Выбрать главу

Tout le monde était levé et criait, sauf Clotaire qui pleurait toujours dans son coin et Agnan qui était allé au tableau et qui récitait Le Corbeau et le Renard. La maîtresse, l’inspecteur et le directeur criaient « Assez ! ». On a tous bien rigolé.

Quand ça s’est arrêté et que tout le monde s’est assis, l’inspecteur a sorti son mouchoir et il s’est essuyé la figure, il s’est mis de l’encre partout et c’est dommage qu’on n’ait pas le droit de rire, parce qu’il faudra se retenir jusqu’à la récréation et ça ne va pas être facile.

L’inspecteur s’est approché de la maîtresse et il lui a serré la main. « Vous avez toute ma sympathie, Mademoiselle. Jamais, comme aujourd’hui, je ne me suis aperçu à quel point notre métier est un sacerdoce. Continuez ! Courage ! Bravo ! » Et il est parti, très vite, avec le directeur.

Nous, on l’aime bien, notre maîtresse, mais elle a été drôlement injuste. C’est grâce à nous qu’elle s’est fait féliciter, et elle nous a tous mis en retenue !

Rex

En sortant de l’école, j’ai suivi un petit chien. Il avait l’air perdu, le petit chien, il était tout seul et ça m’a fait beaucoup de peine. J’ai pensé que le petit chien serait content de trouver un ami et j’ai eu du mal à le rattraper. Comme le petit chien n’avait pas l’air d’avoir tellement envie de venir avec moi, il devait se méfier, je lui ai offert la moitié de mon petit pain au chocolat et le petit chien a mangé le petit pain au chocolat et il s’est mis à remuer la queue dans tous les sens et moi je l’ai appelé Rex, comme dans un film policier que j’avais vu jeudi dernier.

Après le petit pain, que Rex a mangé presque aussi vite que l’aurait fait Alceste, un copain qui mange tout le temps, Rex m’a suivi tout content. J’ai pensé que ce serait une bonne surprise pour papa et pour maman quand j’arriverais avec Rex à la maison. Et puis, j’apprendrais à Rex à faire des tours, il garderait la maison, et aussi, il m’aiderait à retrouver des bandits, comme dans le film de jeudi dernier.

Eh bien, je suis sûr que vous ne me croirez pas, quand je suis arrivé à la maison, maman n’a pas été tellement contente de voir Rex, elle n’a pas été contente du tout. Il faut dire que c’est un peu de la faute de Rex. Nous sommes entrés dans le salon et maman est arrivée, elle m’a embrassé, m’a demandé si tout s’était bien passé à l’école, si je n’avais pas fait de bêtises et puis elle a vu Rex et elle s’est mise à crier « Où as-tu trouvé cet animal ? » Moi, j’ai commencé à expliquer que c’était un pauvre petit chien perdu qui m’aiderait à arrêter des tas de bandits, mais Rex, au lieu de se tenir tranquille, a sauté sur un fauteuil et il a commencé à mordre dans le coussin. Et c’était le fauteuil où papa n’a pas le droit de s’asseoir, sauf s’il y a des invités !

Maman a continué à crier, elle m’a dit qu’elle m’avait défendu de ramener des bêtes à la maison (c’est vrai, maman me l’a défendu la fois où j’ai ramené une souris), que c’était dangereux, que ce chien pouvait être enragé, qu’il allait nous mordre tous et qu’on allait tous devenir enragés et qu’elle allait chercher un balai pour mettre cet animal dehors et qu’elle me donnait une minute pour sortir ce chien de la maison.

J’ai eu du mal à décider Rex à lâcher le coussin du fauteuil, et encore, il en a gardé un bout dans les dents, je ne comprends pas qu’il aime ça, Rex. Et puis, je suis sorti dans le jardin, avec Rex dans les bras. J’avais bien envie de pleurer, alors, c’est ce que j’ai fait. Je ne sais pas si Rex était triste aussi, il était trop occupé à cracher des petits bouts de laine du coussin.

