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— Elle n’avait aucune autre marque ? Demanda soudain Stefan.

Elena le regarda, surprise par le ton froid qu’il employait.

— Non, répondit Meredith. Évidemment, un animal n’aurait pas pu lui enlever sa robe, mais Dick, oui Ah, et elle avait la langue mordue, aussi.

— Quoi ? s’étonna Elena.

— Salement mordue, même. Elle a perdu beaucoup de sang, et elle a du mal à parler.

À côté d’Elena, Stefan s’était figé.

— Est-ce qu’elle sait ce qui est arrivé ? questionna-t-il.

— Elle est devenue complètement hystérique, reprit Matt On aurait dit une folle, elle racontait n’importe quoi : pendant tout le voyage, elle n’a pas arrêté de faire allusion à des yeux, à du brouillard noir, et au fait qu’elle elle ne pouvait pas s’enfuir. C’est ce qui fait dire au médecin qu’elle a eu une hallucination. En tout cas, d’après ce qu’on a compris, Dick et elle se trouvaient dans l’église vers minuit quand quelque chose — ou quelqu’un — a surgi.

— Mais, Dick n’a pas été attaqué, ce qui prouve au moins que l’agresseur a du goût… , osa plaisanter Bonnie. La police l’a retrouvé endormi par terre, dans l’église ; il cuvait sa bière et il ne se souvient de rien.

Elena avait à peine écouté le discours de son amie, trop occupée à observer Stefan : il n’allait pas bien, c’était évident. Elle avait remarqué qu’il s’était raidi dès que Matt avait pris la parole, et surtout, elle sentait qu’un gouffre était en train de se creuser entre eux… Il paraissait tellement loin à présent !

Elle l’entendit s’adresser à Matt encore plus sèchement :

— Dans l’église, tu en es bien sûr, Matt ?

— Oui, dans l’église en ruine.

— Et tu es certain de l’avoir entendue dire qu’il était minuit ?

— Elle n’en était pas tout à fait sûre, mais ça s’est passé dans ces eaux-là, puisqu’on l’a retrouvée peu après. Pourquoi ?

Stefan ne répondit pas. Elena sentit le gouffre s’élargir entre eux.

— Stefan, murmura-t-elle, avant de répéter, plus fort : Stefan, qu’est-ce que t’as ?

« Ne me chasse pas déjà de ton esprit », pensa-t-elle. Mais il ne la voyait déjà plus.

— Est-ce qu’elle va s’en sortir ? demanda-t-il d’une voix glaciale.

— Le médecin a dit que ses jours n’étaient pas en danger. Elle s’en remettra.

Stefan hocha la tête, puis se tourna vers Elena.

— Je dois rentrer. Tu es en sécurité maintenant.

Comme il se tournait vers la sortie, elle lui prît la main.

— Bien sûr. Grâce à toi…

— Oui.

Mais déjà, son regard était redevenu lointain.

— Tu m’appelles demain, d’accord ? dit-elle.

Elle lui serra fortement la main, en espérant faite passer discrètement dans cette pression l’intensité de ses sentiments. Il resta d’abord sans réaction, puis lentement, leva son regard vers le sien. Enfin, il lui répondit par une étreinte identique.

— D’accord, Elena, murmura-t-il avant de s’en aller. Elle eut un soupir, puis se tourna vers les autres. Tante Judith n’avait pas cessé d’arpenter la pièce, les yeux fixés sur la robe déchirée qu’elle apercevait sous la cape noire.

— Elena, dit-elle enfin. Que s’est-il passé ?

Elle appuya sa question d’un regard vers la porte que venait de franchir le jeune homme. Elena eut toutes les peines à retenir un rire nerveux.

Stefan ne m’a rien fait ! Au contraire, il m’a sauvé adressant au policier qui se trouvait derrière elle ajouta :

— C’est Tyler qui m’a agressée. Tyler Smallwood.

9.

Elle n’était pas la réincarnation de Katherine. Stefan était arrivé à cette conclusion sur le chemin du retour, dans le calme qui précède l’aube.

