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La mort n’a donc été votée qu’à la majorité de cinquante-trois voix ! Et parmi les députés qui ont voté la mort, certains ont demandé qu’il soit sursis à l’exécution.

Le lendemain, vendredi 18 janvier, de nombreux députés contestent les résultats du scrutin de la veille.

On procède à un nouveau scrutin qui donne trois cent soixante et une voix pour la mort contre trois cent soixante !

La mort de Louis XVI a donc été décidée à une voix de majorité ; alors que la salle du Manège, où siégeait la Convention, était cernée de sans-culottes armés de piques.

« Tandis que les citoyens honnêtes de cette ville attendent dans un calme profond le jugement de Louis XVI, peut-on lire dans les Annales républicaines du 18 janvier, toutes les avenues de la Convention sont entourées d’une foule inconnue d’agitateurs dont les vociférations se font entendre jusque dans le temple législatif, et semblent vouloir influencer les opinions de nos mandataires. On les entend beugler de toutes leurs forces que si Louis XVI n’est pas condamné à mort, ils iront eux-mêmes l’assassiner. Quelques députés en entrant hier dans la salle ont été menacés d’être massacrés s’ils ne votent pas pour la mort.

« Quelque inaccessibles que soient nos représentants à toute impulsion de crainte, on aurait dû réprimer cette horde audacieuse et ôter aux malveillants tout prétexte de pouvoir dire que les opinions n’ont pas été parfaitement libres. »

Il faut encore voter le samedi 19 janvier sur la question du sursis, que les députés girondins ont demandé.

Mais ceux de la Plaine hésitent. Ils entendent les cris de la foule autour de la Convention.

Dans les tribunes, on guette et note leur choix. On les menace au moment où ils entrent dans la salle. Et ils veulent en finir.

Des ennemis de la Révolution ont assassiné à Rome un diplomate français. Les émeutiers ont tenté d’incendier le ghetto de la ville, accusant les Juifs d’être complices de la Révolution française.

Les Montagnards refusent le sursis comme Danton, et comme Philippe Égalité, qui se réitère « convaincu que tous ceux qui ont attenté ou attenteront par la suite à la souveraineté des peuples, méritent la mort ». Immédiatement.

À deux heures du matin, le dimanche 20 janvier 1793, le sursis est rejeté par trois cent quatre-vingts voix contre trois cent dix.

Louis n’est pas surpris.

« Je ne cherche aucun espoir, dit-il à Cléry, mais je suis bien affligé de ce que Monsieur d’Orléans, mon parent, a voté ma mort. »

À deux heures de l’après-midi, le dimanche 20 janvier 1793, Louis ne sursaute pas quand lés membres du Conseil exécutif, le maire, les autorités du département, soit une quinzaine de personnes, entrent dans sa chambre et que Garat, ministre de la Justice, lit les décrets de la Convention : « Louis Capet, coupable de conspiration contre la liberté de la nation, est condamné à mort. »

Louis plie les décrets, les range dans son portefeuille.

Il a préparé une lettre à la Convention. Il demande trois jours pour se préparer à paraître devant Dieu, la levée de cette surveillance perpétuelle, le droit de voir sa famille et celui de recevoir son confesseur, l’abbé Edgeworth de Firmont. Il recommande à la nation ceux qui lui ont été attachés, et qui ne peuvent être persécutés pour cela.

« Je les recommande à la bienfaisance de la nation…

« Il y en a beaucoup qui avaient mis toute leur fortune dans leurs charges et qui, n’ayant plus d’appointements, doivent être dans le besoin, et de même celles qui ne vivaient que de leurs appointements ; dans les pensionnaires il y a beaucoup de vieillards, de femmes et d’enfants, qui n’avaient que cela pour vivre. »

À six heures du soir, Garat revient.

Louis pourra recevoir sa famille, recevoir son confesseur, mais on lui refuse le délai de trois jours.

