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Mais est-ce vraiment toi ? se demanda-t-il. J’ai des doutes, Walter o’Dim… J’ai des doutes, Marten-qui-fut.

Il se leva et regarda autour de lui. Puis, dans un mouvement vif et soudain, il tendit la main vers les restes de son compagnon de la nuit passée (s’il s’agissait bien de ceux de Walter), une nuit qui par une ruse inconnue avait duré dix ans. Il en cassa la mâchoire hilare et la fourra négligemment dans la poche gauche de son jean — en remplacement de celle perdue sous les montagnes ; une bonne affaire.

— Combien de mensonges m’as-tu racontés ? demanda-t-il.

Beaucoup, il n’en doutait pas, mais il s’y était mêlé de la vérité, ce qui en faisait de bons mensonges.

La Tour. Quelque part, devant, elle l’attendait — l’essence même du Temps, l’essence de la Proportion.

Il repartit vers l’ouest une nouvelle fois, tournant le dos au lever du soleil, se dirigeant vers l’océan, prenant conscience qu’une grande page de sa vie venait de se tourner.

— Je t’aimais, Jake, dit-il à voix haute.

Son corps finit par se dérouiller et il se mit à marcher plus rapidement. Avant le soir, il avait atteint la fin de la terre. Il s’assit sur la plage qui s’étendait à droite et à gauche, à perte de vue, déserte. Les vagues venaient s’écraser inlassablement sur le rivage, martelant, martelant encore. Le soleil couchant peignait sur l’eau une large bande de pyrite.

C’est là que le Pistolero resta assis, le visage vers le ciel, dans la lumière mourante. Il rêva ses rêves à lui et regarda les étoiles se lever ; sa détermination n’avait pas fléchi, son cœur ne chancelait pas. Ses cheveux, plus fins à présent et grisonnants aux tempes, voletaient autour de sa tête ; les pistolets incrustés de bois de santal de son père pendaient inertes contre ses hanches. Il était seul, mais pour lui la solitude n’avait rien de mauvais ou d’ignoble. L’obscurité tomba et le monde changea. Le Pistolero attendit que vînt le temps de tirer les cartes et s’abîma dans ses longs rêves de la Tour Sombre, de laquelle il s’approcherait un jour dans le crépuscule, sonnant son cor, pour y livrer quelque bataille ultime et inimaginable.

FIN