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— Vos hommes sont probablement de bons soldats. Les miens ne sont pas des soldats, bien qu’ils aient combattu les Trollocs et les Shaidos.

S’emparant de la branche, il la leva au-dessus de sa tête, la partie sans écorce dirigée vers le haut face aux deux camps.

— Mais ils ont l’habitude de chasser les lions, les léopards et les chats sauvages qui descendent des montagnes pour attaquer nos troupeaux, les sangliers et les ours qui chassent dans les bois.

Soudain, la branche fut quasiment arrachée de ses mains gantées de fer au moment où deux flèches s’y enfoncèrent. Il abaissa la branche pour montrer les deux hampes et les pointes qui l’avaient traversée de part en part. Trois cents pas, c’était une longue distance pour cette cible. Il avait choisi ses deux meilleurs archers, Jondyn Barran et Jori Congar, pour tirer.

— S’il fallait en arriver là, vos hommes ne verraient pas qui les tue, et leur armure ne leur servirait à rien contre les grands arcs des Deux Rivières.

De toute sa force, il éleva la branche.

— Mon œil ! grommela Mishima, portant une main à son épée tout en s’efforçant de contenir son rouan et de surveiller Perrin et sa branche.

Son casque tomba à terre.

La Générale de Bannière, immobile, observait Perrin. Puis elle suivit des yeux la branche qui s’immobilisa entre eux, à cent pieds de hauteur. Brusquement, une boule de feu enveloppa la branche. Perrin sentit sur son visage une brûlante chaleur. Berelain se protégea le visage de la main. Tylee se contenta d’observer pensivement.

Le feu ne dura que quelques instants, mais suffisamment pour ne laisser que quelques cendres voletant dans la brise. Des cendres et deux étincelles tombèrent dans l’herbe sèche. De petites flammes crépitèrent aussitôt, puis se répandirent. Même les destriers s’ébrouèrent de peur.

Perrin marmonna un juron – il aurait dû penser aux pointes de flèches – et s’apprêta à descendre de cheval pour aller piétiner les flammes. Il n’eut pas le temps de balancer une jambe par-dessus sa selle que les flammes disparurent, ne laissant que quelques volutes de fumée.

— Très bien, Norie, murmura la sul’dam, tapotant la tête de sa damane. Norie est une merveilleuse damane.

À cet éloge, la femme en gris eut un sourire timide. Malgré ses paroles, la sul’dam avait l’air inquiète.

— Ainsi, dit Tylee, vous avez une marath… Elle s’interrompit, la mine pensive. Vous avez une Aes Sedai avec vous. Plusieurs, peut-être ? Peu importe. Je ne peux pas dire que les Aes Sedai que j’ai vues m’aient beaucoup impressionnée.

— Pas une marath’damane, générale, dit doucement la sul’dam.

Parfaitement immobile, Tylee étudiait Perrin intensément.

— Asha’man, ajouta-t-elle, et ce n’était pas une question. Vous commencez à m’intéresser, Seigneur.

— Alors, peut-être que ceci vous convaincra, dit Perrin. Tod, enroulez votre bannière autour de la hampe et apportez-la ici.

Comme il n’entendit rien derrière lui, il regarda par-dessus son épaule. Tod le fixait, l’air accablé.

— Tod.

Tod se reprit, puis enroula l’Aigle Rouge autour de la hampe. Il avait toujours l’air affligé quand il tendit l’étendard à Perrin. Il resta les mains tendues, comme espérant qu’on le lui rende.

Talonnant Steppeur en direction des Seanchans, Perrin brandit la bannière devant lui, parallèlement au sol.

— Les Deux Rivières étaient le cœur de Manetheren, Générale de Bannière. Le dernier roi de Manetheren mourut au cours d’une bataille au Champ d’Edmond, le village où je suis né et où j’ai grandi. Manetheren est dans notre sang. Mais les Shaidos ont capturé ma femme. Pour la libérer, je renonce à Manetheren et je prêterai tous les serments que vous voudrez. Ce pourrait être une épine dans votre pied, Seanchans. Mais vous pourriez l’arracher sans verser une goutte de sang.

Derrière lui, quelqu’un gémissait misérablement. Il se dit que c’était Tod.

