Выбрать главу

Regardant autour d’elle pour voir si quelqu’un les observait – la rue était déserte à part eux, du moins pour le moment –, Faile la prit vivement et la dissimula dans une poche de sa manche. La poche était juste assez profonde pour l’empêcher de tomber. Maintenant qu’elle l’avait, elle ne voulait pas la lâcher. Au toucher, on aurait dit du verre, et elle était vraiment froide. C’était peut-être un angreal ou un ter’angreal. Cela expliquerait pourquoi Galina la convoitait. La main passée dans sa manche, Faile serra très fort la baguette. Galina n’était plus une menace. Maintenant, elle était leur salut.

— Vous comprenez, Alvon, que Galina ne pourra peut-être pas vous emmener, vous et votre fils, quand elle s’en ira, dit-elle. Elle ne l’a promis qu’à moi et à celles capturées en même temps que moi. Mais je vous promets que je trouverai le moyen de vous libérer, vous et tous ceux qui m’ont juré allégeance. Tous les autres aussi, si c’est possible, mais les miens avant tout. Sous la Lumière et sur mon espoir de salut et de renaissance, je le jure !

Comment elle s’y prendrait, elle n’en avait aucune idée, mais elle le ferait.

Le bûcheron fit mine de cracher, puis il la regarda et rougit. Finalement, il déglutit.

— Cette Galina, elle n’aidera personne, Ma Dame. Paraît qu’elle est Aes Sedai et tout ça, mais à mon avis, c’est le joujou de Therava, et cette Therava la laissera jamais partir. De toute façon, je sais que si on arrive à vous libérer, vous reviendrez chercher tous les autres. Inutile de jurer et tout ça. Vous avez dit que vous vouliez la baguette si quelqu’un pouvait mettre la main dessus sans se faire prendre, et Theril vous l’a trouvée, c’est tout.

— Je veux être libre, dit soudain Theril. Mais si nous libérons tout le monde, on les aura vaincus.

Étonné d’avoir parlé, il s’empourpra. Son père fronça les sourcils, puis hocha pensivement la tête.

— Bien parlé, dit doucement Faile au garçon, mais j’ai prêté un serment, et je m’y tiendrai. Vous et votre père…

Elle s’interrompit quand Aravine, regardant par-dessus son épaule, posa une main sur son bras, son grand sourire ayant fait place à la peur.

Tournant la tête, Faile vit Rolan debout près de la tente. Deux bonnes mains plus grand que Perrin, sa shoufa était enroulée autour de son cou, son voile noir pendant sur sa large poitrine. La pluie glissait sur son visage et trempait ses courtes boucles rousses. Depuis quand était-il là ? Pas longtemps, sinon Aravine l’aurait remarqué plus tôt. La minuscule tente n’était pas propice aux cachettes. Alvon et son fils courbaient les épaules, comme se préparant à attaquer le grand Mera’din.

— Retournez à vos affaires, Alvon, ordonna Faile. Vous aussi, Aravine. Allez vite !

Aravine et Alvon eurent le bon sens de ne pas se répandre en politesses avant de s’éloigner avec un dernier regard inquiet à Rolan, mais Theril leva à moitié une main avant de se ressaisir. Rougissant, il détala derrière son père.

Rolan sortit de derrière la tente et s’arrêta devant elle. Curieusement, il avait à la main un petit bouquet de fleurs bleues et jaunes. Elle était très consciente de la baguette qu’elle dissimulait dans sa manche. Où allait-elle la cacher ? Quand Therava constaterait sa disparition, elle allait mettre tout le camp sens dessus dessous.

— Vous devez être prudente, Faile Bashere, dit Rolan, lui souriant de tout son haut.

Alliandre ne le trouvait pas tout à fait beau garçon, mais Faile avait décidé qu’elle se trompait. Ces yeux bleus et ce sourire le rendaient presque beau.

— Ce que vous préparez est dangereux, et je ne serai peut-être pas là pour vous protéger.

— Dangereux ? dit-elle, sentant son sang se glacer. Que voulez-vous dire ? Et où allez-vous ?

