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Wanderkhouzé avait l’air on ne peut plus malheureux.

— Bon … d’accord, fit-il. Acceptons votre version. Simplement, vous ne comprenez pas, Guénnadi, vous n’êtes pas un pilote interstellaire. Vous ne comprenez pas à quel point c’est peu probable. Juste au moment de l’émergence du subespace, une météorite énorme, avec une énergie énorme … Je ne sais vraiment pas à quoi je peux comparer cela du point de vue de l’improbabilité !

— Admettons. Que proposez-vous ?

Wanderkhouzé promena son regard à la ronde en cherchant du soutien et, ne l’ayant pas trouvé, dit :

— Bon, admettons. Cependant j’insiste quand même pour que le texte soit rédigé au conditionnel. « Les faits mentionnés obligent à supposer … »

— « À conclure », rectifia Komov.

— « À conclure » ? (Wanderkhouzé se renfrogna.) Mais non, Guénnadi, de quelle conclusion peut-il s’agir ? C’est une supposition ! « obligent à supposer que le vaisseau aurait été détruit par une météorite de haute énergie au moment de sa sortie du subespace. » Voilà. Je vous suggère d’approuver.

Komov réfléchit quelques secondes, crispant les mâchoires, puis émit :

— Entendu. Passons à la rectification suivante.

— Une petite minute, objecta Wanderkhouzé. Et toi, Maïka ?

Maïka haussa les épaules.

— À franchement parler, je ne sens pas la différence. En principe je suis d’accord.

— La rectification suivante, enchaîna impatiemment Komov. Nous n’avons pas besoin de demander l’avis de la base sur ce que nous devons faire avec des dépouilles. En règle générale, cette question n’a pas sa place dans un rapport d’enquête. Il faut envoyer un radiogramme spécial précisant que les dépouilles des pilotes, déjà déposées dans des containers et enduites de verroplaste, seront bientôt expédiés à la base.

— Mais … commença Wanderkhouzé, l’air déconcerté.

— Je m’en occuperai demain, l’interrompit Komov. Personnellement.

— Il faudrait peut-être les enterrer ici ? proposa Maïka à voix basse.

— Je n’y vois pas d’inconvénient, répondit aussitôt Komov. Toutefois, dans des cas semblables, les dépouilles sont généralement expédiées sur la Terre … Comment ? se tourna-t-il vers Wanderkhouzé.

Wanderkhouzé qui avait ouvert la bouche pour parler secoua la tête :

— Rien.

— En un mot, résuma Komov, je suggère d’exclure cette question du rapport. Êtes-vous d’accord, Yakov ?

— Après tout, oui. Et toi, Maïka ?

Maïka hésitait, et je la comprenais. La discussion se déroulait d’une façon trop impersonnelle. Il est vrai que je ne sais pas comment cela doit se passer, mais à mon avis de telles questions ne peuvent pas être résolues par un vote.

— Parfait, commenta Komov comme si de rien n’était. Passons maintenant aux causes et circonstances de la mort des pilotes. L’acte d’autopsie et la documentation photographique me satisfont pleinement. Quant au texte, je propose de le formuler de la manière suivante : « La disposition des cadavres prouve que la mort des pilotes est survenue par suite de collision de l’astronef avec la surface de la planète. L’homme est décédé avant la femme, après avoir eu juste le temps d’effacer le journal de bord. Il n’était plus en mesure de quitter son fauteuil de navigation. La femme, en revanche, est restée en vie encore quelques minutes et a tenté de quitter le vaisseau. La mort l’a surprise alors qu’elle se trouvait déjà dans le caisson. » Plus loin on reprend votre texte.

— Hum … fit Wanderkhouzé, fortement dubitatif. Ne serait-ce pas trop catégorique, qu’en pensez-vous, Guénnadi ? Si on s’en tient à l’acte d’autopsie auquel vous ne voyez rien à redire, la pauvre était tout simplement incapable de ramper jusqu’au caisson.

— Néanmoins, elle s’y est retrouvée, riposta froidement Komov.

— Précisément cette circonstance … commença Wanderkhouzé d’un ton pénétré, les mains serrées contre sa poitrine.

