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Malko éprouva un petit pincement au creux de l’estomac. Cyrus Miller l’observait du coin de l’œil.

— J’ai gardé le meilleur pour la fin, dit-il. Nous avons eu des informations, par l’intermédiaire d’une de nos filières de pénétration. Le S.B. vous prépare un coup de Jarnac…

— Ça, ce n’est pas une information, dit Malko, c’est une évidence.

— Attendez, précisa l’Américain. Ils veulent vous enlever. Discrètement. Ensuite, vous mettre au pentothal. À haute dose. Jusqu’à ce que vous crachiez ce que vous savez. Quitte à vous rendre gentiment après, pour ne pas faire trop de vagues.

— Quand ?…

— Ça… c’est le seul élément qui me manque. Le plus important. Malko se leva.

— Cyrus, je dois vous quitter.

L’Américain stoppa la barrière électronique et ouvrit la porte. En silence, ils se dirigèrent vers l’ascenseur. Malko regrettait la « cage ». On y était si tranquille. Cyrus Miller l’accompagna dans le hall et lui serra de nouveau la main.

— À bientôt.

— À bientôt, dit Malko.

Il pouvait très bien y avoir des micros dans le hall.

* * *

Le cercueil encore ouvert était posé sur des tréteaux, au milieu d’une petite crypte latérale de l’église Notre-Dame-des-Grâces. Six gros cierges brûlaient autour. Deux hommes se tenaient agenouillés, à la tête du cercueil, priant. L’un était Jerzy, l’autre inconnu de Malko. En voyant ce dernier, Jerzy se releva et alla à sa rencontre.

Malko vit briller l’émotion dans ses yeux.

— Vous êtes venu ! dit-il. On va fermer le cercueil dans quelques minutes.

Malko s’approcha. Le visage lisse de Maryla Nowicka reposait sur un coussin de soie blanche, les yeux fermés, un peu enflé, les cheveux tirés en arrière. Les maquilleurs avaient dû avoir un sacré travail pour la rendre présentable. Elle avait les mains croisées sur un chapelet et on l’avait habillée d’une robe grise ras du cou.

À voix basse, Jerzy commença à réciter une prière. Les accents chuintants du polonais en étaient presque harmonieux. Il termina par un grand signe de croix. Malko regardait le visage de la morte. Quelle tristesse qu’on ne puisse communiquer ! Si Maryla avait su ce qu’il préparait, elle serait peut-être partie pour l’éternité avec moins de regrets…

Les croque-morts arrivaient. Malko les regarda visser les grosses vis de cuivre après avoir fermé le couvercle.

Adieu, Maryla. Broyée par des forces qui la dépassaient. Il serra silencieusement la main de Jerzy. Celui-ci lui dit tout à coup :

— Vous savez, nous avons réfléchi. Je crois que vous avez raison.

Rien ne pouvait faire plus plaisir à Malko.

— Alors, à tout à l’heure, dit-il.

Il sortit de l’église et regarda sa montre. Une heure avant d’aller retrouver Anne-Liese. Le pistolet automatique pesait dans la poche de son manteau. Il était certain que le S.B. ne tenterait rien avant sa visite chez la Polonaise.

Là, allait se jouer la première manche. Il avait un avantage. Grâce à ses observations et aux informations de Cyrus Miller, il croyait maintenant savoir à quoi il pouvait s’attendre. Le tout était de forcer le scorpion à se piquer avec son propre dard.

* * *

À la lueur joyeuse dans les yeux bleus soulignés de leur habituel trait noir, Malko devina immédiatement que c’était l’hallali. Contrairement à son habitude, Anne-Liese l’embrassa goulûment sur le pas de la porte, s’appuyant contre lui de tout son corps massif, avec tous les signes de la passion la plus exacerbée. La danse du scalp avait commencé. Quand il lui effleura la poitrine sacrée d’un geste impie, elle se contenta de sourire.

