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— Ah oui ! (Le visage de Komov prit un air coupable.) Vous savez, Stas, ce n’est pas complètement légal … Soyez gentil, envoyez l’enregistrement sur deux canaux à la fois pas seulement au Centre, mais à la base aussi, personnellement et confidentiellement à Sidorov. Sous ma responsabilité.

— Je peux le faire sous la mienne, grognai-je, déjà derrière la porte.

Arrivé au poste de pilotage, j’insérai la cassette dans l’appareil, branchai l’émission et parcourus les radiogrammes. Ce coup-ci, il n’y en avait pas beaucoup, trois en tout ; visiblement le Centre avait pris des mesures. Le premier venait de l’Informatoire et se composait de chiffres, de lettres de l’alphabet grec et de petits signes que je ne voyais qu’en réglant le dispositif d’imprimerie. Le deuxième émanait du Centre Bader continuait à exiger avec insistance des considérations préliminaires concernant d’autres zones éventuelles d’habitation des aborigènes, ainsi que les types possibles selon la classification de Bulov du contact à venir, etc. Dans le troisième radiogramme, envoyé de la base, Sidorov demandait officiellement à Komov de préciser l’ordre de livraison de l’équipement commandé pour la zone de contact. Je retournai les choses dans mon esprit et décidai que Komov pourrait avoir besoin du premier radiogramme ; ne pas lui transmettre le troisième serait gênant vis-à-vis de Mikhaïl Albertovitch ; quant à Bader, il ne risquait rien à attendre un peu. Qu’est-ce que c’était que ces considérations préliminaires ?

Une demi-heure plus tard, l’appareil translateur signala la fin de l’émission. Je sortis la cassette, pris deux cartes avec des radiogrammes et me rendis chez Komov. Lorsque j’entrai, Komov et Wanderkhouzé se trouvaient devant le projecteur. Le Petit fonçait comme un éclair de gauche à droite sur l’écran où se reflétait ma physionomie ainsi que celle de Komov. Wanderkhouzé était assis, incliné vers l’écran, serrant ses favoris de ses poings fermés.

— Une brusque hausse de température, bougonnait-il. Elle monte jusqu’à quarante-trois degrés … Et maintenant regardez bien l’encéphalogramme, Guennadi … La voilà, l’onde de Peters, elle réapparaît …

Sur la table devant eux s’étalaient des rouleaux de registogrammes de notre diagnosteur ; plusieurs autres rouleaux traînaient par terre et sur la couchette.

— Oui … fit méditativement Komov en suivant le registrogramme de son doigt. Oui … Une petite minute, ça, qu’est-ce que c’était ? (Il arrêta le projecteur, se tourna pour prendre un des rouleaux et me vit.) Oui ? lança-t-il, mécontent.

Je posai les radiogrammes devant lui.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-il avec impatience. Ah … (Il parcourut le radiogramme de l’Informatoire, rit brièvement et le jeta à côté.) Toujours pas ça, commenta-t-il. Du reste, comment peuvent-ils savoir … (Puis il lut la requête de Sidorov et leva les yeux sur moi.) Lui avez-vous répondu ? …

— Oui.

— Bien, merci. Composez un radiogramme à mon nom pour faire savoir qu’actuellement nous n’avons pas besoin d’équipement. Pas jusqu’à ce que nous le demandions de nouveau.

— Entendu, répliquai-je, et je sortis.

Je rédigeai, envoyai le radiogramme à la base et décidai de voir comment allait Maïka. Une Maïka maussade manipulait soigneusement les verniers. D’après ce que je compris, elle s’entraînait à pointer le canon sur des objectifs disposés à grande distance les uns des autres.

— Inutile d’essayer, annonça-t-elle, se rendant compte de ma présence. S’ils crachent sur nous tous en même temps, on est cuits. On n’aura simplement pas le temps.

— Premièrement, on peut augmenter l’angle solide, objectai-je en m’approchant. Bien sûr, l’efficacité diminuera de trois ou quatre points, mais en revanche on arrivera à embrasser un quart de l’horizon, et les distances ici ne sont pas grandes … Deuxièmement, crois-tu vraiment qu’ils peuvent nous cracher dessus ?

— Et toi ?

— Ça n’en a pas l’air …

— Si ça n’en a pas l’air, qu’est-ce que je fiche ici ?

Je m’assis par terre à côté de son fauteuil.

— Franchement, je ne sais pas. Quoi qu’il en soit, il faut observer. Puisque la planète s’est avérée biologiquement active, il faut suivre les instructions. Étant donné qu’il est interdit de sortir le gardien-éclaireur …

Nous nous tûmes un temps.

