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— Toi, tu es très beau, chuchota-t-elle. En effet, son costume et sa cape, qu’il portait avec aisance, étaient très élégants. À la surprise d’Elena, il avait accepté de se déguiser ; l’idée avait même semblé l’amuser.

— On y va ? demanda-t-il ?

Elena le suivit jusqu’à sa voiture, complètement refroidie : elle avait abandonné l’idée de le reconquérir un jour, lundis qu’ils roulaient vers le lycée, le tonnerre se mit à fonder, accompagné d’éclairs zébrant le ciel. L’air était surchargé d’électricité, et les nuages noirs et bas prêts à éclater. Ce temps sinistre, un peu surnaturel, était idéal pour la soirée d’Halloween, mais il ne faisait qu’accentuer le pressentiment désagréable d’Elena. Le dîner muet chez Bonnie lui avait fait perdre toute envie d’être de nouveau confrontée à une situation anormale.

Cela lui fit songer qu’elle n’avait toujours pas retrouvé son journal intime, malgré les recherches entreprises avec Bonnie et Meredith. L’idée qu’un inconnu lise ses pensées les plus intimes la révulsait. Car il était bien évident que son journal avait été volé, ce qui n’était pas étonnant étant donné les nombreuses allées et venues ce soir-là. N’importe qui avait pu s’introduire dans la maison. … Elena avait des idées de meurtre à rencontre du voleur. D’ailleurs, elle ne pouvait s’empêcher de penser à cet inconnu à qui elle avait failli céder une nouvelle fois .C’était sûrement lui.

En descendant de la voiture, elle tenta de chasser ses préoccupations. À l’intérieur du gymnase, tous s’affairaient à régler les derniers détails avant l’arrivée des visiteurs. Dès qu’Elena entra, un petit groupe vint à sa rencontre : elle réalisa avec un léger frisson qu’elle ne reconnaissait pas la moitié d’entre eux. Il y avait là plusieurs zombies dont la chair à vif laissait voir les mâchoires grimaçantes ; un bossu horriblement déformé avait rampé dans sa direction, accompagné d’un cadavre ambulant, d’un loup-garou au museau ensanglanté et d’une sorcière à l’allure sinistre. Tous venaient lui rapporter les problèmes qui avaient surgi depuis le début des préparatifs. Elena se tourna d’abord vers la sorcière, dont le dos de la robe moulante disparaissait sous une masse de cheveux noirs.

— Qu’est-ce qu’il y a, Meredith ?

— Lyman est malade : quelqu’un s’est arrangé pour le faire remplacer par Tanner…

— Quoi ? ? s’écria Elena, scandalisée.

— Oui, et il a déjà fait des histoires. Bonnie est en train de péter les plombs… Tu ferais mieux de venir voir.

Elena la suivit dans le dédale des pièces de la Maison Hantée. Elles traversèrent la Salle de Torture, lugubre à souhait, puis la Salle du Tueur Fou, qui, d’après elle, était bien trop réussie : même en pleine lumière, elle lui donnait des sueurs froides. Elles parvinrent enfin à la Salle de la Druidesse, à l’extrémité du gymnase. Les monolithes en carton qui la décoraient étaient d’un bel effet, mais la jolie prêtresse en aube blanche, une couronne de laurier sur la tête, semblait au bord de la crise de nerfs.

— Il n’y a pas à discuter, vous devez avoir du sang partout… Ça fait partie de la scène.

— Je veux bien encore porter cette espèce de chemise de nuit, toute ridicule qu’elle est, mais m’asperger de sauce tomate, ah, ça, non !

— Mais c’est juste sur le vêtement qu’il faut en mettre, pas sur vous ! C’est parce que je vous sacrifie, ajouta-t-elle dans l’espoir de le convaincre.

— De toute façon, j’ai quelques doutes sur la véracité de telles pratiques. Contrairement à ce que tout le monde dit, les druides ne sont pas contemporains des monolithes. Le site de Stonehenge, que vous essayez pitoyablement de recréer ici, remonte aux peuples de l’âge du bronze, qui…

— Monsieur Tanner, interrompit Elena. Ce n’est pas la question.

— Pour vous, non, bien sûr. C’est d’ailleurs pour cette raison que vous et votre camarade névrosée êtes si peu douées pour l’histoire.