— Écoutez, Yakov, l’interrompit Komov. Personne ne sait ce dont est capable un être humain placé dans des conditions critiques. Surtout une femme. Rappelez-vous l’histoire de Martha Priestley. Celle de Kolesnitchenko. Rappelez-vous l’Histoire en général, Yakov.

Un silence s’établit. Wanderkhouzé, l’air malheureux, tirait impitoyablement sur ses favoris.

— Moi, justement, je ne suis pas le moins du monde étonnée par le fait qu’elle se soit retrouvée dans le caisson, remarqua Maïka. Une chose que je ne comprends pas, en revanche, c’est pourquoi le journal de bord a été effacé. Il y a eu une collision, n’est-ce pas, il était en train de mourir …

— Ça, au contraire … avança Wanderkhouzé, indécis. Ça peut arriver. Il agonisait, il fouillait le tableau de bord avec ses mains, il a accroché la clé …

— La question du journal de bord est placée dans le paragraphe des faits à souligner particulièrement, intervint Komov. Personnellement, je pense que ce mystère ne sera jamais éclairci … Si, toutefois, c’est un mystère et pas un concours soudain de circonstances. Continuons. (Il feuilleta rapidement les documents éparpillés devant lui.) À vrai dire, je n’ai plus de remarques. Apparemment, la microflore et la microfaune terrestres ont péri, en tout cas, il n’y en a pas de traces … Bien … Leurs papiers personnels. Les étudier n’est pas notre affaire, en plus ils sont dans un tel état que nous ne ferions que les gâcher. Demain j’assumerai leur conservation et les apporterai ici … Oui ! Popov, nous avons quelque chose qui vous concerne. Connaissez-vous l’équipement cybernétique des vaisseaux du type Pélican ?

— Oui, bien sûr, répondis-je, repoussant hâtivement mon assiette.

— S’il vous plaît. (Il me jeta une feuille de papier.) C’est l’inventaire des cybermécanismes que nous avons trouvés. Vérifiez s’ils sont au complet.

Je pris l’inventaire. Les autres me regardaient dans l’expectative.

— Oui, confirmai-je, à première vue tout est là. Même les éclaireurs d’initiation. En général il en manque toujours quelques-uns … En revanche, ça, je ne comprends pas. Qu’est-ce que c’est « Robot de réparation remonté en dispositif de couture ? »

— Yakov, expliquez-lui, lança Komov. Wanderkhouzé renversa la tête en arrière et avança sa mâchoire.

— Tu vois, Stas, prononça-t-il, comme en méditant.

Il est difficile de l’expliquer vraiment. Simplement c’est un cyber de réparation transformé en un dispositif de couture. Un dispositif qui coud, tu vois ? L’un d’eux, probablement la femme, avait un dada un peu singulier.

— Ah, fis-je, surpris. C’est sûr que c’était un cyber de réparation ?

— Sans le moindre doute.

— Dans ce cas, c’est complet. (Je rendis l’inventaire à Komov.) Ça arrive fort rarement. Il faut croire qu’ils n’ont jamais débarqué sur des planètes difficiles.

— Merci, dit Komov. Quand le rapport sera réécrit au net, je vous demanderai de signer le paragraphe concernant le coulage du matériel cybernétique périmé.

— Mais il n’y a pas de coulage, protestai-je.

Komov ne me prêta aucune attention. Wanderkhouzé commenta :

— Ce n’est que le titre du paragraphe : « Coulage du matériel cybernétique périmé. » Tu marqueras qu’il n’y en a pas eu.

— Bon … (Komov rassembla en une pile ses papiers dispersés.) À présent, je vous serai très reconnaissant, Yakov, de ranger tout cela définitivement, nous signerons et on pourra l’envoyer par la radio dès aujourd’hui. Si personne n’a rien à ajouter, je m’en vais.

Personne n’avait rien à ajouter, et il s’en alla. Wanderkhouzé se leva avec un gros soupir, soupesa sur sa paume la pile des feuilles du rapport, nous regarda, la tête rejetée en arrière, et s’en alla à son tour.