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Galina acquiesça. C’était absurde, bien entendu, parce qu’une femme ne parviendrait pas à laisser…

Un instant, tout devint noir autour de l’Aes Sedai, puis sa vision revint, mais elle tituba. Un goût de sang dans la bouche, elle porta une main à sa joue et fit la grimace.

— J’y suis allée trop fort ? demanda Berelain, faussement navrée.

— Non, grogna Galina, luttant pour rester impassible.

En possession de son Pouvoir, elle aurait arraché la tête de cette garce. Mais si elle avait pu canaliser, rien de tout ça ne serait arrivé.

— L’autre joue, maintenant. Après, que quelqu’un aille chercher mon cheval.

Avec le Murandien, Galina traversa la forêt jusqu’à un endroit où de grands arbres gisaient sur le sol, les branches et le tronc lacérés. Pour elle, utiliser ce trou dans l’air serait une épreuve. Pourtant, quand un trait vertical se matérialisa puis s’élargit pour devenir un portail, elle ne songea pas à la souillure du saidin, mais talonna son cheval et traversa promptement.

Sans penser à rien, sinon à Thevara.

En découvrant qu’elle était sur le versant d’une colline, au-dessus du camp, Galina cria de joie. Puis elle tenta de rattraper le soleil couchant, mais perdit cette course.

Comme de juste, elle ne s’était pas trompée. Thevara n’accepta aucune excuse. En revanche, les bleus la perturbèrent. Par principe, elle ne laissait jamais de marques au visage…

La suite égala tous les cauchemars de Galina. Et elle dura plus longtemps qu’un mauvais rêve moyen. Alors qu’elle criait de douleur, l’Aes Sedai oublia jusqu’à son désir éperdu de s’approprier la copie du Bâton des Serments.

Elle se força à y repenser. Récupérer le bâton, tuer Faile et ses amies, puis reprendre sa liberté.

Egwene reprit lentement connaissance et se demanda où elle était. Encore sonnée, elle eut pourtant le réflexe de garder les yeux fermés. Faire semblant d’être toujours inconsciente ne se révéla pas très compliqué.

Sa tête reposait sur l’épaule d’une femme, et elle n’aurait pas pu la soulever, même si elle en avait eu envie.

L’épaule d’une Aes Sedai, elle sentait le Pouvoir…

Dans sa tête embrumée, les pensées dérivaient au ralenti. Ses membres, elle les sentait à peine. Malgré sa chute dans l’eau, sa robe d’équitation et son manteau étaient secs. Avec un tissage très simple, c’était facile à réaliser. Mais on ne l’avait sûrement pas séchée par bienveillance…

Egwene était assise entre deux sœurs, l’une exhalant un parfum floral entêtant. D’une main, chacune tenait la prisonnière à peu près droite. Au tangage permanent et au bruit, Egwene devina qu’elles étaient dans une diligence ou un coche.

Avec précaution, elle entrouvrit les yeux.

Sur les portières du véhicule, les rideaux étaient ouverts. Une mauvaise idée, vu l’odeur de pourri qu’ils laissaient ainsi entrer. Une véritable odeur de décharge d’ordures. Comment avait-on pu en arriver là à Tar Valon ? Une telle négligence, ça faisait déjà une raison de renverser Elaida.

À la lueur de la lune, Egwene distingua les trois Aes Sedai assises en face d’elle. Même si elle n’avait pas senti leur aptitude à canaliser, leur châle à longues franges aurait suffi à les identifier. À Tar Valon, porter un tel accessoire vestimentaire sans être une sœur n’était pas recommandé.

Étrangement, l’Aes Sedai de gauche était plaquée contre la paroi du coche, le plus loin possible des deux autres – qui se serraient l’une contre l’autre comme pour se protéger d’une pestiférée. Très étrange, ça…

Soudain, Egwene s’avisa qu’on ne l’avait pas coupée de la Source. Aucun bouclier. Malgré sa torpeur, elle songea que ça n’avait pas de sens. Ces femmes captaient sa puissance – comme elle sentait la leur – et bien qu’aucune ne fût faiblarde, elle aurait juré pouvoir les maîtriser toutes à condition d’être assez rapide. Comme un soleil brillant derrière son épaule, la Source Authentique l’appelait.

