Alceste la tribu des Indiens et il essaie de nous capturer et puis il prend un prisonnier, mais nous on arrive et on délivre le prisonnier et puis Alceste est vaincu ! » Nous on était tous pour cette idée qui était vraiment chouette, mais Alceste n’était pas d’accord. « Pourquoi est-ce que je ferais l’Indien ? » il a dit Alceste. « Parce que tu as des plumes sur la tête, idiot ! a répondu Geoffroy, et puis si ça ne te plaît pas, tu ne joues plus, c’est vrai ça, à la fin, tu nous embêtes ! – Eh bien, puisque c’est comme ça, je ne joue plus », a dit Alceste et il est allé dans un coin bouder et manger un petit pain au chocolat qu’il avait dans sa poche. « Il faut qu’il joue, a dit Eudes, c’est le seul indien que nous ayons d’ailleurs, s’il ne joue pas, je le plume ! » Alceste a dit que bon, qu’il voulait bien, mais à condition d’être un bon Indien à la fin. « D’accord, d’accord, a dit Geoffroy, ce que tu peux être contrariant, tout de même ! – Et le prisonnier, ce sera qui ? j’ai demandé – Ben, ça sera Geoffroy, a dit Eudes, on va l’attacher à l’arbre avec la corde à linge. – Ça va pas, non ? a demandé Geoffroy, pourquoi moi ? Je ne peux pas être le prisonnier, je suis le mieux habillé de tous ! – Ben quoi ? a répondu Eudes, ce n’est pas parce que j’ai un cheval blanc que je refuse de jouer ! – Le cheval blanc c’est moi qui l’ai ! » j’ai dit. Eudes s’est fâché, il a dit que le cheval blanc c’était lui et que si ça ne me plaisait pas il me donnerait un autre coup de poing sur le nez. « Essaie ! » j’ai dit et il a réussi. « Bouge pas, Oklahoma Kid ! » criait Geoffroy et il tirait des coups de revolver partout ; Rufus, lui, donnait du sifflet à roulette et il disait : « Ouais, je suis le shérif, ouais, je vous arrête tous ! » et Alceste lui a donné un coup de hache sur le képi en disant qu’il le faisait prisonnier et Rufus s’est fâché parce que son sifflet à roulette était tombé dans l’herbe, moi je pleurais et je disais à Eudes qu’ici j’étais chez moi et que je ne voulais plus le voir ; tout le monde criait, c’était chouette, on rigolait bien, terrible.

Et puis, papa est sorti de la maison. L’air pas content. « Eh bien les enfants, qu’est-ce que c’est que ce vacarme, vous ne savez pas vous amuser gentiment ? – C’est à cause de Geoffroy, monsieur, il ne veut pas être le prisonnier ! » a dit Eudes. « Tu veux ma main sur la figure ? » a demandé Geoffroy et ils ont recommencé à se battre, mais papa les a séparés. « Allons, les enfants, il a dit, je vais vous montrer comme il faut jouer. Le prisonnier ce sera moi ! » Nous on était drôlement contents ! Il est chouette mon papa ! Nous avons attaché papa à l’arbre avec la corde à linge et à peine on avait fini, que nous avons vu monsieur Blédurt sauter par-dessus la haie du jardin.