— Ça ne t’empêche pas de me prendre contre toi, dit-elle.
C’était incroyable qu’après ce moment d’intense passion, elle soit si apaisée dans ses bras. Elle avait enfoui son visage dans le creux de son épaule. Il je t’aime, murmura-t-elle, profondément émue.
— Elena… , gémit-il.
— Il n’y a pas de mal à ça… Et toi, tu m’aimes ?
— Je…
Il la regardait, désemparé, lorsque la voix de Mme Flowers retentit :
— Stefan, mon garçon ! Stefan !
On aurait dit qu’elle tapait du pied sur la rampe. Stefan soupira.
— Je ferais mieux d’aller voir.
Et il s’éclipsa, le visage de nouveau impénétrable. Restée seule, Elena se rendit compte qu’elle était transie de froid. « Il devrait faire du feu », pensa-t-elle. Elle se mit alors à examiner les détails de la pièce, et son regard s’arrêta sur le petit coffret qu’elle avait remarqué la veille, sur la commode en acajou. Elle jeta un œil à la porte fermée. Il pouvait remonter à tout moment et la surprendre… Et puis ça ne se faisait pas, de fouiller dans les affaires des autres. « Pense aux femmes de Barbe-Bleue, se dit-elle. Leur curiosité les a tuées. » Mais elle avait déjà la main sur le couvercle. Le cœur battant, elle l’ouvrit.
Dans la pénombre, à première vue, la boîte lui parut vide. Elle laissa échapper un petit rire nerveux. « Je suis bête ! pensa-t-elle. À quoi je m’attendais ? À des lettres d’amour de Caroline ? Ou à une dague ensanglantée, pendant qu’on y est ! » C’est alors qu’elle vit le ruban de soie, soigneusement plié dans un coin. Elle le fit glisser entre ses doigts. C’était celui qu’elle avait laissé dans le cimetière, le lendemain de la rentrée.
Elle était bouleversée. Il l’aimait donc depuis si longtemps ? « Oh, Stefan, je t’adore, pensa-t-elle. Ce n’est pas grave si tu n’arrives pas à me le dire. »
Elle entendit un bruit et remit précipitamment le ruban dans le coffret. « Je ne t’en veux pas, continua-t-elle. Je le dirai pour nous deux ! Et, un jour, tu verras, toi aussi tu goûteras au bonheur de prononcer ces mots-là… »
10.
7 octobre, vers 8 heures
J’écris pendant le cours de maths, j’espère que Mme Halpern ne me verra pas. Je voulais le faire hier soir ; mais je n’ai pas eu le temps. Il s’est passé tellement de choses incroyables, une nouvelle fois ! Encore aujourd’hui, j’ai l’impression d’avoir rêvé tout le week-end… et d’avoir carrément cauchemardé à certains moments.
J’ai décidé de ne pas porter plainte contre Tyler. De toute façon, il a été viré temporairement du lycée et de l’équipe de foot. Dick aussi, officiellement pour s’être soûlé à la soirée. À mon avis, c’est plutôt parce que tout le monde le tient responsable de ce qui est arrivé à Vickie. La sœur de Bonnie a vu Tyler à l’hôpital : il a deux coquards sur le visage cou. J’appréhende le jour où ils reviendront en cours, tous les deux. Ils ont de bonnes raisons d’en vouloir à Stefan, maintenant.
Stefan… En me réveillant ce matin, j’ai été prise de panique : et si je m’étais imaginé toute notre histoire ? Ou s’il avait changé d’avis ? Je n’ai rien pu avaler au petit déjeuner et j’ai bien vu que tante Judith s’inquiétait. Quand je suis arrivée au lycée, il était dans le couloir : on s’est regardés, et là, j’ai su, à son petit sourire, que je n’avais pas rêvé. Mais j’ai réalisé qu’il faut rester discrets devant les autres et se voir dans l’intimité, si on ne veut pas que notre passion provoque une émeute… Nous sortons ensemble, je n’ai plus aucun doute là-dessus. Maintenant, il faut que je trouve un moyen d’expliquer ça à Jean-Claude. Ha, ha, ha !
Ce que je ne comprends pas, c’est que Stefan a toujours l’air un peu triste. Pourtant, quand on est tous les deux, j’ai l’impression de savoir exactement ce qu’il éprouve : à quel point il me veut, et combien je compte pour lui. Quand il m’embrasse, je sens un désir presque désespéré en lui, comme s’il essayait de boire mon âme. C’est comme si.
