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— Je suis une Aes Sedai en raison du fait que j’ai été élevée au Siège d’Amyrlin, répondit calmement Egwene.

Il n’était pas incongru de revendiquer un titre qui pouvait toujours la mener à la mort. Accepter de ne pas l’être aurait été un coup aussi dur porté à la rébellion que son exécution. Redevenir novice ? C’était risible !

— Je peux citer le passage de la loi si vous voulez.

Silviana haussa un sourcil et s’assit pour ouvrir un grand livre relié en cuir. Le livre des punitions. Trempant sa plume dans un encrier en verre, elle y inscrivit une note.

— Vous venez de gagner votre première visite à mon bureau. Je vous donne la nuit pour réfléchir, au lieu de vous fesser immédiatement. Espérons que la réflexion aura un effet salutaire.

— Croyez-vous pouvoir me faire renier qui je suis par la menace d’une fessée ?

Egwene eut du mal à effacer toute nuance d’incrédulité de sa voix. Elle ne fut pas certaine d’avoir réussi.

— Il y a fessée et fessée, répondit Silviana.

Essuyant sa plume sur un petit bout de papier, elle la remit dans son support de verre et considéra Egwene.

— Vous êtes habituée à Sheriam Bayanar en tant que Maîtresse des Novices, dit Silviana, branlant du chef d’un air désobligeant. J’ai parcouru son livre des punitions. Elle passe beaucoup trop de choses aux filles, et elle est trop indulgente avec ses chouchoutes. Résultat, elle a été obligée de distribuer bien plus de punitions qu’elle n’aurait dû. En un mois, j’enregistre le tiers des punitions qu’inflige Sheriam, parce que je m’assure que toutes celles que je punis sortent d’ici en souhaitant par-dessus tout ne jamais revenir.

— Quoi que vous fassiez, vous ne me ferez jamais nier qui je suis, déclara fermement Egwene. Comment pouvez-vous seulement penser que ce soit possible ? Est-ce qu’on m’escortera en classe ? Serai-je continuellement entourée d’un écran ?

Silviana se renversa dans son fauteuil, posant les mains sur le bord de la table.

— Vous avez l’intention de résister le plus longtemps possible, n’est-ce pas ?

— Je ferai ce que je dois.

— Et je ferai ce que je dois. Pendant la journée, vous ne serez pas entourée d’un écran. Mais on vous donnera une légère infusion de racine fourchue toutes les heures.

La bouche de Silviana se tordit en prononçant le nom de l’herbe. Elle reprit la feuille exposant les instructions d’Elaida, puis la reposa sur la table, se frottant les doigts comme si quelque chose s’y était collé.

— Je n’aime pas cette potion. C’est une arme contre les Aes Sedai. Quelqu’un qui n’est pas capable de canaliser peut en boire cinq fois plus qu’une sœur, sans même avoir la tête qui tourne. Cette infusion est dégoûtante, mais utile, semble-t-il. Peut-être pourra-t-on l’utiliser sur ces Asha’man. Cette tisane ne vous donnera pas le vertige mais vous empêchera suffisamment de canaliser pour pouvoir causer des problèmes. Seulement quelques incidents mineurs. Refusez de boire, et on vous la versera de force dans la gorge. Comme vous serez étroitement surveillée, n’essayez pas de vous évader. Le soir, vous serez entourée d’un écran, car une trop forte dose de racine fourchue pour vous faire dormir toute la nuit vous donnerait des crampes d’estomac le lendemain.

« Vous êtes une novice, Egwene, et vous serez traitée comme telle. Beaucoup de sœurs vous considèrent encore comme une fugitive, quels que soient les ordres que Siuan Sanche ait donnés, et d’autres trouveront sans doute qu’Elaida a tort de ne pas vous faire décapiter. Elles seront à l’affût de la plus petite faute. Pour le moment, vous ricanez peut-être à l’idée d’une fessée, mais qu’en sera-t-il si l’on vous envoie chez moi cinq, six, sept fois par jour ? Nous verrons combien de temps il vous faudra pour changer d’avis.

