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Il ne m’a toujours pas adressé la parole. Pourtant, il s’est passé quelque chose de bizarre : la semaine dernière, en cours d’histoire, j’ai vu qu’il me regardait. On était assis à quelques tables l’un de l’autre, et lui, complètement tourné vers moi, me fixait avec insistance. Ça m’a presque foutu la trouille : mon cœur battait super fort. On est restés comme ça quelques secondes, et puis Il a finalement détourné les yeux. Mais c’est arrivé à deux autres reprises : à chaque fois, j’ai senti son regard sur moi avant même de lever la tête… C’est peut-être bizarre, mais c’est la pure vérité.

En fait, il n’a rien à voir avec les autres garçons. Il est très solitaire. Même s’il a pas mal de succès dans l’équipe de foot, il ne traîne jamais avec les autres joueurs en dehors des matchs, sauf un peu avec Matt. C’est d’ailleurs le seul à qui il parle. Apparemment, il ne discute avec aucune fille non plus, ce qui me laisse penser que la rumeur qu’on a fait courir a porté ses fruits… Mais je suis pratiquement sûre que c’est lui qui évite les gens, pas le contraire, parce qu’il disparaît toujours très vite après les cours, et, en plus, je ne l’ai jamais vu à la cantine, ni à la cafét’… Et il n’a jamais invité personne chez lui, apparemment.

Tout ça m’empêche de me retrouver seule en sa compagnie sans qu’il trouve un prétexte pour s’enfuir. Bonnie me conseille de me laisser surprendre par un orage avec lui comme ça, on serait obligés de se serrer l’un contre l’autre pour se tenir chaud… Meredith pense qu’il vaudrait mieux simuler une panne de voiture juste devant chez lui… Mais je ne trouve pas ces deux idées terribles. Et j’en ai assez de me torturer les méninges à essayer de trouver une meilleure option. J’ai vraiment l’impression d’être une Cocotte-Minute sur le point d’exploser… Et, si je ne trouve pas bientôt quelque chose, je crois que je vais… J’allais presque écrire « en crever ».

Pourtant, elle trouva la solution du jour au lendemain, et le plus simplement du monde. Tout arriva grâce à Matt.

C’est vrai qu’elle était navrée pour lui : la rumeur qu’elle avait lancée concernant ce Jean-Claude ne lui avait apparemment pas plu. La preuve, c’est qu’il ne lui avait pratiquement pas adressé la parole depuis, se contentant d’un bref « salut » dans les couloirs. Un jour, elle le heurta malencontreusement. Il évita son regard.

— Matt… , commença-t-elle.

Elle aurait voulu lui expliquer que toute cette histoire était fausse : elle ne serait jamais sortie avec quelqu’un d’autre sans avoir d’abord mis fin à leur relation. Elle comptait lui dire aussi qu’elle n’était pas fière de son mensonge. Mais elle n’arriva pas à trouver ses mots. Finalement, elle balbutia un « Je suis désolée », et se dirigea vers sa classe.

— Elena, dit-il enfin.

Elle se retourna. Cette fois, elle sentit ses yeux s’attarder sur ses cheveux, puis sur ses lèvres.

— Cette histoire de Français, c’est vrai ?

— Non, répondit-elle sans hésiter. Je l’ai inventée pour que tout le monde pense que je n’en ai rien à faire de…

— De Stefan, c’est ça ? Il eut l’air plus triste encore, mais, quelque part, il commençait à comprendre.

— Écoute, Elena. Je sais qu’il a pas été très sympa avec toi, mais tu ne dois pas mal le prendre : il est comme ça avec tout le monde.

— Sauf avec toi.

— C’est faux. D’accord, il me parle parfois, mais c’est toujours de la pluie et du beau temps. Il ne m’a jamais rien dit sur sa famille, ou sur ce qu’il fait après les cours. C’est comme s’il mettait une barrière entre nous, et je trouve ça vraiment triste, parce que, à mon avis, c’est pour cacher qu’il est malheureux.

