En dix secondes, le gros bus venait d’être « avalé » par le Hercules !
Il était temps, un ballet de feux bleus clignotants se ruait derrière eux, sur le taxiway.
Alors même que la rampe n’était pas encore remontée, le gros appareil commença à rouler. Les passagers hurlaient de terreur ou de stupéfaction. Plusieurs hommes s’affairaient autour du bus, se hâtant de l’arrimer. Il y eut une légère secousse. Le Hercules venait de quitter le sol.
Malko coupa le contact, épuisé. Il émergea de son siège, juste pour tomber dans les bras de Wanda. Trois passagers étaient tassés sur leur siège. Morts. Deux autres, blessés légèrement, se dirigeaient vers la porte. Le Hercules prenait lentement de la hauteur.
Malko sauta à terre dans la carlingue. Un homme en salopette grise vint à sa rencontre, la main tendue.
— George Hawks, dit-il. De la Canadian International Charter. Vous nous avez fait une belle peur avec votre engin. On nous avait annoncé une voiture !
— Il n’y a pas eu de problèmes ? demanda Malko.
— Pas trop. Mais il était temps que vous arriviez. On avait raconté à la tour une histoire de circuit hydraulique à vérifier. Mais on ne pouvait pas attendre indéfiniment. Il fallait décoller ou revenir au parking.
— Et maintenant ?
— Dans trente minutes, nous serons sortis de l’espace aérien polonais. Nous filons droit sur le nord, vers la Baltique. Nous allons voler à six cents pieds pour échapper aux radars.
C’était du beau travail. Malko avait eu l’idée, en voyant le déménagement de l’ambassade U.S., d’utiliser pour son évasion le Hercules d’une compagnie canadienne de charter habituée à travailler pour le State Department… Il avait fallu tordre pas mal de bras et faire miroiter quelques dollars, canadiens et américains. La C.I.A. avait eu la main lourde. Une panne providentielle avait retardé le départ du Hercules. Jusqu’au lundi soir.
Une femme descendit du bus, se précipita vers Malko. Elle l’étreignit, disant des mots sans suite. Le Canadien la regardait, ému. Quand elle lâcha Malko, il lui demanda :
— Qui sont tous ces gens-là ? Ce n’était pas prévu. On va avoir quelques problèmes à l’arrivée.
— Ils en auraient eu encore plus s’ils étaient restés, dit Malko.
Le Hercules continuait à s’éloigner de Varsovie de toute la puissance de ses quatre turbo-propulseurs. Le Canadien hocha la tête.
— Beau travail. Faudra rendre leur bus aux Polonais. Qu’est-ce qu’elle a cette petite, elle pleure ?
Wanda était descendue du bus. Appuyée à la paroi, elle pleurait sans pouvoir s’arrêter. Le Canadien s’approcha d’elle :
— Don’t cry, Miss. It’s gonna be all right. It’s gonna be all right[46].
Les pleurs de Wanda redoublèrent.
— Elle pleure le printemps, dit Malko.
Le Canadien secoua la tête sans comprendre. Décidément, ces gens de la C.I.A. étaient tous un peu bizarres.