— Attends.

Elle avait remis la jupe fendue en velours noir de la première fois. Avec le haut infernal. Et les chaussures rouges. Une odeur d’encens flottait dans l’appartement. Malko posa la bouteille de vodka achetée un dollar au Victoria et se laissa guider jusqu’au lit. Anne-Liese avait posé dessus un plateau d’argent avec une boîte de caviar, des toasts et des verres.

— J’espère que tu ne t’en iras pas, aujourd’hui, dit-elle espièglement.

Ses yeux brillaient de joie. Malko comprit d’un coup pourquoi elle travaillait pour le S.B. Ses relations avec ses « victimes » devaient lui procurer une jouissance inouïe. Surtout lorsqu’il s’agissait d’une proie difficile, comme Malko… Elle s’assit sur le lit et replia ses jambes. Par la fente de la jupe à brandebourgs, Malko aperçut une bande de chair blanche. Anne-Liese avait troqué ses collants pour des bas.

Malko passa les doigts dessus. Pas très fins, un peu trop courts, mais des bas. Le S.B. ne reculait devant aucun sacrifice. Il remonta, suivant la hanche, jusqu’à la lourde courbe d’un sein.

Pour la première fois depuis qu’il la connaissait, Anne-Liese n’avait pas protégé la peau satinée de sa poitrine par un soutien-gorge. Sous la soie du haut boutonné, il sentait la tiédeur molle du sein. Il s’amusa à effleurer le tissu, agaçant la pointe qui sembla tout à coup prête à percer le tissu comme un petit animal indépendant. Anne-Liese ferma les yeux, appuyée sur les coudes. La tête en arrière. Image même de l’extase. Malko en profita pour balayer d’un regard précis la chambre. Mais le S.B. était trop habile pour laisser traîner des micros. De toute façon, le danger venait d’ailleurs.

— Tu veux du caviar ?

Anne-Liese avait rouvert les yeux et l’observait. Il stoppa sa caresse.

— Si tu veux.

De toute façon, il avait le temps. Plus de deux heures à tuer. Pendant qu’elle amassait une montagne de caviar russe sur un toast, il continua à lui caresser les jambes, remontant plus haut que le bas, sur la cuisse blanche et musclée. C’était comme s’il avait caressé une pierre. Anne-Liese ne renversa pas un grain de caviar…

* * *

À genoux sur le lit, le dernier brandebourg de la jupe de velours noir défait, Anne-Liese ondulait comme un cobra au rythme de la Vie en rose nouvelle version. Importée au marché noir en Pologne. La voix rauque de la chanteuse était parfaite pour ce qu’ils faisaient.

Malko n’avait gardé que sa montre. Le plateau de caviar était posé par terre, la bouteille de vodka fortement entamée. Pour la dixième fois, Anne-Liese s’inclina en avant avec souplesse jusqu’à ce que les pointes de ses seins effleurent le sexe découvert de Malko, à travers la soie. Puis elle se balança doucement, le menant au bord de l’orgasme et se redressa avec son étrange éclair bleu dans les yeux.

Elle s’amusait prodigieusement.

— Caresse-toi, dit-elle.

Il pouvait bien lui offrir cette petite joie. Elle le regardait avec une telle intensité qu’il se demandait si elle n’était pas en train de jouir.

— Arrête-toi.

Il s’arrêta. Les vocalises de la Noire devenaient de plus en plus aiguës. Les doigts légers d’Anne-Liese emprisonnèrent le sexe de Malko dans une caresse aérienne… Comme pour maintenir le point d’ébullition. Elle se servait de ses doigts avec une habileté d’horloger. Graduant ses caresses au dixième de millimètre. Sans cesser de le caresser, elle se pencha à toucher son visage, l’embrassa violemment et brièvement, puis lui dit sur le ton de la confidence :

— Maintenant, nous allons faire l’amour. Déshabille-moi. Commence par là.