Papa est allé ouvrir et un monsieur est entré. Il a regardé Rex et il a dit : « Kiki ! Enfin te voilà ! Je te cherche partout ! – Mais enfin, monsieur, a demandé papa, que désirez-vous ? – Ce que je désire ? a dit le monsieur. Je désire mon chien ! Kiki s’est échappé pendant que je lui faisais faire sa petite promenade et on m’a dit qu’on avait vu un gamin l’emmener par ici. – Ce n’est pas Kiki, c’est Rex, j’ai dit. Et tous les deux on va attraper des bandits comme dans le film de jeudi dernier et on va le dresser pour faire des blagues à monsieur Blédurt ! » Mais Rex avait l’air tout content et il a sauté dans les bras du monsieur. « Qui me prouve que ce chien est à vous, a demandé papa, c’est un chien perdu ! – Et le collier, a répondu le monsieur, vous n’avez pas vu son collier ? Il y a mon nom dessus ! Jules Joseph Trempé, avec mon adresse. J’ai bien envie de porter plainte ! Viens, mon pauvre Kiki, non mais ! » et le monsieur est parti avec Rex.
On est restés tout étonnés, et puis maman s’est mise à pleurer. Alors, papa, il a consolé maman et il lui a promis que je ramènerais un autre chien, un de ces jours.
Djodjo
Nous avons eu un nouveau, en classe. L’après-midi, la maîtresse est arrivée avec un petit garçon qui avait des cheveux tout rouges, des taches de rousseur et des yeux bleus comme la bille que j’ai perdue hier à la récréation, mais Maixent a triché. « Mes enfants, a dit la maîtresse, je vous présente un nouveau petit camarade. Il est étranger et ses parents l’ont mis dans cette école pour qu’il apprenne à parler français. Je compte sur vous pour m’aider et être très gentils avec lui. » Et puis la maîtresse s’est tournée vers le nouveau et elle lui a dit « Dis ton nom à tes petits camarades. » Le nouveau n’a pas compris ce que lui demandait la maîtresse, il a souri et nous avons vu qu’il avait des tas de dents terribles. « Le veinard, a dit Alceste, un copain gros, qui mange tout le temps, avec des dents comme ça, il doit mordre des drôles de morceaux ! » Comme le nouveau ne disait rien, la maîtresse nous a dit qu’il s’appelait Georges Mac Intosh. « Yes, a dit le nouveau, Dgeorges. – Pardon, mademoiselle, a demandé Maixent, il s’appelle Georges ou Dgeorges ? » La maîtresse nous a expliqué qu’il s’appelait Georges, mais que dans sa langue, ça se prononçait Dgeorges. « Bon, a dit Maixent, on l’appellera Jojo. – Non, a dit Joachim, il faut prononcer Djodjo. – Tais-toi, Djoachim », a dit Maixent et la maîtresse les a mis tous les deux au piquet.
La maîtresse a fait asseoir Djodjo à côté d’Agnan. Agnan avait l’air de se méfier du nouveau, comme il est le premier de la classe et le chouchou de la maîtresse, il a toujours peur des nouveaux, qui peuvent devenir premiers et chouchous. Avec nous, Agnan sait qu’il est tranquille.
Djodjo s’est assis, toujours en faisant son sourire plein de dents. « C’est dommage que personne ne parle sa langue », a dit la maîtresse. « Moi je possède quelques rudiments d’anglais », a dit Agnan, qui, il faut le dire, parle bien. Mais après qu’Agnan eut sorti ses rudiments à Djodjo, Djodjo l’a regardé et puis il s’est mis à rire et il s’est tapé le front avec le doigt. Agnan était très vexé, mais Djodjo avait raison. Après, on a su qu’Agnan lui avait raconté des choses sur son tailleur qui était riche et sur le jardin de son oncle qui était plus grand que le chapeau de sa tante. Il est fou, Agnan !
La récréation a sonné et nous sommes sortis, tous, sauf Joachim, Maixent et Clotaire, qui étaient punis. Clotaire est le dernier de la classe et il ne savait pas sa leçon. Quand Clotaire est interrogé, il n’a jamais de récréation.
