Выбрать главу

Dans la hâte de son discours K. n’avait pas pu trouver le temps d’inviter formellement le directeur adjoint à se détourner de son travail sur la balustrade; deux ou trois fois seulement, sans cesser sa lecture, il avait promené sa main libre au-dessus de l’objet dans un geste apaisant, pour montrer, presque à son insu, que cette balustrade n’avait aucun défaut et que, même si elle en avait, écouter en ce moment était plus important, plus convenable aussi, que toute réparation du bureau. Mais, comme il arrive souvent aux gens vifs dont le travail n’occupe que le cerveau, cet ouvrage manuel avait enflammé l’ardeur du directeur adjoint; toute une partie de la balustrade était effectivement soulevée, et il s’agissait maintenant de faire rentrer les colonnettes dans les trous qui correspondaient. C’était le plus dur. Le directeur adjoint fut obligé de se lever et d’essayer avec les deux mains d’enfoncer la balustrade dans la table. Mais il eut beau y employer toute sa force l’opération ne réussit pas. K., qui lisait, et coupait sa lecture d’un grand nombre de commentaires, ne s’était que vaguement rendu compte que le directeur adjoint venait de se lever. Encore qu’il n’eût jamais perdu de vue le travail accessoire de son interlocuteur, il avait pensé que son geste devait trouver quelque motif dans le rapport, et s’était levé à son tour, tendant le papier, le doigt sous un chiffre, à son rival. Mais le directeur adjoint venait de se rendre compte que les mains ne suffisaient pas, et, prenant une prompte décision, s’asseyait de tout son poids sur la petite balustrade. Cette fois ce fut un succès; les colonnettes entrèrent en grinçant dans leurs trous, mais l’une d’elles fut fracturée dans l’impétuosité du choc, et la fragile moulure du haut se cassa en deux à un endroit.

«Mauvais bois» dit, vexé, le directeur adjoint.

FRAGMENT [2]

Une pluie fine tombait quand ils quittèrent le théâtre. Déjà fatigué par la pièce et sa mauvaise représentation, K. se sentit complètement abattu à l’idée qu’il devrait encore héberger l’oncle. Il tenait beaucoup, ce jour-là justement, à s’entretenir avec F. B.; une occasion de la rencontrer se serait peut-être présentée, et si l’oncle était là ce serait impossible. Il y avait bien encore un train de nuit qu’il eût pu prendre, mais le décider à partir le soir même, quand le procès de son neveu le préoccupait tellement, il ne fallait pas y songer. Malgré son peu d’espoir, il essaya pourtant:

– Mon oncle, dit-il, je crains vraiment d’avoir bientôt besoin de ton aide. Je ne vois pas encore exactement en quoi, mais ce sera sûrement nécessaire.

– Tu peux compter sur moi, répondit l’oncle. Au fond, je ne cesse de songer à la façon dont on pourrait t’aider.

– Tu es bien toujours le même, dit K.; mais je ne voudrais pas indisposer ma tante quand je te demanderai de revenir.

– Ton affaire, dit l’oncle, a bien plus d’importance que ces petits désagréments.

– Je ne suis pas de ton avis, dit K. Quoi qu’il en soit, je ne veux pas t’enlever à ma tante sans nécessité, et je prévois que j’aurai besoin de toi les jours prochains; en attendant, ne veux-tu pas rentrer?

– Demain?

– Oui, demain, dit K. Ou même maintenant. Par le train de nuit. Ce serait plus pratique.

II PASSAGES SUPPRIMÉS PAR L’AUTEUR.

вернуться

[2] Ce fragment aurait fait partie du chapitre VI dans l’une des versions envisagées par Kafka.