Galilée fut appelé au couvent de Santa Maria sopra Minerva par une petite phalange de dominicains qui firent irruption dans son dortoir. Les Chiens de Dieu, tout de noir et de blanc vêtus, avaient l’air aussi sinistres que des exécuteurs. Avant de quitter sa chambre, ils lui donnèrent la robe blanche du pénitent pour qu’il la revête par-dessus ses vêtements. Rien de sa propre tenue ne devait apparaître en dehors de la robe, lui dirent-ils ; et il devait être tête nue.
Le moment de la sentence était donc arrivé.
Alors, ils l’entourèrent sans un mot et lui firent effectuer les quelques pas qui le séparaient de la pièce du jugement. À l’intérieur de cette pièce, il y avait beaucoup plus de monde qu’au cours de n’importe laquelle de ses dépositions ; la majeure partie de la Sacrée Congrégation était là pour assister au châtiment. Le pape Urbain VIII n’était pas là, évidemment.
Maculano lut la sentence :
Nous :
Gasparo Borgia, du titre de Sainte-Croix-en-Jérusalem ;
Fra Felice Centini, du titre de Sainte-Anastasie, dit d’Ascoli ;
Guido Bentivoglio, du titre de Sainte-Marie-du-Peuple ;
Fra Desiderio Scaglia, du titre de Saint-Charles, dit de Crémone ;
Fra Antonio Barberini, dit de Saint-Onofrio ;
Laudivio Zacchia, du titre de Saint-Pierre de Vincoli, dit de Saint-Sixte ;
Berlinghierio Gessi, du titre de Saint-Augustin ;
Fabrizio Verospi, du titre de Saint-Laurent en Panisperna, de l’ordre des prêtres ;
Francesco Barberini, du titre de Saint-Laurent en Damas ; et Marzio Ginetti, du titre de Sainte-Marie-la-Neuve, de l’ordre des diacres ;
Tous par la Grâce de Dieu prêtres cardinaux de la Sainte Église romaine, et inquisiteurs généraux, spécialement députés par le Saint-Siège apostolique contre le crime d’hérésie en toute la république chrétienne ;
Attendu que toi, Galilée, fils de Vincenzio Galilei, Florentin, as été dénoncé dès l’an mil six cent quinze pour ce que tu tenais pour véritable la fausse doctrine enseignée par aucuns, que le Soleil soit le centre du monde, et immobile, et que la Terre ne l’était pas, mais se mouvait d’un mouvement journalier,
Et attendu que ce Saint Tribunal voulait remédier au désordre et au mal dérivant de cette doctrine, les Théologiens et Docteurs ont étudié les deux propositions de la stabilité du Soleil et du mouvement de la Terre comme suit :
Que le Soleil soit le centre du monde et immobile est une opinion non seulement absurde et fausse en philosophie, mais en outre formellement hérétique, car étant explicitement contraire aux Saintes Écritures ;
Que la Terre ne soit ni le centre du monde ni immobile, mais qu’elle soit animée d’un mouvement journalier, est également absurde et faux en philosophie et du moins théologiquement erroné en la Foi.
Toutefois, attendu que ce Tribunal voulait te traiter de façon bénigne à ce moment…
Maculano, lisant la sentence à haute voix, entreprit ici de décrire comment Paul V avait utilisé l’injonction de Bellarmino pour l’avertir, et aussi pour promulguer un décret interdisant la publication de tout livre sur la question. Puis :
Toutefois il a naguère paru un livre imprimé à Florence sous ton nom, intitulé Dialogue des Deux systèmes du monde de Ptolémée et de Copernic, ledit livre fut examiné avec diligence et il fut trouvé qu’il violait explicitement l’injonction ci-dessus mentionnée qui t’avait été faite ; car dans ce livre tu défendais ladite opinion déjà condamnée, même si tu essayais par le moyen de divers subterfuges de donner l’impression de la laisser non décidée et qualifiée de probable ; c’est encore une très grave erreur, puisqu’on ne peut ni soutenir ni défendre comme probable une opinion déclarée et définie comme contraire à la Sainte Écriture.
Et donc, par notre ordre, tu as été convoqué devant ce Saint-Office.
Le jugement se poursuivait par une description assez détaillée du procès et s’achevait par une réfutation sèche de tous les arguments de Galilée, y compris la valeur du certificat signé de Bellarmino.
Ledit certificat que tu as produit pour ta défense aggrave encore ton cas puisque, bien qu’il dise que ladite opinion est contraire à la Sainte Écriture, tu as osé la discuter, la défendre et la montrer comme probable ; qui plus est, ce certificat, tu l’as extorqué par ruse et habileté, puisque tu n’as pas mentionné l’injonction sous laquelle tu te trouvais.
Parce que nous ne pensons pas que tu aies dit toute la vérité en ce qui concerne tes intentions, nous avons jugé nécessaire de procéder à ton encontre à un examen rigoureux. Ici, tu as répondu d’une façon catholique, bien que sans défense adéquate concernant les affaires ci-dessus mentionnées reconnues par toi et déduites à ton encontre concernant tes intentions. C’est pourquoi, ayant solennellement considéré les mérites de ton cas, ainsi que les confessions et excuses ci-dessus mentionnées, ainsi que toutes les questions raisonnables dignes d’être considérées, nous sommes arrivés à la sentence finale à ton encontre :
Nous disons, prononçons, statuons et déclarons que toi, susdit Galilée, en raison des matières détaillées au procès et par toi déjà confessées, tu t’es rendu véhémentement suspect d’hérésie devant le Saint-Office.
C’étaient des termes techniques, une catégorie spécifique. Les catégories allaient de « léger soupçon d’hérésie » à « suspicion véhémente d’hérésie », puis à « violente suspicion d’hérésie », puis à « hérésie », puis à « hérésiarchie », qui désignait celui qui était convaincu non seulement d’hérésie mais aussi d’incitation à l’hérésie.
Après une brève interruption pour que Galilée et tous les présents intègrent les termes importants, Maculano poursuivit :
Conséquemment, tu as encouru toutes les censures et peines des canons sacrés, desquelles néanmoins nous te délions, pourvu que dès maintenant, avec un cœur sincère et une foi non feinte, tu abjures, maudisses et détestes devant nous les susdites erreurs et hérésies, de la manière et sous la forme à toi prescrites.
Et toutefois, afin que ta grande faute ne demeure tout à fait impunie, que tu sois plus retenu à l’avenir, et serves d’exemple aux autres afin qu’ils s’abstiennent de crimes similaires, nous ordonnons que les Dialogues susdits seront prohibés par Édit public.
Nous te condamnons à l’emprisonnement formel dans les prisons dudit Saint-Office, à notre arbitre. Et pour pénitence salutaire, t’enjoignons de dire trois ans durant une fois la semaine les sept Psaumes Pénitentiaux ; nous réservant la faculté de modérer, commuer ou lever en tout ou en partie les susdites peines et pénitences.
C’est ainsi que nous disons, prononçons, statuons, déclarons, ordonnons et réservons, de la sorte ou selon toute autre meilleure manière ou forme à laquelle nous pouvons ou pourrons raisonnablement penser.
Nous, cardinaux soussignés, avons ainsi prononcé :
Felice cardinal d’Ascoli