Cette certitude avait mis des semaines à s’imposer, à force d’observation. Il avait examiné chaque mouvement d’Elena, chaque détail de sa personne, pour en noter les différences : ses cheveux étaient un peu plus clairs que ceux de Katherine, et ses sourcils légèrement plus foncés — ceux de la Florentine étaient presque argentés.

Surtout, elle la dépassait d’au moins une tête ; elle se déplaçait avec plus de naturel aussi ; d’ailleurs, les filles de cette époque étaient plus à l’aise avec leur corps. Même ses yeux, à la ressemblance frappante, n’avaient pas la même expression. Ceux de Katherine étaient remplis d’un émerveillement enfantin, quand ils n’étaient pas chastement baissés comme ceux d’une jeune fille qui convenait de son siècle. Au contraire, le regard d’Elena plongeait droit dans celui de son interlocuteur, sans ciller ; parfois même, la détermination ou le défi les faisaient briller d’une lueur farouche. La grâce et la beauté des deux jeunes se valaient Mais Katherine était un chaton blanc, Elena une tigresse des neiges.

Tout à coup, un souvenir s’imposa dans son esprit Il avait beau essayer de s’y soustraire, les images défilaient avec autant de clarté que devant un livre ouvert : il n’avait pas d’autre choix que de lire la page sous ses yeux.

Katherine était tout de blanc vêtue ce jour-là. Elle portait une robe en soie de Venise dont les manches fendues laissaient entrevoir la finesse de la chemise. Un collier d’or et de perles brillait à son cou, et de ravissantes petites boucles assorties pendaient à ses oreilles. Elle était tellement contente de la nouvelle robe commandée par son père qu’elle ne cessait de tournoyer autour de Stefan pour qu’il en admire la légèreté.

— Regarde, elle est même brodée à mes initiales ! C’est papa qui l’a fait faire. Papa…

Elle s’arrêta net.

— Qu’est-ce qui se passe, Stefan ? Tu n’as pas l’air content.

Il ne parvint même pas à sourire : la silhouette évanescente, dans sa robe légère, lui faisait penser à quelque papillon éphémère, susceptible de disparaître un jour. Il ne pouvait imaginer vivre sans elle.

Sa main se referma convulsivement sur le manche de sa dague gravée.

— Katherine, comment pourrais-je être heureux quand…

— Quand ?…

— Quand tu regardes Damon de cette façon ?

Il avait enfin dit ce qu’il avait sur le cœur. Il poursuivit péniblement :

— Avant son retour, nous passions tout notre temps ensemble. Mon père et le tien faisaient des projets de mariage. Mais maintenant que l’été s’en va et que les jours raccourcissent, tu passes autant de temps avec Démon qu’avec moi. Si mon père le tolère ici, c’est uniquement à ta demande. Pourquoi as-tu souhaité une pareille chose ? Je pensais que tu tenais à moi.

Le désarroi assombrit les yeux bleus de Katherine.

— Mais je tiens à toi Stefan, tu le sais bien.

— Alors, pourquoi avoir intercédé en faveur de Démon auprès de mon père ? Sans toi, il aurait été renvoyé…

— Ce qui t’aurait fait grand plaisir, petit frère.

La voix calme et arrogante de Démon lui fit tourner la tête. Ses yeux dardés sur lui étincelaient de colère.

— Non, ce n’est pas vrai, dit Catherine. Stefan ne te veut pas de mal.

Damon, grimaçant un sourire, jeta un regard désabusé à Stefan avant de s’approcher de Katherine.

— Mon frère a pour une fois raison sur un point. Les jours sont plus courts, et bientôt, ton père voudra quitter Florence. Et tu partiras avec lui… à moins d’avoir une raison de rester.

À moins d’avoir un mari auprès de qui rester. C’était une telle évidence qu’aucun des trois n’avait eu besoin de le dire. Le baron aimait trop sa fille pour la marier contre son gré : Katherine seule choisirait son époux.