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Maintenant que le sujet était abordé, Stefan ne pouvais plus se taire.

— De toute façon, Katherine sait très bien qu’elle devra abandonner son père un jour ou l’autre, et son mariage n’a rien à voir là-dedans…

Damon ne parut pas surpris de cette déclaration.

— Oui, bien sûr, avant que le brave homme ne commence à avoir des soupçons… Car même le plus aimant des pères finirait par se poser des questions en ne voyant sa fille que le soir venu.

À ces mots, Stefan fut anéanti de colère et de douleur. Ses doutes avaient disparu : Damon savait Katherine avait partagé son secret avec lui.

— Pourquoi t’es-tu confiée à lui, Katherine ? Tu ne vois donc pas qu’il ne recherche que son propre intérêt ? Comment pourrait-il te rendre heureuse alors qu’il ne pense qu’à lui ?

— Et comment ce gamin y parviendrait alors qu’il ne connaît rien du monde qui l’entoure ? rétorqua Damon d’un ton méprisant. Comment te protégerait-il quand il n’a jamais affronté la réalité ? Qu’il reste donc parmi ses livres et ses tableaux ! Tu n’as pas besoin de lui.

Katherine avait l’air désespéré.

— Vous n’avez rien compris ni l’un ni l’autre. Vous pensez que je peux m’établir ici et me marier, comme n’importe quelle dame de Florence… Mais cette perspective est tout simplement impossible : comment tiendrais-je une maison avec des serviteurs pour épier le moindre de mes gestes ? Ils se rendraient compte de mon éternelle jeunesse ! Je ne pourrai jamais avoir une existence normale.

Elle inspira profondément, regarda les deux frères l’un après l’autre avant de reprendre :

— Celui qui choisira d’être mon époux devra renoncer à la lumière du jour. Il vivra dans l’obscurité, avec la lune pour seule clarté.

— Dans ce cas, tu dois choisir un homme qui n’a pas peur des ténèbres.

Damon s’était exprimé avec une intensité qui avait surpris Stefan : c’était la première fois qu’il entendait son frère parler d’un ton si franc, dénué de toute affectation.

— Katherine, reprit-il. Réfléchis bien : crois-tu que Stefan pourrait abandonner sa vie actuelle ? Il est trop attaché à ses amis, à sa famille, et à sa fonction à Florence. Ça le détruirait…

— C’est faux ! s’écria Stefan. Je suis aussi fort que toi : je n’ai peur de rien, le jour comme la nuit. Et j’aime Katherine plus que ma famille et mes amis…

— Tu l’aimes suffisamment pour renoncer à tout ?

— Oui !

Damon affichait un de ces petits sourires en coin qui mettaient ses interlocuteurs mal à l’aise. Il se tourna vers Katherine :

— C’est donc à toi seule que revient le choix : deux prétendants sont disposés à t’épouser ; prendras-tu l’un de nous pour époux ?

Katherine parut réfléchir un instant, puis leva les yeux vers eux :

— Laissez-moi jusqu’à dimanche pour prendre une décision. En attendant, promettez-moi de ne plus en reparler.

— Et dimanche ?

— Dimanche soir, au crépuscule, mon choix sera fait.

Perdu dans ses pensées, Stefan eut l’impression d’être submergé tout entier par le violet profond du crépuscule. Mais lorsqu’il ouvrit les yeux, les premières lueurs de l’aube coloraient le ciel de tons pastels. Il avait atteint l’orée de la forêt sans s’en rendre compte. Non loin de là, il vit se dessiner les silhouettes du pont Wickery et du cimetière : les terribles événements de la nuit lui revinrent en mémoire.