7 octobre, vers 2 heures de l’après-midi
Bon, la pause a été forcée, vu que Mme Halpern m’a chopée. Elle a commencé à lire à haute voix, mais quand elle est arrivée à Stefan, elle est devenue rouge de colère, et elle s’est arrêtée en plein milieu. Mais moi, je suis trop heureuse pour m’occuper de trucs aussi débiles que la géométrie.
On a déjeuné ensemble, Stefan et moi, ou plutôt, on est allés s’asseoir dans un coin du terrain de foot. J’avais apporté un sandwich, mais pas lui ; de toute façon, on 0 rien avalé ni l’un ni l’autre. On était trop occupés à se parler, et à se regarder ; Mais il a évité de me toucher, même si on en mourrait d’envie tous les deux… C’est la première fois que je ressens une attirance aussi intense pour quelqu’un.
C’est ce genre de trucs que je ne comprends pas chez lui : pourquoi lutte-t-il contre ce désir alors que ses sentiments pour moi sont évidents. Le ruban orange que j’ai retrouvé dans sa chambre en est la preuve. Je ne lui en ai pas parlé parce qu’il doit vouloir garder ça pour lui.
J’en connais une autre qui est furieuse… Caroline ! Apparemment, elle essayait tous les jours d’attirer Stefan dans le labo photo. Ce matin, ne le voyant nulle part, elle est partie à sa recherche. Et elle a finit par nous trouver… Pauvre Stefan ! Il avait complètement oublié son existence : il était tout embarrassé devant elle… Lorsqu’elle est partie — soit dit en passant, elle devrait éviter de s’habiller en vert, ça ne lui va pas du tout —, il m’a raconté qu’elle n’avait pas arrêté de le coller depuis le début. Elle était venue le voir en lui disant : J’ai remarqué que tu ne déjeunes pas le midi. Vu que moi non plus, à cause de mon régime, on pourrait se tenir compagnie… » Il n’a pas vraiment balancé de méchancetés sur elle, sans doute à cause de ses bonnes manières de gentleman, mais Il m’a bien précisé n’y avait jamais rien eu entre eux. Je crois que Caroline a très mal digéré cette histoire ! Pour ma part, j’aurais préféré qu’on me chasse à coups de cailloux plutôt qu’on m’oublie…
Quand même, je me demande pourquoi il ne déjeune jamais. Pour un footballeur, c’est plutôt bizarre.
Houla, j’ai eu chaud ! Tanner s’étant dangereusement approché de moi, j’ai dû planquer mon journal sous mon bouquin. Bannie ricane derrière son livre d’histoire : je vois ses épaules bouger. Et Stefan, juste devant moi, a l’air aussi tendu qu’un chat s’apprêtant à bondir… Quant à Matt, il m’observe avec des airs de dire : « Non, mais, t’es devenue dingue ? », et Caroline rumine en me fixant d’un œil bovin. Moi, je regarde Tanner droit dans les yeux, de mon air innocent, sans cesser de noircir mon journal, ce qui expliquera pourquoi mon écriture est à peine lisible.
En fait, j’ai complètement changé depuis un mois : je n’arrive plus à me concentrer sur d’autres trucs que Stefan. Pourtant, j’ai plein de choses à faire : je suis par exemple chargée de la déco de la Maison Hantée pour Halloween, et je n’ai même pas commencé. Il ne me reste plus que trois semaines et demie pour le faire, mais je n’ai qu’une envie : passer du temps avec Stefan.
Je pourrais tout abandonner, évidemment, mais ça serait pas sympa pour Meredith et Bonnie. Et puis je repense tout le temps à ce que Matt m’a dit : « Ce que ¡g veux, c’est que tout le monde tourne autour d’Elena Gilbert. » Peut-être que, finalement, c’est la vérité… Dans ce cas, je vais tout faire pour changer : Maintenant, je dois être à la hauteur de Stefan. Je sais, ça a l’air débile d’écrire ça, mais c’est vrai : j’ai envie de le mériter. Lui ne laisserait pas tomber l’équipe de foot parce que ça m’arrange… Et moi, je souhaite qu’il soit fier de moi. Je veux qu’il m’aime autant que je l’aime.