Papa est arrivé et il nous a trouvés tous les deux, assis devant la porte, moi en train de pleurer, Rex en train de cracher. « Eh bien, il a dit papa, qu’est-ce qui se passe ici ? » Alors moi j’ai expliqué à papa que maman ne voulait pas de Rex et Rex c’était mon ami et j’étais le seul ami de Rex et il m’aiderait à retrouver des tas de bandits et il ferait des tours que je lui apprendrais et que j’étais bien malheureux et je me suis remis à pleurer un coup pendant que Rex se grattait une oreille avec la patte de derrière et c’est drôlement difficile à faire, on a essayé une fois à l’école et le seul qui y réussissait c’était Maixent qui a des jambes très longues.

Papa, il m’a caressé la tête et puis il m’a dit que maman avait raison, que c’était dangereux de ramener des chiens à la maison, qu’ils peuvent être malades et qu’ils se mettent à vous mordre et puis après, bing ! tout le monde se met à baver et à être enragé et que, plus tard, je l’apprendrais à l’école, Pasteur a inventé un médicament, c’est un bienfaiteur de l’humanité et on peut guérir, mais ça fait très mal. Moi, j’ai répondu à papa que Rex n’était pas malade, qu’il aimait bien manger et qu’il était drôlement intelligent. Papa, alors, a regardé Rex et il lui a gratté la tête, comme il me fait à moi, quelquefois. « C’est vrai qu’il a l’air en bonne santé, ce petit chien », a dit papa et Rex s’est mis à lui lécher la main. Ça lui a fait drôlement plaisir à papa. « Il est mignon », il a dit papa, et puis, il a tendu l’autre main et il a dit « La patte, donne la papatte, allons, la papatte, donne ! » et Rex lui a donné la papatte et puis il lui a léché la main et puis il s’est gratté l’oreille, il était drôlement occupé, Rex. Papa, il rigolait et puis il m’a dit « Bon, attends-moi ici, je vais essayer d’arranger ça avec ta mère », et il est entré dans la maison. Il est chouette papa ! Pendant que papa arrangeait ça avec maman, je me suis amusé avec Rex, qui s’est mis à faire le beau et puis comme je n’avais rien à lui donner à manger, il s’est remis à gratter son oreille, il est terrible, Rex !

Quand papa est sorti de la maison, il n’avait pas l’air tellement content. Il s’est assis à côté de moi, il m’a gratté la tête et il m’a dit que maman ne voulait pas du chien dans la maison, surtout après le coup du fauteuil. J’allais me mettre à pleurer, mais j’ai eu une idée. « Si maman ne veut pas de Rex dans la maison, j’ai dit, on pourrait le garder dans le jardin. » Papa, il a réfléchi un moment et puis il a dit que c’était une bonne idée, que dans le jardin Rex ne ferait pas de dégâts et qu’on allait lui construire une niche, tout de suite. Moi j’ai embrassé papa.

Nous sommes allés chercher des planches dans le grenier et papa a apporté ses outils. Rex, lui, il s’est mis à manger les bégonias, mais c’est moins grave que pour le fauteuil du salon, parce que nous avons plus de bégonias que de fauteuils.

Papa, il a commencé à trier les planches. « Tu vas voir, il m’a dit, on va lui faire une niche formidable, un vrai palais. – Et puis, j’ai dit, on va lui apprendre à faire des tas de tours et il va garder la maison ! – Oui, a dit papa, on va le dresser pour chasser les intrus, Blédurt par exemple. » Monsieur Blédurt, c’est notre voisin, papa et lui, ils aiment bien se taquiner l’un l’autre. On s’amusait bien, Rex, moi et papa ! Ça s’est un peu gâté quand papa a crié, à cause du coup de marteau qu’il s’est donné sur le doigt et maman est sortie de la maison. « Qu’est-ce que vous faites ? » a demandé maman. Alors moi, je lui ai expliqué que nous avions décidé, papa et moi, de garder Rex dans le jardin, là où il n’y avait pas de fauteuils et que papa lui fabriquait une niche et qu’il allait apprendre à Rex à mordre monsieur Blédurt, pour le faire enrager. Papa, il ne disait pas grand-chose, il se suçait le doigt et il regardait maman. Maman n’était pas contente du tout. Elle a dit qu’elle ne voulait pas de bête chez elle et regardez-moi un peu ce que cet animal a fait de mes bégonias ! Rex a levé la tête et il s’est approché de maman en remuant la queue et puis il a fait le beau. Maman l’a regardé et puis elle s’est baissée et elle a caressé la tête de Rex et Rex lui a léché la main et on a sonné à la porte du jardin.