— As-tu pitié de lui ? demanda soudain Maïka.

— J-je ne sais pas. Pourquoi pitié ? Je dirais que je me sens horrifié. Mais avoir pitié de lui … Pourquoi, à proprement parler, dois-je avoir pitié ? Il est alerte, vif … pas du tout pitoyable.

— Je ne parle pas de ça. Je n’arrive pas à l’exprimer … Tu vois, je vous écoutais et j’avais mal au cœur d’entendre comment Komov le traitait. Car il se fout complètement du gosse …

— Qu’est-ce que cela signifie « se fout » ? Komov doit établir le contact. Il suit une stratégie bien précise … Tu comprends parfaitement que sans le Petit nous n’entrerons jamais en contact …

— Je le comprends. Ce doit être pour ça que j’ai mal au cœur. Parce que le Petit ignore tout sur les aborigènes … Il est une arme aveugle !

— Qu’est-ce que je peux te dire … À mon avis tu tombes là dans la sentimentalité. Il n’est quand même pas humain. Il est un aborigène. Nous sommes en train d’établir avec lui un contact. Pour cela il faut franchir certains obstacles, deviner certaines devinettes … Nous devons nous comporter sobrement, en professionnels. Les sentiments n’ont rien à y voir. Étant donné que lui non plus, avouons-le carrément, ne nous porte pas un amour fou. Et ne peut pas nous le porter. Finalement, qu’est-ce qu’un contact ? La collision de deux stratégies.

— Oh, soupira Maïka. Que tu parles de manière ennuyeuse. Sèche. Tu n’es bon qu’à composer des programmes. Cybertechnicien.

Je ne me vexai pas. Je voyais que Maïka n’avait aucun argument de valeur et sentais que quelque chose la tourmentait réellement.

— Tu as encore des pressentiments, constatai-je. Mais en réalité tu comprends fort bien toi-même que le Petit est le seul fil qui nous lie à ces « hommes invisibles ». Si nous ne plaisons pas au Petit, si nous ne le conquérons pas …

— Justement, m’interrompit Maïka, tout est là. Quoi que Komov puisse dire, quoi qu’il puisse faire, on sent immédiatement qu’une seule chose l’intéresse — le contact. Tout pour la noble idée du progrès vertical !

— Et comment faut-il agir ?

Maïka fit un brusque mouvement d’épaules.

— Je ne sais pas. Peut-être comme Yakov … En attendant, il n’y a que lui qui parle gentiment au Petit.

— Là, tu exagères … répliquai-je, cette fois-ci un peu vexé. Le contact au niveau des favoris, ce n’est pas non plus …

Nous nous tûmes, boudant l’un contre l’autre. Maïka tournait les verniers avec une application affectée, ajustant la croix noire sur les dents enneigées de la crête.

— Non, c’est vrai, Maïka, enchaînai-je finalement. Tu ne veux pas que le contact ait lieu ou quoi ?

— Je pense que si, répondit-elle sans le moindre enthousiasme. Tu as bien vu comme j’étais contente quand nous avons compris pour la première fois de quoi il retournait … Mais depuis que j’ai entendu votre conversation … je ne sais pas. Peut-être est-ce parce que je n’avais jamais participé aux contacts … Je m’imaginais cela différemment.

— Non. Il ne s’agit pas de ça. Je devine ce qui t’arrive. Tu penses qu’il est un être humain …

— Tu l’as déjà dit, m’interrompit Maïka.

— Non, écoute-moi jusqu’au bout. Uniquement son côté humain te saute aux yeux. Mais prends la chose d’un autre côté. Ne parlons pas de fantômes, ni du mimétisme. Qu’est-ce qu’il a d’humain ? Dans une certaine mesure l’aspect, le fait de marcher droit. Bon, les cordes vocales … Quoi encore ? Même sa musculature n’est pas comme la nôtre, pourtant, cela doit venir directement des gènes … Ce qui te déboussole, c’est qu’il sait parler. En effet, il parle magnifiquement … Mais ça non plus à la fin, ce n’est pas humain ! Aucun homme normal n’est capable d’apprendre à parler couramment en quatre heures. Il n’y a pas que le vocabulaire, il faut aussi apprendre l’intonation, la phraséologie … C’est un loup-garou, voilà ce qu’il est, si tu veux savoir ! Pas un être humain. Un faux exécuté par une main de maître. Réfléchis seulement : se rappeler ce qui t’est arrivé quand tu étais un nourrisson et peut-être — qui sait — même quand tu te trouvais dans le ventre de ta mère … C’est humain, ça ? As-tu déjà vu des robots-androïdes ? Bien sûr que non. Moi, j’en ai vu.