Egwene eut un petit rire qui l’étonna elle-même. Silviana haussa les sourcils. Sa main frémit, comme pour prendre sa plume.

— Ai-je dit quelque chose de drôle, mon enfant ?

— Pas du tout, répondit Egwene avec sincérité.

Elle avait pensé qu’elle pouvait atténuer la souffrance en la vivant pleinement, à la façon des Aiels. Elle espérait que ça marcherait, car elle y mettait tous ses espoirs de garder sa dignité. Du moins, pendant qu’on la punirait. Pour le reste, elle ferait ce qu’elle pourrait.

Silviana regarda sa plume, puis se leva finalement sans y toucher.

— Bien, j’en ai terminé avec vous, pour ce soir. Mais je vous verrai avant le petit déjeuner. Venez avec moi.

Elle se dirigea vers la porte, certaine qu’Egwene la suivrait. En attaquant Silviana, elle aurait pris le risque qu’une autre note soit inscrite dans le livre des punitions. De la racine fourchue… Eh bien, elle trouverait le moyen de contourner cet obstacle. Sinon… Elle refusait d’y penser.

Katerine et Barasine furent pour le moins stupéfaites par les plans qu’avait imaginés Elaida pour Egwene, et mécontentes d’apprendre qu’elles devraient la surveiller et l’entourer d’un écran pendant son sommeil, même si Silviana les assura que d’autres sœurs viendraient les relever au bout d’une heure ou deux.

— Pourquoi toutes les deux ? s’enquit Katerine, ce qui lui valut un regard ironique de Barasine.

Si une seule surveillante était désignée, ce ne serait certainement pas Katerine qui figurait plus haut dans la hiérarchie.

— Premièrement, parce que je l’ai dit.

Silviana attendit que les deux autres Rouges acquiescent de la tête. Elles le firent avec une répugnance évidente, mais pas suffisante pour que le silence se prolonge. Elle n’avait pas mis son châle pour sortir dans le couloir, et, curieusement, cela rendait sa présence déplacée.

— Et deuxièmement, parce que cette enfant est astucieuse. Je veux qu’elle soit surveillée jour et nuit. Laquelle d’entre vous a son anneau ?

Au bout d’un moment, Barasine sortit l’anneau d’or de son escarcelle, en marmonnant :

— Je voulais seulement le garder en souvenir. Des rebelles matées. Maintenant, elles sont finies, c’est sûr.

Un souvenir ? C’était un vol, voilà tout !

Egwene tendit la main vers son anneau, mais Silviana fut plus rapide et le fit tomber dans son escarcelle.

— Je le garderai jusqu’à ce que vous ayez le droit de le porter, mon enfant. Maintenant, accompagnez-la au quartier des novices et installez-la. Sa chambre doit être prête.

Katerine l’entoura d’un nouvel écran, et Barasine tendit la main pour lui saisir le bras. Puis Egwene désigna Silviana.

— Attendez ! J’ai quelque chose à vous dire.

Elle s’était torturée à ce sujet. Elle risquait d’en dire plus qu’elle ne voulait. Mais c’était une chose qu’elle devait faire.

— J’ai le Don de Rêver. J’ai appris à raconter les rêves véritables et à en interpréter certains. J’ai rêvé d’une lampe de verre qui brûlait avec une flamme blanche. Deux corbeaux sont sortis du brouillard, ont frappé la lampe et ont disparu. La lampe a chancelé, a failli tomber. Cela signifie que les Seanchans vont attaquer la Tour Blanche et provoquer de gros dégâts.

Barasine renifla avec dédain. Katerine ricana.

— Une Rêveuse, dit Silviana sans ambages. Y a-t-il quelqu’un qui puisse prouver vos dires ? Et si oui, comment puis-je être certaine qu’il s’agit des Seanchans ? Les corbeaux pourraient faire allusion à l’Ombre, à mon avis.