Devait-elle tenter le coup ? Avec l’esprit dans le brouillard, rien ne garantissait qu’elle pourrait s’unir au saidar. Qu’elle réussisse ou non, ses geôlières le sentiraient. Donc, il valait mieux attendre un peu. D’accord, mais combien de temps ? À coup sûr, on ne la laisserait pas indéfiniment sans bouclier.

À titre d’expérience, elle tenta de bouger les doigts de pied dans ses lourdes chaussures de cuir et constata, ravie, qu’ils lui obéissaient. Signe encourageant, la vie revenait dans ses membres. Et elle était de nouveau en mesure de lever la tête, même si ce serait difficile.

La substance qu’on lui avait fait avaler perdait de son efficacité. Combien de temps depuis sa capture ?

Egwene perdit le contrôle des événements à cause de la sœur aux cheveux noirs assise directement en face d’elle. Se penchant, cette femme la gifla assez fort pour qu’elle s’affale sur les genoux de la femme dont l’épaule soutenait sa tête.

D’instinct, la main d’Egwene vola vers sa joue. Plus question de feindre l’inconscience, désormais.

— Ce n’était pas indispensable, Katerine, dit une voix rauque.

Cette sœur-là remit la prisonnière droite. Sa tête tournant toute seule, Egwene vit que sa tortionnaire était Katerine Alruddin, une sœur rouge. Pour une raison étrange, identifier ses ravisseuses semblait vital. Pourtant, de cette Katerine, elle ne connaissait rien, à part son nom de famille et son Ajah. La sœur sur qui elle s’appuyait était blonde, mais à part ça, son visage noyé dans les ombres ne lui disait rien.

— Tu lui as donné trop de fourche-racine, dit-elle.

Egwene frissonna. C’était ça qu’on lui avait fait boire ? Dans sa mémoire, elle chercha tout ce que Nynaeve avait pu lui raconter sur cette infusion traîtresse. Mais elle pensait toujours au ralenti. Enfin, un peu moins, aurait-on dit. Selon Nynaeve, se souvint-elle, les effets mettaient longtemps à se dissiper.

— Je lui ai administré la dose requise, Felaana, répondit Katerine. Comme tu le vois, elle s’est réveillée au moment prévu. Avant que nous soyons à la tour, je veux qu’elle puisse marcher. Pas question de la trimballer encore.

Katerine foudroya du regard la sœur assise sur la gauche d’Egwene. Pritalle Nerbaijan continua pourtant à secouer la tête. Membre de l’Ajah Jaune, Pritalle faisait tout son possible pour ne pas devoir donner des cours aux novices et aux Acceptées. Quand on l’y forçait, elle ne cachait pas quelle corvée c’était pour elle.

— La faire porter par mon Harril n’aurait pas été convenable, dit-elle froidement. Pour ma part, je serais ravie qu’elle marche. Sinon, je ferai avec. Quoi qu’il en soit, j’ai hâte de la livrer aux autres. Si tu n’as aucune envie de la porter, Katerine, moi je refuse de la surveiller toute la nuit dans le donjon.

Katerine hocha nerveusement la tête.

Le donjon ! Bien sûr, pensa Egwene, elle finirait dans une minuscule cellule, dans les sous-sols de la tour. Après, Elaida l’accuserait d’avoir usurpé le titre de Chaire d’Amyrlin. Pour ce crime, le châtiment était la mort. Bizarrement, ça n’angoissa pas la prisonnière. Peut-être à cause de la maudite potion.

De Romanda ou de Lelaine, laquelle « consentirait » à être nommée Chaire d’Amyrlin des rebelles, après sa mort ? Ou ces deux femmes continueraient-elles à se crêper le chignon, laissant la rébellion aller à vau-l’eau – et ses membres retourner sous l’aile d’Elaida ? Une triste perspective, ça. Désespérante, même.

Si la fourche-racine ne bloquait pas ses émotions – puisqu’elle pouvait être triste –, pourquoi Egwene n’avait-elle pas peur ? Du pouce, elle voulut toucher sa bague au serpent et constata qu’on la lui avait confisquée.

Alors, sa colère explosa. Ces femmes pouvaient la tuer, mais elles ne la priveraient pas de son identité d’Aes Sedai.