— Ce commentaire est totalement déplacé, objecta une voix.

— Monsieur Salvatore, soupira M. Tanner à l’intention de Stefan, apparu derrière Elena. Avez-vous d’autres remarques du même genre ou préférez-vous tout de suite me coller un œil au beurre noir ?

Il toisa le jeune homme, calme et immobile dans son beau costume. En les voyant tous les deux face à face Elena réalisa pour la première fois que M. Tanner n’était pas beaucoup plus vieux qu’eux. Il faisait plus âgé, à cause de sa calvitie précoce, mais sans doute n’avait-il que vingt-cinq ou vingt-six ans. Elle se souvint alors du costume mal coupé qu’il portait lors de la soirée de la rentrée : il n’avait peut-être pas eu les moyens, à leur âge, d’aller aux soirées d’Halloween.

Elle éprouva soudain de la sympathie pour lui.

D’ailleurs, Stefan avait peut-être eu la même pensée, car, bien que nez à nez avec le petit homme, il répondit calmement :

— Pas du tout. Je pense juste que cette histoire prend des proportions exagérées… Pourquoi ne pas…

Le reste de ses paroles se perdirent dans un murmure inaudible, mais Stefan semblait s’exprimer posément, et Tanner l’écoutait attentivement. Elena s’adressa aux fantômes, au loup-garou, au gorille et au bossu regroupés autour d’eux.

— C’est bon, tout va bien ! Il n’y a plus rien à voir !

Ils se dispersèrent, et Elena tourna de nouveau les yeux vers la nuque de Stefan. Il semblait maîtriser la situation.

Ce spectacle lui rappela la scène où, le jour de la rentrée, elle avait vu le jeune homme s’expliquer avec Mme Clarke. La secrétaire avait eu une étrange expression. Elle constata justement que M. Tanner prenait un air hébété.

— Allez, viens, dit-elle à Bonnie.

Elles passèrent par la Salle des Aliens, puis par celle Morts Vivants en se faufilant entre les cloisons, et arrivèrent dans la première pièce, où les visiteurs avaient être accueillis par un loup-garou. Celui-ci avait sa tête et discutait avec deux momies et une princesse égyptienne.

Elena fut forcée d’admettre que Caroline incarnait parfaitement Cléopâtre dans son fourreau de lin. Matt, le loup-garou, avait d’ailleurs du mal à détacher son regard des courbes de son corps bronzé.

— Alors, tout va bien, ici ? demanda Elena avec un enthousiasme un peu forcé.

Matt sursauta. Elena l’avait à peine revu depuis la fameuse soirée, et elle avait remarqué qu’il ne parlait quasiment plus à Stefan.

— Oui, ça va, répondit-il, mal à l’aise.

Quand Stefan en aura fini avec Tanner, je peux vous l’envoyer ici ? Il vous aidera à faire entrer les gens.

Malgré le haussement d’épaules traduisant son indifférence, Matt ne cacha pas sa surprise :

— Comment ça, quand il en aura fini avec Tanner ?

Elle le regarda, interloquée : elle aurait juré que c’était lui le loup-garou qu’elle avait vu, tout à l’heure, dans la Salle de la Druidesse. Néanmoins, elle lui expliqua ce qui s’était passé.

Dehors, un coup de tonnerre éclata.

— J’espère qu’il ne va pas pleuvoir, dit Bonnie.

— Moi aussi, dit Caroline. Ce serait trooop dommage que personne ne vienne… Vous auriez fait tout ça pour rien…

Elena surprit une lueur de haine dans ses yeux de chat.

— Écoute, Caroline. Tu crois pas qu’on devrait arrêter cette stupide guerre et oublier toute cette histoire ?

Sous le cobra de son diadème, le regard de Caroline lança des éclairs.

— Je n’oublierai jamais, susurra-t-elle avant de tourner les talons.

Le froid qu’elle jeta plongea Bonnie et Matt dans la contemplation du sol. Elena se dirigea vers la porte d’entrée pour respirer un peu d’air frais. Dehors, le grincement sinistre des branches, dans les arbres, raviva son pressentiment. « S’il doit se passer quelque chose, c’est ce soir ou jamais », pensa-t-elle. Pourtant, elle n’avait aucune idée de la tournure que pourraient prendre les événements. Une voix s’éleva dans le gymnase :