Dans la cour, on s’est mis tous autour de Djodjo. On lui a posé beaucoup de questions, mais lui, tout ce qu’il faisait, c’était nous montrer des tas de dents. Et puis, il s’est mis à parler, mais on n’a rien compris, ça faisait « oinshouinshouin » et c’est tout. « Ce qu’il y a, a dit Geoffroy qui va beaucoup au cinéma, c’est qu’il parle en version originale. Il lui faudrait des sous-titres. – Je pourrais peut-être traduire », a dit Agnan qui voulait essayer ses rudiments encore un coup. « Bah, a dit Rufus, toi, tu es un dingue ! » Ça, ça lui a plu, au nouveau, il a montré Agnan du doigt et il a dit : « Aoh ! Dingue-dinguedingue ! » Il était tout content. Agnan, lui, il est parti en pleurant, il pleure tout le temps, Agnan. Nous, on a commencé à le trouver drôlement chouette, Djodjo, et moi, je lui ai donné un bout de mon morceau de chocolat de la récréation. « Qu’est-ce qu’on fait comme sport dans ton pays ? » a demandé Eudes. Djodjo, bien sûr, n’a pas compris, il continuait à dire « dingue-dingue dingue », mais Geoffroy a répondu « En voilà une question, ils jouent au tennis, chez eux ! – Espèce de guignol, a crié Eudes, je ne te parle pas, à toi ! – Espèce guignol ! Dinguedingue ! » a crié le nouveau qui avait l’air de beaucoup s’amuser avec nous. Mais Geoffroy n’avait pas aimé la façon dont lui avait répondu Eudes. « Qui est un guignol ? » il a demandé et il a eu tort parce que Eudes est très fort et il aime bien donner des coups de poing sur les nez et ça n’a pas raté pour celui de Geoffroy. Quand il a vu le coup de poing, Djodjo s’est arrêté de dire « dinguedingue » et « espèce guignol ». Il a regardé Eudes et il a dit : « boxing ? très bon ! » Et il a mis ses poings devant sa figure et il a commencé à danser tout autour d’Eudes comme les boxeurs à la télévision chez Clotaire, parce que nous on n’en a pas encore et moi je voudrais bien que papa en achète une. « Qu’est-ce qui lui prend ? » a demandé Eudes. « Il veut faire de la boxe avec toi, gros malin ! » a répondu Geoffroy qui se frottait le nez. Eudes a dit « bon » et il a essayé de boxer avec Djodjo. Mais Djodjo se débrouillait drôlement mieux qu’Eudes. Il lui donnait tout un tas de coups et Eudes commençait à se fâcher : « S’il ne laisse pas son nez en place, comment voulez-vous que je me batte ? » il a crié et bing ! Djodjo a donné un coup de poing à Eudes qui l’a fait tomber assis. Eudes n’était pas fâché. « T’es costaud ! » il a dit en se relevant. « Costaud, dingue, espèce guignol ! » a répondu le nouveau, qui apprend drôlement vite. La récréation s’est terminée, et, comme d’habitude, Alceste s’est plaint qu’on ne lui laissait pas le temps de terminer les quatre petits pains pleins de beurre qu’il apporte de chez lui.
En classe, quand nous sommes entrés, la maîtresse a demandé à Djodjo s’il s’était bien amusé, alors, Agnan s’est levé et il a dit : « Mademoiselle, ils lui apprennent des gros mots ! – C’est pas vrai, sale menteur ! » a crié Clotaire, qui n’était pas sorti en récréation. « Dingue, espèce guignol, sale menteur », a dit Djodjo tout fier.
Nous, on ne disait rien, parce qu’on voyait que la maîtresse n’était pas contente du tout. « Vous devriez avoir honte, elle a dit, de profiter d’un camarade qui ignore votre langue ! Je vous avais demandé pourtant d’être gentils, mais on ne peut pas vous faire confiance ! Vous vous êtes conduits comme des petits sauvages, des mal élevés ! – Dingue, espèce guignol, sale menteur, sauvage, mal élevé », a dit Djodjo, qui avait l’air de plus en plus content d’apprendre tant de choses.