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Ces bouteilles, monsieur Méchinet ne les perdait pas de vue, et il trouva l’occasion de les déranger une à une.

Et ce que je vis, il le remarqua: pas une d’elles n’était cachetée de cire verte.

Donc, le bouchon ramassé par moi, et qui avait servi à garantir la pointe de l’arme du meurtrier, ne sortait pas de la cave des Monistrol.

– Décidément, fit monsieur Méchinet, en affectant un certain désappointement, je ne trouve rien… nous pouvons remonter.

C’est ce que nous fîmes, mais non dans le même ordre qu’en descendant, car au retour je marchais le premier…

Ce fut donc moi qui ouvris la porte de l’arrière-boutique, et tout aussitôt le chien des époux Monistrol se précipita sur moi en aboyant avec tant de fureur que je me jetai en arrière.

– Diable! il est méchant votre chien! dit monsieur Méchinet à la jeune femme.

Déjà, d’un geste de la main elle l’avait écarté.

– Non, certes, il n’est pas méchant, fit-elle; seulement il est bon de garde… Nous sommes bijoutiers, plus exposés aux voleurs que les autres, nous l’avons dressé…

Machinalement, ainsi qu’on fait toujours quand on a été menacé par un chien, j’appelai celui-ci, par son nom, que je savais:

– Pluton!… Pluton!…

Mais lui, au lieu d’approcher, reculait en grondant, montrant ses dents aiguës.

– Oh! il est inutile que vous l’appeliez, fit étourdiment madame Monistrol, il ne vous obéira pas.

– Tiens!… pourquoi cela?

– Ah! c’est qu’il est fidèle, comme tous ceux de sa race, il ne connaît que son maître et moi…

Ce n’était rien en apparence, cette phrase.

Elle fut pour moi comme un trait de lumière… Et, sans réfléchir, plus prompt que je ne le serais aujourd’hui:

– Où donc était-il, madame, ce chien si fidèle, le soir du crime? demandai-je.

Tel fut l’effet que lui produisit cette question à brûle-pourpoint, qu’elle faillit lâcher le bougeoir qu’elle tenait encore.

– Je ne sais pas, balbutia-t-elle, je ne me rappelle pas…

– Peut-être avait-il suivi votre mari…

– En effet, oui, il me semble maintenant me le rappeler…

– C’est donc qu’il est dressé à suivre les voitures, car vous nous avez dit avoir conduit votre mari jusqu’à l’omnibus!

Elle se taisait, et j’allais poursuivre, quand monsieur Méchinet m’interrompit. Bien loin de profiter du trouble de la jeune femme, il parut prendre à tâche de la rassurer, et après lui avoir bien recommandé d’obéir à la citation du juge d’instruction, il m’entraîna.

Puis, quand nous fûmes dehors:

– Perdez-vous donc la tête? me dit-il.

Le reproche me blessa.

– Est-ce donc perdre la tête, fis-je, que de trouver la solution du problème?… Or, je l’ai, cette solution… Le chien de Monistrol nous guidera jusqu’à la vérité.

Ma vivacité fit sourire mon digne voisin, et d’un ton paterneclass="underline"

– Vous avez raison, me dit-il, et je vous ai bien compris… Seulement, si madame Monistrol a pénétré vos soupçons, avant ce soir, le chien sera mort ou aura disparu.

XI

J’avais commis une imprudence énorme, c’est vrai…

Je n’en avais pas moins trouvé le défaut de la cuirasse, ce joint par où on désarticule le plus solide système de défense.

Moi, conscrit volontaire, j’avais vu clair là où le vieux routier de la sûreté s’égarait à tâtons.

Un autre peut-être eût été jaloux et m’en eût voulu. Lui, non.

Il ne songeait qu’à tirer parti de mon heureuse découverte, et comme il le disait, ce ne devait pas être la mer à boire, maintenant que la prévention s’appuyait sur un point de départ positif.

Nous entrâmes donc dans un restaurant voisin pour tenir conseil tout en déjeunant.

Et voici où en était le problème, qui, l’heure d’avant, semblait insoluble.

Il nous était prouvé jusqu’à l’évidence que Monistrol était innocent. Pourquoi il s’était avoué coupable? nous pensions bien le deviner, mais la question n’était pas là pour le moment.

Nous étions également sûrs que madame Monistrol n’avait pas bougé de chez elle le soir du meurtre… Mais tout démontrait qu’elle était moralement complice du crime, qu’elle en avait eu connaissance, si même elle ne l’avait conseillé et préparé, et que par contre elle connaissait très bien l’assassin…

Qui était-il donc, cet assassin?…

Un homme à qui le chien de Monistrol obéissait comme à ses maîtres, puisqu’il s’en était fait suivre en allant aux Batignolles…

Donc, c’était un familier de la maison Monistrol.

Il devait haïr le mari, cependant, puisqu’il avait tout combiné avec une infernale adresse pour que le soupçon du crime retombât sur cet infortuné.

Il fallait, d’un autre côté, qu’il fût bien cher à la femme, puisque le connaissant elle ne le livrait pas, lui sacrifiant sans hésiter son mari…

Donc…

Oh! mon Dieu! la conclusion était toute formulée. L’assassin ne pouvait être qu’un misérable hypocrite, qui avait abusé de l’affection et de la confiance du mari pour s’emparer de la femme.

Bref, madame Monistrol, mentant à sa réputation, avait certainement un amant, et cet amant, nécessairement était le coupable…

Tout plein de cette certitude, je me mettais l’esprit à la torture pour imaginer quelque ruse infaillible qui nous conduisît jusqu’à ce misérable.

– Et voici, disais-je, à monsieur Méchinet, comment nous devons, je pense, opérer… Madame Monistrol et l’assassin ont dû convenir qu’après le crime ils resteraient un certain temps sans se voir; c’est de la prudence la plus élémentaire… Mais croyez que l’impatience ne tardera pas à gagner la femme, et qu’elle voudra revoir son complice… Placez donc près d’elle un observateur qui la suivra partout, et avant deux fois quarante-huit heures l’affaire est dans le sac…

Acharné après sa tabatière vide, monsieur Méchinet demeura un moment sans répondre, mâchonnant entre ses dents je ne sais quelles paroles inintelligibles.

Puis tout à coup, se penchant vers moi: