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— Je n’ai pas vu ton amie…

Malko essayait de sourire. Intérieurement en déroute. Pour que le S.B. attaque aussi franchement, il fallait que leurs soupçons soient sérieux… Halina était peut-être déjà arrêtée. Et tout son plan à l’eau. Seulement la dernière chose qu’il pouvait se permettre c’était d’aller vérifier.

— Tu es jalouse ? demanda-t-il.

— Tu as disparu, tu m’as abandonnée, fit Anne-Liese, faussement indignée.

— Ce n’était pas pour cette femme, dit Malko. Je ne la connais pas et si je lui souriais c’était pour payer moins cher le caviar que je vais manger avec toi.

— Ah, c’est très bien, dit Anne-Liese. Si nous nous en allions, il y a trop de bruit ici…

Son soulagement sonnait aussi faux que sa jalousie. Malko s’empressa d’entasser des zlotys sur l’addition et se leva. Les musiciens, déchaînés, avaient entraîné deux touristes suédoises dans ce qui ressemblait fortement à la danse de la pluie des Indiens Navajos. Pour la plus grande joie de l’assistance.

Pendant qu’Anne-Liese était au vestiaire, il appela un radio-taxi. Hasard ou « aide », une voiture était disponible immédiatement. Anne-Liese vint s’accrocher à son bras.

— Viens faire la sieste ! Nous pourrons dîner chez moi ensuite. Je n’aime pas sortir le dimanche.

— Et le caviar ! remarqua Malko. Il est à l’hôtel. Anne-Liese haussa les épaules.

— J’en ai aussi. On mangera le tien demain. Des amis m’en ont donné cinq kilos de russe.

Le taxi surgit. L’inévitable Polski. Les passagers d’un car de tourisme les regardèrent s’y engouffrer, envieux.

* * *

Anne-Liese ne devait posséder qu’une paire de chaussures. Le S.B. payait mal. Elle portait encore ses escarpins rouges, avec une jupe de lainage assortie. Après avoir mis un disque de Mozart, elle revint sur le lit bas à côté de Malko, s’étira, faisant saillir encore plus ses seins incroyables.

Malko s’amusa à suivre du bout d’un doigt la courbe orgueilleuse. L’ambiance avait beau être exactement la même que la fois précédente, il ne se sentait pas tranquille. Il lui semblait que des yeux les observaient, invisibles derrière la grande glace, en face du lit.

— Ils sont très ronds, n’est-ce pas ? dit d’un ton sérieux Anne-Liese. À quoi penses-tu ?

En une fraction de seconde, Malko avait trouvé une façon de s’en sortir. Brutalement, il emprisonna un des seins d’Anne-Liese entre ses doigts.

— À toi, dit-il.

Elle lui saisit le poignet.

— Attends ! Tu me fais mal, ne sois pas pressé. Nous avons tout le temps.

Comme Malko continuait à pétrir sa poitrine, Anne-Liese ajouta, d’une voix plus basse et plus vraie :

— Si tu es doux, je te laisserai me lécher tout à l’heure. Jusqu’à ce que je m’évanouisse de plaisir… Comme l’autre jour.

— Je te veux maintenant, dit Malko. Je n’ai pas besoin de te lécher.

Il glissa une main sous la jupe rouge et elle se contracta aussitôt, comme s’il l’avait pincée. Ils luttèrent un moment, Malko tentant vainement de la trousser comme une bonne. Échevelée, les joues rouges, Anne-Liese se défendait efficacement. À la fin, elle se redressa et alla s’asseoir au bord du lit.

— Tu as bu ! dit-elle. Calme-toi, je n’aime pas qu’on me brusque.

— J’ai envie de toi, dit Malko, allongeant la main vers elle. Déshabille-toi.

— Non. Pas comme ça. Je t’ai dit ce que je voulais d’abord.

Comme elle l’avait déjà fait plusieurs fois, ses prunelles s’agrandirent brusquement, lançant un éclair bleu.

— Très bien, dit Malko.

En un clin d’œil, il se leva, enfila sa veste. Anne-Liese s’était dressée à son tour. La surprise dans ses yeux était sincère.

— Qu’est-ce que tu fais ? demanda-t-elle.

— Je m’en vais, dit Malko. J’en ai assez de tes caprices. Avant qu’Anne-Liese ait pu le retenir, il avait poussé le verrou et ouvert la porte. Il la claqua et plongea dans l’escalier. Riant intérieurement. Même si leur duo avait été observé de bout en bout par le S.B. les barbouzes polonaises n’y verraient que la frustration d’un homme un peu éméché… Il se retrouva dans la rue et s’éloigna.

Surtout, ne pas revenir tout de suite à l’hôtel. Il y avait quand même des cinémas à Varsovie.

* * *

Malko décrocha à la première sonnerie. Certain de ce qu’il allait entendre. Il y eut un léger « blanc », puis une voix timide dit :

— Malko !

— Oui !

Nouveau blanc, suivi d’un gros soupir. Anne-Liese donnait dans le repentir.

— Tu es fou. Pourquoi es-tu parti comme ça ?

— Oh, je te prie de m’excuser. Ce doit être le vin blanc. C’est vrai, j’ai été idiot.

Malko réussit à mettre un peu de regret dans sa voix.

— Reviens.

— Pas ce soir, dit-il, je suis couché. Je crois que j’ai de nouveau pris froid. J’ai été dans un cinéma pas chauffé.

Un film russe. Passionnant. Les amours contrariées dans un kolkhoze d’un tracteur et d’une moissonneuse-batteuse.

— Oh, c’est dommage, dit Anne-Liese de sa voix bien contrôlée. Je te vois demain ?

— Bien sûr, dit Malko. Nous pouvons déjeuner ensemble, si tu veux.

— Alors, bonne nuit, dit Anne-Liese. Je te promets, je serai moins capricieuse demain.

* * *

— Il faut que vous reteniez ces plans par cœur, on ne peut pas vous les confier, cela serait trop dangereux si on les trouvait sur vous. Les instructions, aussi. Mais ce n’est pas très compliqué.

Malko se pencha avec attention sur les documents que lui tendait Cyrus Miller. Le ronronnement des déflecteurs électroniques formait une barrière infranchissable autour d’eux. Malko resta plusieurs minutes silencieux, mémorisant tous les éléments indispensables. Heureusement, sa fabuleuse mémoire n’avait aucun mal à retenir ce dont il avait besoin. Il tendit les papiers à l’Américain.

— Voilà. Vous n’avez pas eu trop de difficultés ? Cyrus Miller sourit en ramenant en arrière une mèche invisible. Puis, il tira une longue bouffée de sa Rothmans.

— Je préfère ne pas vous en parler. C’est remonté jusqu’au Spécial Coopération Committee. C’est pire que de déclarer la guerre aux Japonais…

Toutes les actions importantes de la C.I.A. devaient désormais être approuvées par ce comité siégeant à la Maison-Blanche.

— Enfin, c’est une bonne nouvelle, dit Malko. Bien que votre fourchette de temps soit plutôt étroite.

— Désolé, reconnut Cyrus Miller. Nous sommes en Pologne, vous savez.

— Vous avez ce que je vous avais demandé ?

— Oui.

Le chef de station de la C.I.A. plongea la main dans sa poche et en ressortit un pistolet automatique. Un Tokarev 9 mm qu’il tendit à Malko en le tenant par le canon. Un chargeur supplémentaire était lié à la crosse par un élastique.

— Je suppose que vous n’avez pas l’intention de déclencher un combat de rue, dit Miller. Ça vous suffira. En tout cas, il est intraçable. Cadeau de la T.D.[43].

Malko empocha l’arme. Le compte à rebours était commencé. Ses yeux dorés se posèrent sur l’Américain.

— Eh bien, Cyrus, merci pour tout. Espérons que cela marchera.

Cyrus Miller hocha la tête.

— Let’s cross our fingers… À propos, j’ai des renseignements supplémentaires sur votre amie Anne-Liese. Avant l’Allemagne, elle s’est spécialisée en Angleterre dans la récupération des « défecteurs ». Trois d’entre eux ont disparu totalement après avoir été vus en sa compagnie. Sans qu’on puisse jamais rien trouver. Des hommes qui étaient sur leurs gardes. Ou plutôt, deux hommes et une femme…

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43

Technical Division.