Il avait dit à Damon qu’il était prêt à renoncer à tout pour Katherine, et il n’avait pas manqué à sa parole. Pour elle, il était devenu une créature de la nuit, un prédateur condamné à être traqué continuellement, et à voler le sang des autres. Peut-être même un assassin…

Pourtant non… Ils avaient dit que la fille allait s’en sortir. Mais sa prochaine victime ? Il se rappelait juste l’extrême faiblesse qui l’avait envahi en même temps qu’une soif irrésistible. Ses souvenirs s’arrêtaient après le clocher de l’église qu’il avait franchi en titubant. Ensuite, rien… Lorsqu’il était revenu à lui, il était dehors, l’appel au secours d’Elena résonnant à ses oreilles : il s’était précipité sans plus réfléchir.

L’image de la jeune fille lui apporta une vague de joie si profonde qu’il en oublia tout le reste : il ne pouvait s’empêcher d’admirer cette jeune fille si douce et si forte qui lui faisait penser à un feu couvant sous la glace… ou bien à une dague en argent, dont le tranchant disparaissait presque sous la beauté.

Mais il n’avait pas le droit de l’aimer : ses sentiments pouvaient la mettre en danger, car elle serait exposée à ses pulsions ; il avait peur qu’un jour ses yeux de prédateur la considèrent comme une source de sang chaud susceptible de le rassasier. « Plutôt mourir que de lui faire du mal », se dit-il. Et il se jura de ne jamais lui révéler son secret : elle ne devait pas renoncer à la lumière pour lui.

Le jour était en train de se lever. Il avait tant besoin d’aide ! Si seulement un de ses semblables pouvait lui donner le remède à ses pulsions… Mais c’est en vain qu’il sonda le cimetière à la recherche d’une âme secourable. Tout resta silencieux.

Lorsque Elena ouvrit les yeux, les rayons du soleil filtraient à travers les rideaux de sa chambre : elle devina, d’après leur inclinaison, qu’il était très tard. Elle avait l’impression d’être en convalescence, ou bien le matin de Noël. Elle s’assit sur son lit, et poussa un cri de douleur.

Elle avait mal partout… Mais elle s’en fichait complètement ! Tout ce qui comptait, c’était qu’elle aimait Stefan, et que Stefan l’aimait. Même cet ivrogne de Tyler n’avait plus d’importance.

Elle descendit dans le salon en chemise de nuit pour y retrouver Judith et Margaret.

— Bonjour, dit-elle en embrassant longuement sa tante, qui fut surprise d’une telle effusion.

— Salut, p’tite citrouille, s’exclama-t-elle ensuite en prenant sa sœur dans les bras.

Elle entama avec elle une joyeuse danse autour de la pièce.

— Oh ! Bonjour, Robert.

Elle reposa brusquement Margaret, gênée de sa tenue et du spectacle qu’elle offrait Elle s’éclipsa dans la cuisine, où sa tante la rejoignit, souriante mais les yeux cernés.

— Tu as l’air de bonne humeur, ce matin ! constata Judith.

— Oui, je suis d’excellente humeur !

Et Elena l’embrassa de nouveau, prise de remords devant son visage fatigué trahissant les heures d’inquiétude qu’elle lui avait causées.

— Tu sais qu’il faut que tu ailles au commissariat porter plainte contre Tyler ?

— D’accord, mais je voudrais d’abord voir Vickie. Elle doit se sentir très mal, d’autant plus que personne ne veut la croire.

— Et toi, tu penses qu’elle dit vrai ?

— Oui elle hésita un moment avant de poursuivre. )

— Tu sais tante Judith, il m’est arrivé quelque chose quand j’étais dans l’église. J’ai cru que…

— Elena ! Bonnie et Meredith sont là ! lança Robert depuis l’entrée.

— Ben … Dis-leur de venir dam la cuisine, répondit Elena. Je te raconterai plus tard, ajouta-t-elle à l’intention de sa tante.

Lorsque Bonnie et Meredith apparurent dans l’encadrement de la porte, elles arboraient un air froid, qui mit aussitôt Elena mal à l’aise. Quand sa tante Judith quitta la pièce, elle se racla la gorge en se perdant dans la contemplation du linoléum. En risquant un œil vers ses juges, elle s’aperçut qu’elles en fixaient le même défaut. Elle éclata de rire, et Meredith et Bonnie levèrent leurs yeux à leur tour.