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— Nous trouvons cela normal, expliqua Snibril.

— Comme c’est étrange. Etrange. Tant de courage. Eh bien, adieu. Vous avez décidé de quitter Uzure.

— Oui, je… Comment le savez-vous ?

Elle parut remplie de joie.

— Je vous l’ai dit… Nous pouvons de nouveau nous souvenir des choses !

Il retrouva Roland là où il l’avait attaché. La sacoche de Snibril ne contenait plus grand-chose, désormais. Il avait perdu son morceau de poussière porte-bonheur. Ses pièces également. Sa paire de bottes de rechange, il la portait aux pieds. Il ne lui restait plus désormais qu’une couverture, quelques couteaux, un morceau de corde. Une lance. On n’a jamais vraiment besoin de plus.

La voix de Forficule s’éleva dans son dos, à l’instant où il ajustait sa selle.

— Tu t’en vas ?

— Oh. Je ne t’avais pas entendu.

— J’ai passé beaucoup de temps en compagnie des Munrungues. Vous savez vous approcher sans faire de bruit. Et, je dois ajouter, vous éloigner sur la pointe des pieds.

— Je suis sûr que les gens arriveront à tout mettre en place.

— Du moment qu’ils continuent à se disputer, assura Forficule. C’est capital, les disputes.

Snibril se retourna vers lui.

— J’ai simplement envie de découvrir le Tapis, dit-il. La nature du grand Découdre. Ce qu’il y a tout au bout. Tu disais qu’on devait toujours poser des questions…

— Exact. C’est capital, les questions.

— Tu crois que l’idée de Fléau fonctionnera ?

— Qui sait ? L’heure est venue d’essayer de nouveaux concepts.

— Oui. (Snibril monta en selle.) Tu savais que les Vivants nous trouvent courageux parce que nous pouvons prendre des décisions ? Eux, ils en sont incapables ! C’est trop dur pour eux ! Nous qui pensions que c’est eux qui étaient spéciaux. C’est incroyable, les choses qu’on peut apprendre.

— Je te l’ai toujours dit.

— Eh bien, maintenant, je veux en apprendre de nouvelles ! Et je veux partir tout de suite, parce que si je traîne, je ne partirai jamais. Je veux voir toutes les choses dont tu m’as parlé ! Le pieddechaise. L’Atre. Le Bord.

— Tu me raconteras à quoi elles ressemblent, alors. Je n’en ai jamais lu que des descriptions.

Snibril resta interdit.

— Mais quand j’étais petit, tu m’as raconté toutes sortes d’histoires sur le Tapis ! Tu veux dire qu’elles n’étaient pas vraies ?

— Oh, elles étaient vraies. Sinon, personne ne les aurait écrites. (Forficule haussa les épaules.) Moi-même, j’ai toujours eu envie de voyager. Mais je n’ai jamais trouvé le temps de le faire. Si tu as l’occasion, tu sais… Si tu as le temps de rédiger quelques notes…

— Entendu. Hah. Oui. C’est promis. Si je trouve le temps. Bon, alors… Au revoir ?

— Au revoir.

— Et tu diras au revoir à…

— Je n’y manquerai pas.

— Tu sais comment c’est.

— Probablement. Au revoir. Reviens nous raconter tout ça, un jour.

Cette dernière injonction devint un cri, car Snibril avait lancé Roland en avant. Quand il ne fut plus qu’un point sur la route, il se retourna et salua.

Forficule rentra à pas lents retrouver la discussion.

Snibril s’arrêta de nouveau, à quelque distance d’Uzure, et il aspira profondément l’air du Tapis.

Il se sentait un peu triste. Mais il aurait toujours un endroit où rentrer, quelque part. Il sourit, flatta l’encolure de Roland. Puis, le moral en hausse et les cheveux au vent, il lança sa blanche cavale au galop, et ils disparurent entre les poils serrés.

FIN