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— Gaul, il nous a chargés de capturer un ou une gai’shain non aiel, mais tu crois qu’une femme en robe de soie, couverte de bijoux et libre de chevaucher fera l’affaire ?

En entendant cette voix, Galina se pétrifia. Le nouveau venu n’était pas un guerrier du Désert. En revanche, il avait l’accent du Murandy.

— D’habitude, vous ne traitez pas ainsi les gai’shain.

— Ces maudits Shaido ! se contenta de lancer l’Aiel.

— Si on veut apprendre des choses utiles, il faut dénicher quelques spécimens de plus… Dans ce camp, il y a des dizaines de milliers de gens en tenue blanche, et nous ne savons pas où est Faile.

— Fager Neald, lâcha Gaul, je parie que cette femme dira à Perrin Aybara tout ce qu’il brûle de savoir.

Galina eut l’impression de se transformer en statue de glace. Ces brutes étaient envoyées par Perrin Aybara ? S’il attaquait les Shaido pour sauver sa femme, ce crétin se ferait tuer, et Galina n’aurait plus aucun moyen de pression sur Faile. Son mari mort, la jeune idiote se ficherait de son propre sort, et pour faire chanter les autres femmes, il faudrait se lever tôt, car elles n’avaient aucun secret à cacher.

Une nouvelle fois, Galina vit fondre comme neige au soleil ses chances de s’emparer du bâton. Elle devait arrêter Aybara. Mais comment ?

— Qu’est-ce qui te fait penser ça, Gaul ?

— C’est une Aes Sedai. Et une amie de Sevanna, dirait-on.

— Tu en es sûr ? fit le Murandien, pas convaincu.

Bizarrement, les deux hommes ne semblaient pas troublés à l’idée de poser la main sur une Aes Sedai. Dès le début, l’Aiel avait agi en toute connaissance de cause. Même s’il s’agissait d’un Shaido renégat, il ne pouvait pas savoir que sa victime, sans l’ordre requis, n’était pas en mesure de canaliser. À part Sevanna et une poignée de Matriarches, personne n’était au courant. Au fil des secondes, cette histoire devenait de plus en plus incohérente.

Sans crier gare, quelqu’un souleva Galina du sol et la posa sur le ventre en travers de… sa propre selle, s’avisa-t-elle. Quelques instants plus tard, elle commença à rebondir sur le cuir très dur, une main d’homme l’empêchant de glisser tandis que la jument avançait.

— Fager Neald, dit l’Aiel, conduis-nous jusqu’à un endroit où tu pourras faire un de tes étranges trous.

— Sur l’autre versant, Gaul… Tu sais, je suis venu assez souvent ici pour pouvoir ouvrir un portail à peu près n’importe où. Les Aiels sont capables de courir partout ?

Un portail ? Que racontait cet imbécile ? Oubliant ces fadaises, Galina recensa ses options et n’en trouva pas de bonnes. Saucissonnée comme un agneau en route pour un marché, bâillonnée de telle façon que ses cris soient des murmures, elle n’avait guère de chances de s’évader, sauf si des sentinelles tombaient sur le paletot de ses ravisseurs. Mais avait-elle envie que ça arrive ? Si elle ne rejoignait pas Aybara, comment l’empêcher de tout saboter ? Cela dit, à quelle distance était le camp de Perrin ? Pas très près d’ici ; sinon, les Shaido l’auraient déjà repéré. Des éclaireurs, elle le savait, avaient passé la zone au peigne fin dans un rayon de quatre lieues autour du camp. Et le temps qu’il faudrait pour gagner celui de Perrin devrait être doublé pour être revenue auprès de Thevara. Là, il ne s’agirait plus de minutes de retard, mais de jours…

Pour ça, Thevara ne la tuerait pas, mais elle lui ferait regretter d’être encore vivante. Sauf si Galina trouvait une bonne explication. Une capture, par une horde de brigands ? Non, deux seulement. Imaginer qu’un duo d’intrus s’était approché du camp était déjà difficile, alors, une bande…

Incapable de canaliser, arguerait Galina, il lui avait fallu du temps pour fausser compagnie à ses ravisseurs. Oui, la fable pouvait être convaincante. Assez pour persuader Thevara ? Peut-être en disant que… Non, c’était perdu d’avance. La première fois que Thevara l’avait punie à cause d’un retard, sa sangle de selle s’était cassée, et elle avait dû rentrer à pied, sa jument tenue par la bride. La Matriarche n’avait pas retenu les circonstances atténuantes. Un enlèvement ne serait pas mieux reçu. Galina aurait eu envie de pleurer. Puis elle s’avisa que des larmes roulaient déjà sur ses joues.