Soudain, la brise se transforma en tempête. Elle hurlait dans la direction opposée, les fouettant de sable. Le vent était si fort qu’il dut se retenir à sa selle pour ne pas tomber. D’où venait le sable ? La forêt était tapissée de plusieurs épaisseurs de feuilles mortes. La tempête apportait une forte odeur de soufre qui lui brûlait le nez. Les chevaux agitaient la tête en hennissant. La tempête ne dura que quelques secondes, puis, aussi soudainement qu’elle s’était levée, cessa. La brise se remit à souffler dans l’autre direction. Les chevaux frissonnaient et s’ébrouaient en roulant des yeux fous. Perrin flatta l’encolure de Steppeur en murmurant des paroles apaisantes, sans beaucoup d’effet.

La Générale de Bannière fit un geste étrange et marmonna :

— Évitez l’Ombre. Par la Lumière, d’où cela venait-il ? J’ai entendu parler d’histoires étranges. À moins que ce ne soit vos efforts pour nous convaincre, Seigneur ?

— Non, dit Perrin avec sincérité.

Neald avait un don pour contrôler le temps, mais pas Grady.

— Qu’importe d’où cela venait ?

Tylee le regarda pensivement, puis hocha la tête.

— Qu’importe ? répéta-t-elle dubitative. Nous connaissons des histoires sur Manetheren. La moitié de l’Amadicia résonne de rumeurs vous concernant, vous et cette bannière, pour ressusciter le Manetheren et « sauver » l’Amadicia de nos entreprises. Mishima, sonnez la retraite.

Sans hésitation, l’homme aux cheveux jaunes leva une petite corne droite pendue à son cou par un cordon rouge. Il joua quatre notes stridentes, qu’il répéta deux fois avant de laisser retomber le cor.

— Mon rôle est terminé, dit Tylee.

Perrin rejeta la tête en arrière et cria aussi fort qu’il le put :

— Dannil ! Quand le dernier Seanchan arrivera au bout de la prairie, rassemblez tout le monde et rejoignez Grady !

La Générale de Bannière enfonça son auriculaire dans son oreille et l’agita malgré ses gantelets.

— Vous avez une voix forte, dit-elle, ironique.

Puis elle tendit la main pour prendre la hampe de l’étendard, qu’elle posa soigneusement sur sa selle devant elle. Elle ne le regarda pas, mais elle le caressa, peut-être inconsciemment.

— Maintenant, que proposez-vous en faveur de mon plan, Seigneur ?

Mishima accrocha une cheville au pommeau de sa selle et se pencha pour ramasser son casque. Le vent l’avait fait rouler à mi-chemin des soldats seanchans. Un bref chant d’alouette sortit des bois, puis un autre et encore un autre. Les Seanchans se retiraient. Avaient-ils senti le vent, eux aussi ? Peu importait.

— Beaucoup moins d’hommes que vous n’en avez, reconnut Perrin, peu de soldats entraînés, mais j’ai des Asha’man, des Aes Sedai et des Sagettes qui peuvent canaliser et vous en aurez besoin.

Elle ouvrit la bouche et il leva la main.

— Je veux votre parole que vous ne tenterez pas de les mettre à la laisse.

Il jeta un regard entendu à la sul’dam et à la damane. La sul’dam ne quittait pas Tylee des yeux, attendant ses ordres, tout en caressant machinalement la tête de sa damane comme on caresse un chat pour le calmer. Et Norie paraissait presque ronronner ! Par la Lumière !

— Donnez votre parole qu’ils n’auront rien à craindre de vous, eux et tous ceux du camp portant une robe blanche. La plupart ne sont pas des Shaidos de toute façon, et les Aiels sont mes amis.

Tylee secoua la tête.

— Vous avez d’étranges amis, Seigneur. En tout cas, nous avons trouvé des gens du Cairhien et de l’Amadicia avec des bandes de Shaidos, et nous les avons laissés partir, bien que les Cairhienins semblent trop désorientés pour savoir quoi faire d’eux-mêmes. Les seuls en blanc que nous avons gardés sont les Aiels. Ces gai’shains font de merveilleux da’covales, contrairement aux autres. Quand même, j’accepte de laisser la liberté à vos amis. Et à vos Aes Sedai et Asha’man. Mettre fin à ce rassemblement est très important. Dites-moi où ils sont, et je pourrai commencer à vous intégrer dans mes plans.