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— Je le sais.

— Vraiment ? Vous me comprenez ?

— Je comprends.

— Et alors ? Qu’avez-vous l’intention de faire ?

— Je ne sais pas ! Je ne sais pas ! À vous de me dire ce que je devrais faire !

Il y eut un long soupir silencieux. Difficile de dire qui le poussa. Les deux hommes respiraient pesamment, comme deux lutteurs qui se seraient bagarrés.

— Alors, dites-le-moi ! Dites-moi ce que je dois faire.

Échec et mat.

À son Éminence le cardinal Francesco Barberini :

Hier après-midi j’ai eu une discussion avec Galilée et, après avoir échangé d’innombrables arguments, par la grâce du Seigneur, j’ai atteint mon but : je lui ai fait comprendre son erreur, de sorte qu’il a clairement reconnu s’être trompé et être allé trop loin dans son livre. Il exprime tout cela avec des paroles senties, comme s’il était soulagé par la connaissance de son erreur ; et il est prêt pour une confession judiciaire. Toutefois, il m’a demandé un peu de temps pour réfléchir à la façon de s’acquitter d’une confession honnête.

Je n’ai fait savoir cela à personne d’autre, mais je me sens obligé d’informer Votre Éminence immédiatement, parce que j’espère que Sa Sainteté et Votre Éminence seront satisfaites que de cette manière l’affaire ait été amenée à un point où elle pouvait être réglée sans difficulté. Ainsi, la réputation du tribunal sera préservée et l’accusé pourra être traité avec bienveillance ; à quelque décision que l’on aboutisse, Galilée saura apprécier la faveur qui lui aura été accordée, et toutes les autres conséquences satisfaisantes que l’on peut souhaiter s’ensuivront. Je pense l’examiner aujourd’hui afin d’obtenir ladite confession. Après l’avoir obtenue, j’espère qu’il ne me restera plus qu’à le questionner sur ses intentions et lui permettre de présenter une défense. Cela fait, il pourra lui être accordé un emprisonnement dans sa propre maison, ainsi que Votre Éminence me l’a suggéré, à qui je présente maintenant ma plus humble révérence.

Le plus humble et le plus obéissant serviteur de Votre Éminence.

Fra. Vinc. Maculano da Firenzuola

Confession du péché, examen concernant les intentions ; défense des actions du parti du coupable ; déclaration de la sentence : telles étaient les étapes formalisées suivies dans les procès en hérésie. Elles devaient toutes être suivies.

Cette nuit-là, dans le dortoir vide, Galilée gémit, cria, pleurnicha, jura. Lorsque Cartaphilus se rendit dans sa petite chambre pour lui demander s’il pouvait faire quoi que ce soit, Galilée lui lança une tasse.

Puis les gémissements se muèrent en hurlements stridents, et Cartaphilus, inquiet, se précipita vers la chambre du vieil homme. Le maestro ne répondit ni aux appels, ni aux coups frappés sur sa porte, et se tut soudain.

Cartaphilus enfonça la porte et entra dans la pièce sombre en tenant une chandelle devant lui.

Galilée se jeta sur lui, le tint fermement. La chandelle tomba et s’éteignit. Dans le noir, le vieil astronome grommela :

— Envoie-moi à Héra.

Cartaphilus obtempéra. Il procéda à l’intrication, puis étendit le vieil homme à moitié sur son lit, à moitié sur le sol, comme en prière. Une écume baveuse suintait de sa bouche et ses yeux ouverts fixaient le néant. Une autre syncope ; Cartaphilus secoua la tête, marmonna tout bas.

Il tira une couverture sur le corps inerte, ferma la porte et revint s’asseoir sur le lit, à côté de Galilée. Il vérifia le pouls du vieil homme, qui était lent et régulier. Il regarda dans le petit écran sur le côté de la boîte. Il n’y avait pas moyen de savoir combien de temps il resterait parti.

— Je sais quel devrait être son châtiment, dit encore une fois Galilée à Héra.

Ganymède semblait avoir été frappé de mutisme par la rencontre avec Jupiter. Il regardait par sa visière et se refusait à parler – ne pouvait pas, ou ne voulait pas. Peut-être l’esprit jupitérien lui avait-il infligé un certain dommage. L’expression de son regard suggérait à Galilée qu’il était furieux ou choqué, ou peut-être en proie à une folie furieuse. Quelque chose de mauvais. Et il ne voulait pas leur donner la satisfaction de partager ses pensées avec eux – cela dit, la nature de la satisfaction qu’ils auraient pu éprouver n’était pas claire. Galilée lui-même était déconcerté, et Héra paraissait insatisfaite de l’expérience à laquelle elle avait obligé Ganymède à se soumettre.

Mais maintenant Galilée croyait savoir.

Il y avait dans Jupiter un esprit plus grand que l’esprit d’Europe, et relié à d’immenses esprits situés ailleurs, voilà ce que Ganymède proclamait depuis toujours, bien que parfois discrètement, car il ne voulait pas que cela soit largement connu. Il l’avait appris on ne sait trop comment – peut-être lors de ses incursions préalables dans les océans de Ganymède, peut-être au cours de son existence dans un temps futur ; c’était impossible à dire –, mais Galilée voulait qu’Héra plonge dans son passé à l’aide de son célatone mémoriel, si c’était possible. En tout cas, quelle que soit la façon dont il l’avait appris, il avait eu conscience de l’esprit jupitérien, et son expression affolée pouvait désormais signifier « Je vous l’avais bien dit ». À moins qu’il ne fût simplement choqué. Galilée ne comprenait pas tout à fait lui-même ce qu’il avait vu dans Jupiter. Le cosmos, animé par la pensée, oui. Mais il n’arrivait pas à retrouver les puissants sentiments qu’il avait éprouvés lorsqu’il avait fait l’expérience de cette réalité. Quelque chose d’immense s’était produit en lui, mais tout était confus, à présent, oblitéré par la fusion subséquente avec Héra, puis son retour en Italie. C’était une chose qu’il ne pourrait comprendre.

Ganymède les regardait fixement.

Galilée dit :

— Vous avez délibérément blessé Europe, l’enfant de Jupiter. Vous avez essayé de le tuer. Penser que nous avons attaqué et blessé la première créature d’un autre monde que l’humanité ait jamais rencontrée est au-delà du déplorable.

Tout à coup, il pensa à la mauvaise foi, aux coups de poignard dans le dos, à la haine des ignorants pour tout ce qui était nouveau, et il colla son visage contre la visière du prisonnier et hurla :

— C’est un crime éternel !

Ganymède cilla. Ce n’était peut-être qu’un réflexe, parce qu’aucun signe de remords n’apparut sur son visage de pierre. Pour souligner son argument, Galilée flanqua un coup sur le casque de l’homme, l’envoyant voltiger. Du sol, Ganymède leva les yeux vers Galilée. Lequel s’avança tout contre lui, soudain furieux.

— Vous mentez, vous trichez et vous donnez des coups de poignard dans le dos ! Vous êtes tous pareils, bande de lâches. Vous essayez de tuer tout ce que vous trouvez différent, parce que vous en avez peur !