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L’enregistrement se terminait également à la moitié d’un mot.

À franchement parler, cela avait du mal à se caser dans ma tête. Que venait faire là-dedans l’idéal galactique ? À mon avis, les gens dans le cosmos ne devenaient pas galactiques pour autant. Je dirais même le contraire : les gens apportaient dans le cosmos la Terre — le confort terrien, les normes terriennes, la morale terrienne. S’il en est ainsi, pour moi et pour tous mes amis l’idéal du futur c’est notre petite planète qui se propagerait jusqu’aux extrêmes limites de la Galaxie et ensuite, peut-être, encore plus loin. C’est à peu près dans cet esprit que je me mis à exposer à Maïka mes considérations, mais à ce moment nous remarquâmes que Wanderkhouzé était présent, probablement déjà depuis quelque temps, dans la cabine. Il se tenait debout, appuyé contre un mur, triturait ses favoris de lynx et nous observait avec l’expression méditativo-distraite d’un chameau. Je me levai et lui approchai une chaise.

— Merci, dit Wanderkhouzé, je préfère rester debout.

— Et vous, que pensez-vous à ce sujet ? s’enquit Maïka d’un ton belliqueux.

— À quel sujet ?

— Au sujet du progrès vertical.

Wanderkhouzé se tut un instant, puis soupira :

— Personne ne sait qui a découvert l’eau le premier, mais il est certain que ce ne sont pas les poissons.

Nous sombrâmes dans une réflexion intense. Puis Maïka s’illumina, leva un doigt et fit :

— Oh !

— Ce n’est pas de moi, protesta mélancoliquement Wanderkhouzé. C’est un très vieil aphorisme. Ça fait longtemps qu’il me plaît, mais je ne trouvais jamais d’occasion pour le placer. (Il se tut encore une minute, puis reprit :) à propos du journal de bord. Imaginez-vous que cette règle existait pour de bon.

— Quel journal de bord ? demanda Maïka. Que vient-il faire là-dedans ?

— Komov m’a prié de trouver des règles qui assignaient de détruire les journaux de bord, expliqua avec tristesse Wanderkhouzé.

— Et alors ? interrogeâmes-nous à l’unisson. Wanderkhouzé se tut à nouveau, puis esquissa un geste découragé.

— Je suis honteux. Il s’avère que cette règle existe. Plutôt, existait. Dans l’ancien « Code des instructions ». Elle ne figure pas dans le nouveau. Comment pouvais-je savoir ? Je ne suis pas historien …

Il s’absorba un long moment dans ses méditations. Maïka s’agita impatiemment.

— Oui, continua Wanderkhouzé. Voilà si l’on a un accident sur une planète inconnue habitée par des êtres intelligents, non-humanoïdes ou humanoïdes, ayant atteint un stade évident de civilisation mécanique, on est obligé de détruire l’ensemble des cartes cosmographiques et les journaux de bord.

Maïka et moi échangeâmes un regard.

— Ce pauvre diable, le commandant du Pélican, poursuivit Wanderkhouzé, devait être ferré dans les lois anciennes. Car cette règle a au moins, je pense, deux cents ans, on l’a inventée encore à l’aube de la navigation stellaire, inventée de pure pièce en essayant de tout prévoir. Seulement peut-on prévoir tout ? (Il soupira.) Bien sûr, on aurait pu deviner pourquoi un truc pareil est arrivé au journal de bord. Et voilà que Komov l’a deviné … Savez-vous comment il a réagi quand je le lui ai annoncé ?

— Non, dis-je. Comment ?

— Il a opiné et a passé à d’autres affaires, avança Maïka.

Wanderkhouzé lui jeta un coup d’œil admiratif.

— Juste ! s’exclama-t-il. Précisément opiné et précisément passé à d’autres affaires. À sa place, j’aurais jubilé une journée entière d’avoir été aussi perspicace.