Quand la jument s’arrêta, Galina ne prit pas le temps de réfléchir. Se tortillant comme un ver, elle tenta de glisser de sa selle et cria aussi fort que son bâillon le lui permettait.

L’Aiel et le Murandien essayaient sûrement d’éviter les sentinelles. Si celles-ci revenaient au camp avec Galina et ses ravisseurs, Thevara lui pardonnerait peut-être son retard. Même si Faile devenait veuve, elle trouverait sûrement un moyen de la manipuler.

Une gifle coupa le souffle de Galina.

— Silence ! lui ordonna l’Aiel.

Puis la jument se remit en chemin.

Galina recommença à pleurer, la soie de sa capuche très vite trempée. Pour la punir, Thevara la ferait hurler de douleur.

En pleurant, elle réfléchit pourtant à ce qu’elle allait dire à Aybara. Au moins, elle préserverait ses chances de s’approprier le bâton. Mais Thevara lui… Non ! Non ! Elle devait se concentrer sur ce qu’elle pouvait influencer. L’image de la Matriarche brandissant un fouet ou une badine – voire un rouleau de corde, pour l’attacher sadiquement – ne quitterait pas son esprit, mais elle pouvait en « détourner les yeux » et se consacrer aux questions qu’Aybara ne manquerait pas de poser. Que devrait-elle répondre pour le convaincre de lui confier la sécurité de sa femme ?

Malgré toutes ses spéculations, Galina n’en revint pas quand l’Aiel la fit glisser de sa selle et la remit debout une heure au maximum après le début de l’expédition.

— Noren, dit le Murandien, desselle son cheval et attache-le avec les autres.

— Compris, maître Neald, répondit une voix à l’accent cairhienien.

Autour des chevilles de Galina, les liens disparurent et une lame de couteau s’inséra entre ses poignets pour les libérer. Puis le bâillon lui fut retiré et elle cracha des peluches de tissu humides de salive.

Un petit homme en veste noire entraînait déjà Rapide entre un mélange de grandes tentes marron raccommodées et de huttes rudimentaires qui semblaient faites avec des branches – y compris des pins aux aiguilles brunâtres. Combien de temps fallait-il pour que des aiguilles changent de couleur ? Des jours, à coup sûr, et plus probablement des semaines…

Les quelque soixante hommes qui s’occupaient des feux de cuisson ou étaient assis sur des tabourets ressemblaient à des fermiers et en arboraient la tenue. Mais certains aiguisaient des épées, des lances ou des hallebardes, et il y avait des faisceaux d’armes presque partout où on posait les yeux. Au-delà des tentes et des huttes, des deux côtés, Galina vit d’autres hommes qui allaient et venaient. Un grand nombre, en plastron et casqués, brandissaient de très longues lances tout en se tenant bien droit sur leur selle. Des soldats en partance pour une patrouille…

Combien d’autres y en avait-il, hors du champ de vision de Galina ? Aucune importance ! Ce qu’elle voyait était impossible ! Les éclaireurs des Shaido ne seraient pas passés à côté d’un tel camp. Ça tombait sous le sens.

— Si son visage de marbre n’avait pas suffi à me convaincre, fit l’homme qui devait être Neald, sa façon de tout observer froidement le ferait. On dirait qu’elle étudie des vers sous un rocher qu’elle vient de retourner.

Le gringalet en veste noire lissa sa moustache cirée en s’efforçant de ne pas en déranger les pointes. S’il portait une épée, ce type n’avait rien d’un soldat ni d’un aventurier.