Elena était très étonnée de ce qu’elle entendait : elle avait du mal à croire qu’il s’agissait du Stefan, si calme et si sûr de lui, qu’elle connaissait. Mais, après tout, c’était aussi l’image que la plupart des élèves se faisaient d’elle-même. Peut-être bien que, derrière son masque, Stefan était aussi désorienté qu’elle ! C’est alors que lui vint l’idée. Il n’y avait rien de plus simple : pas besoin de plan compliqué, ni d’orage ou de voiture en panne.

— Matt ? Tu ne crois pas que quelqu’un devrait essayer de faire tomber cette barrière ? Ce serait bien, non ? Je dire… pour Stefan.

Elle lui lança un regard interrogateur, espérant qu’il comprendrait le fond de sa pensée. Il la fixa un moment, puis ferma les yeux en secouant la tête.

— T’es vraiment incroyable, Elena. Je ne sais pas si tu te rends compte. Tu embobines les gens sans arrêt ! Je suis sûr que tu vas me demander de t’aider à avoir Stefan… et comme je suis trop gentil, je risque d’accepter.

— Tu n’es pas trop gentil, tu es un mec bien, c’est pas pareil ! Effectivement, je voudrais te demander un service. Mais je ne veux faire de mal à personne, ni à toi ni à Stefan.

— Ah, oui ?

— Je sais que c’est difficile à croire, après ce qui s’est passé, mais… c’est la vérité. Tout ce que je veux, c’est…

Elle s’interrompit. Comment expliquer à Matt ce qu’elle désirait, alors qu’elle-même n’en était pas très sûre ?

— Ce que tu veux, c’est que tout le monde tourne autour d’Elena Gilbert, dit Matt d’un ton amer. En fait, c’est tout simple : tu convoites ce que tu n’as pas encore.

Elle s’attendait tellement peu à cette réponse qu’elle eut un mouvement de recul. Sa gorge se serra.

— Arrête de me regarder comme ça, Elena… Bon, OK, je veux bien t’aider. Qu’est-ce que tu veux que je fasse ? Le déposer à ta porte tout ligoté ?

— Non, dit Elena, qui avait du mal à retenir ses larmes, j’aimerais que tu le persuades de venir à la soirée du lycée, la semaine prochaine.

— C’est tout ? demanda-t-il d’un air indéfinissable.

Devant le signe de tête approbateur d’Elena, il reprit :

— OK ! Je suis sûr qu’il dira oui. Au fait, Elena, tu veux bien m’accompagner à ce bal ? Il n’y a qu’avec toi que j’ai envie d’y aller…

— D’accord. Et puis… merci !

— De rien… Tu sais… c’est vraiment pas grand-chose, murmura-t-il en arborant le même air impénétrable.

— Arrête de bouger, dit Meredith à Elena en lui tirant les cheveux de façon réprobatrice.

— Moi, je reste sur mon idée : ils sont aussi géniaux l’un que l’autre, dit Bonnie, assise sur le bord de la fenêtre.

— Qui ça ? demanda Elena d’un air absent.

— C’est ça, fait l’innocente ! Tes deux princes charmants qui ont réussi à remporter le match deux minutes avant la fin, alors que plus personne n’y croyait… Quand Stefan a récupéré cette dernière passe, j’ai cru que j’allais tomber dans les pommes… et même vomir…

— Arrête tes horreurs ! soupira Meredith.

— Quant à Matt… Ce mec, c’est la poésie à l’état pur…

— Et dire qu’aucun n’est à moi… , conclut Elena.

Entre les mains expertes de Meredith, ses cheveux étaient en train de devenir une véritable œuvre d’art, tout en volutes dorées. Et sa robe était magnifique. Le violet profond du tissu faisait ressortir celui de ses yeux. Mais, en se regardant dans le miroir, elle se trouva l’air déterminé et froid d’un soldat qu’on envoie au front, alors qu’elle aurait voulu y voir une jeune fille aux joues rosies par l’excitation.

La veille, à l’issue du match, elle avait reçu le titre de reine du lycée, comme elle s’y attendait. Le plus important, c’était que cette distinction lui donnait le droit de danser avec lui. Il ne pouvait pas se dérober.