— Qu’est-ce qui en résulte alors ? demanda Maïka. Donc, ou bien ce sont des non-humanoïdes, ou bien ce sont des humanoïdes, mais au stade de la civilisation mécanique. Je ne comprends rien. Tu comprends quelque chose, toi ? m’interrogea-t-elle.

Cette manière de Maïka de déclarer fièrement qu’elle ne comprend rien m’amuse beaucoup. Moi aussi, j’agis souvent de même.

— Ils se sont approchés du Pélican à bicyclette, proposai-je.

Maïka eut un geste impatient.

— La civilisation mécanique n’existe pas ici, marmonna-t-elle. Les humanoïdes n’existent pas ici non plus.

La voix de Komov retentit de l’intercom :

— Wanderkhouzé, Gloumova, Popov ! Je vous prie de venir au poste de pilotage.

— Ça commence ! commenta Maïka, bondissant sur ses pieds.

Nous fîmes irruption en bande dans le poste de pilotage. Komov se tenait près de la table et rangeait le translateur portatif dans son étui de plastique. D’après la position des commutateurs, le translateur était branché sur l’ordinateur de bord. Le visage de Komov avait l’air inhabituellement soucieux, curieusement humain, sans sa sempiternelle concentration glaciale dont nous avions notre dose.

— Je vais sortir, annonça-t-il. Premier C–Cours. Yakov, vous restez en tant que responsable. L’essentiel est d’assurer l’observation permanente et le travail sans trêve de l’ordinateur de bord. Vous m’informerez immédiatement si les aborigènes apparaissent. Je vous conseille de travailler devant les écrans panoramiques à tour de rôle. Stas, ça, ce sont mes radiogrammes. Envoyez-les aussi vite que possible. Je pense qu’il est superflu d’expliquer pourquoi personne ne doit quitter l’astronef. C’est tout. Au travail.

Je m’installai devant l’émetteur et me mis au travail. Komov et Wanderkhouzé parlaient à voix basse derrière mon dos. Maïka réglait les écrans panoramiques circulaires à l’autre bout du poste de pilotage. Je feuilletai les radiogrammes. Oui, pendant que nous nous livrions à la solution de nos problèmes philosophiques, Komov avait abattu un gros boulot. Pratiquement tous ses radiogrammes étaient des réponses. Faute d’avoir des indications précises, c’est moi qui établis une hiérarchie selon l’urgence.

ER-2, KOMOV–CENTRE, À GORBOVSKI. VOUS REMERCIE DE VOTRE AIMABLE PROPOSITION, NE ME CONSIDÈRE PAS EN DROIT DE VOUS ARRACHER À DES OCCUPATIONS PLUS IMPORTANTES, VOUS TIENDRAI AU COURANT DE TOUTES LES NOUVELLES.

ER-2, KOMOV–CENTRE, À BADER. SUIS OBLIGÉ DE REFUSER LE POSTE DE XENOLOGUE PRINCIPAL DU PROJET ARCHE-2. VOUS RECOMMANDE AMIREDJIBI.

ER-2, KOMOV–CENTRE DE PRESSE EUROPÉEN ? À DOMBINI. CONSIDÈRE COMME PRÉMATURÉE LA PRÉSENCE ICI DE VOTRE COMMENTATEUR SCIENTIFIQUE. VOUS PRIE DE VOUS ADRESSER POUR OBTENIR L’INFORMATION AU CENTRE, COMMISSION POUR LES CONTACTS.

Et ainsi de suite, dans le même esprit. Environ cinq autres radiogrammes étaient adressés à l’Informatoire Central. Ceux-là, je n’y compris rien.

Mon travail battait son plein lorsque le déchiffreur stridula de nouveau.

— D’où ? me demanda Komov de l’autre bout du poste de pilotage. Il se tenait à côté de Maïka et examinait les environs.

— « CENTRE, DÉPARTEMENT HISTORIQUE … » lus-je.

— Ah, enfin ! dit Komov, et il se dirigea vers moi.