L’idée de perdre son protecteur lui noua l’estomac. Sans lui…

— Certains d’entre nous pensent à retourner dans la Terre Triple.

Son sourire s’évanouit.

— Nous ne pouvons pas suivre un faux Car’a’carn, issu des Terres Humides, mais on nous laissera peut-être vivre sur nos terres. Nous y pensons. Voilà longtemps que nous sommes loin de chez nous, et ces Shaidos nous dégoûtent.

Elle trouverait le moyen de survivre après son départ. Il le faudrait. D’une façon ou d’une autre.

— Et qu’est-ce qui est dangereux ?

Elle s’efforçait de parler avec légèreté. Par la Lumière, que lui arriverait-il sans lui ?

— Ces Shaidos sont aveugles même quand ils ne sont pas saouls, Faile Bashere, répondit-il avec calme.

Rabattant sa capuche en arrière, il piqua une fleur dans ses cheveux au-dessus de son oreille gauche.

— Nous autres Mera’dins, nous n’avons pas les yeux dans nos poches.

Il piqua une autre fleur de l’autre côté.

— Vous vous êtes fait beaucoup de nouveaux amis ces derniers temps, et vous projetez de vous évader avec eux. C’est un plan audacieux, mais dangereux.

— Préviendrez-vous les Sagettes ou Sevanna ?

Elle fut stupéfaite d’avoir parlé d’une voix égale. Son estomac faisait des nœuds.

— Pourquoi le ferais-je ? demanda-t-il, ajoutant une fleur à son ouvrage. Jhoradin pense qu’il emmènera Lacile Aldorwin dans la Terre Triple, bien qu’elle soit une Tueuse d’Arbres. Il croit pouvoir la convaincre de tresser une couronne de noces et de la poser à ses pieds.

Lacile s’était trouvé un protecteur en entrant dans le lit du Mera’din qui l’avait faite gai’shaine, et Arrela avait fait de même avec l’une des Vierges qui l’avaient capturée. Les deux femmes étaient concentrées sur l’évasion comme une flèche sur sa cible.

— Et maintenant que j’y réfléchis, je vous emmènerai peut-être avec moi si nous partons.

Elle leva les yeux sur lui et le fixa intensément. La pluie commençait à lui mouiller les cheveux.

— Dans le Désert ? Rolan, j’aime mon mari. Je vous l’ai déjà dit, et c’est vrai.

— Je sais, dit-il, continuant à parsemer de fleurs ses cheveux. Mais pour le moment, vous êtes encore en blanc, et ce qui arrive quand on est en blanc est oublié quand on l’enlève. Votre mari ne pourra pas vous le reprocher. De plus, si nous partons, je vous libérerai quand nous arriverons près d’une ville des Terres Humides. Je n’aurais jamais dû faire de vous une gai’shaine. Ce collier et cette ceinture contiennent assez d’or pour vous ramener en toute sécurité à votre mari.

Sa mâchoire s’affaissa sous le choc. Et elle fut surprise quand son poing martela la vaste poitrine de Rolan. Bien que des gai’shains ne soient pas autorisés à user de violence, il se contenta de sourire.

— Vous… !

Elle frappa de nouveau, plus fort.

— Vous… ! Je ne trouve pas de mot assez fort. Vous me laissez croire que vous allez m’abandonner à ces Shaidos alors que vous avez toujours eu l’intention de m’aider à retrouver ma liberté ?

Finalement, il lui prit le poing et l’immobilisa facilement d’une main qui enveloppa complètement la sienne.

— Si nous partons, Faile Bashere, dit-il en riant.

En riant !

— Ce n’est pas encore décidé. De toute façon, un homme ne peut pas laisser une femme penser qu’il est trop entreprenant.

De nouveau, elle se surprit elle-même en se mettant à rire et pleurer en même temps, si fort qu’elle dut s’appuyer contre lui pour ne pas tomber. Ce satané sens de l’humour des Aiels !

— Vous êtes très belle avec des fleurs dans les cheveux, Faile Bashere, murmura-t-il, ajoutant une nouvelle fleur. Même sans fleurs. Et pour le moment, vous portez toujours le blanc.