Le décret de mort sera exécuté dès demain 21 janvier 1793.

Louis reste impassible.

Il ne s’est irrité qu’au moment du dîner, quand on lui a retiré fourchettes et couteaux.

« Me croit-on assez lâche pour que j’attente à ma vie ? » a-t-il dit.

39

Ce sont les dernières heures et c’est la dernière nuit.

Louis a appris que l’un de ses anciens gardes du corps, Pâris, a assassiné au Palais-Royal, ce 20 janvier 1793, vers cinq heures, le député Lepeletier de Saint-Fargeau, régicide.

Louis ne veut pas qu’on le venge.

Il accepte son destin sans colère. Il veut simplement préparer son salut, et il est ému quand, enfin, l’abbé Edgeworth entre dans la chambre, s’agenouille en pleurant.

Louis prie, demande à l’abbé de se relever, lui montre son testament, l’interroge sur l’état du clergé français, déchiré, persécuté.

Il veut prier pour l’Église, et pour son salut.

Puis il demande à l’abbé de rester auprès de lui quand sa famille, comme la Convention l’a autorisé, viendra lui rendre visite. Il craint l’émotion de la reine, et ne voudrait pas que son chagrin le bouleverse.

Il veut rester serein face à la mort qui est si proche.

Il veut qu’on lui apporte une carafe et un verre d’eau pour la reine, qui peut perdre connaissance.

Enfin, la voici, avec Madame Élisabeth, la sœur du roi, le dauphin et Madame Royale.

« À sept heures du soir on vint nous dire, raconte Madame Royale, qu’un décret de la Convention nous permettait de descendre chez mon père.

« Nous courûmes chez lui et nous le trouvâmes bien changé. Il pleura de notre douleur mais non de sa mort.

« Il raconta à ma mère son procès, excusant ces scélérats qui le faisaient mourir, répéta à ma mère qu’il ne voulait pas mettre le trouble dans la France.

« Il donna ensuite de bonnes instructions religieuses à mon frère et lui recommanda surtout de pardonner à ceux qui le faisaient mourir.

« Il donna sa bénédiction à mon frère et à moi.

« Ma mère désirait extrêmement que nous passions la nuit avec mon père, il le refusa, ayant besoin de tranquillité.

« Ma mère demanda au moins de revenir le lendemain matin, mon père le lui accorda, mais quand nous fûmes partis il demanda aux gardes que nous ne redescendions pas, parce que cela lui faisait trop de peine. »

Il ne les verra plus.

Comment accepter cela sinon en s’en remettant à Dieu ?

Il dit à l’abbé Edgeworth :

« Ah, Monsieur, quelle entrevue que celle que je viens d’avoir ! Faut-il que j’aime et que je sois si tendrement aimé ! Mais c’en est fait, oublions tout le reste pour ne penser qu’à l’unique affaire de notre salut ; elle seule doit en ce moment concentrer toutes les affections et les pensées. »

Il se confesse. Il hésite quand Cléry lui propose de souper, puis il mange de bon appétit, et s’en va dormir, sachant que l’abbé Edgeworth a obtenu l’autorisation de célébrer la messe demain, au réveil que Louis a fixé à cinq heures.

Il pourra communier. Et cet espoir le rassure.

Courte mais paisible nuit.

À six heures, alors que les tambours battent la générale, que des fantassins et des cavaliers entrent dans la cour du Temple, l’abbé Edgeworth dit la messe que Louis suit à genoux, avant de communier.

Puis il pose sur la cheminée sa montre, son portefeuille, et il donne à Cléry pour la reine un anneau, une mèche de ses cheveux, et pour son fils un sceau.

Des gardiens, sans raison autre que de le persécuter, ne cessent de frapper à la porte, puis à neuf heures, voici Santerre qui entre brutalement, accompagné d’une dizaine de gendarmes.

« Je vais être à vous », dit Louis, et il referme la porte, s’agenouille devant Edgeworth.