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— Oui… je te crois.

— Tu veux vraiment tout savoir, et entendre comment je me suis métamorphosé ?

Elle acquiesça. Il se tourna de nouveau vers la fenêtre, un moment désemparé. Lui qui avait esquivé les questions depuis si longtemps était devenu un champion de la dissimulation… Il ne voyait qu’une seule façon de s’en sortir, c’était de lui dire toute la vérité. Au risque de la faire fuir.

Alors, le regard perdu au loin, il se lança dans son récit. Sans qu’aucune trace d’émotion ne perçut dans sa voix, il lui parla de son père, cet influent notable, de sa vie à Florence et dans leur domaine à la campagne. Il évoqua ses études et ses ambitions, puis il en vint à son monde différent de lui, et à leur mésentente.

— J’ignore à quel moment Damon s’est mis à me détester… Je crois qu’il m’a toujours haï, en fait, sans doute parce que notre mère, qu’il aimait par-dessus tout, ne s’est jamais remise de ma naissance. Elle est morte quelques années plus tard. J’ai toujours eu l’impression que Damon me tenait responsable de sa disparition. Et puis, ensuite, une jeune fille acheva malgré elle d’attiser la haine entre nous.

— Celle à qui je ressemble ? demanda doucement Elena.

Il répondit d’un hochement de tête.

— C’est elle qui t’a donné cette bague ?

Il regarda le bijou en argent à son doigt. Lentement, il tira la chaîne de son cou : un anneau identique y pendait.

— Oui, c’était la sienne. Ce talisman protège les gens de notre espèce contre la brûlure mortelle du soleil.

— Alors, elle était… comme toi ?

— C’est elle qui m’a fait devenir ce que je suis.

Il lui expliqua à quel point Katherine était belle et douce, combien il l’avait aimée… et comment Damon était devenu son rival.

— Elle était si délicate, si attentionnée… Elle avait tant d’amour à donner, qu’elle ne parvenait pas à choisir entre mon frère et moi. Jusqu’à cette nuit où elle est venue me rejoindre.

Tout le bonheur qu’il avait ressenti cette nuit-là avait resurgi : il avait duré jusqu’au matin, à tel point qu’y s’était pas inquiété de la disparition de Katherine, à réveil.

Les deux petites entailles à son cou lui prouvaient qu’il n’avait pas rêvé, même s’il n’éprouvait aucune douleur Elles étaient presque cicatrisées, curieusement. De toute façon, elles disparaîtraient sous le col de sa chemise.

L’idée que le sang de Katherine coulait dans ses veines, désormais, le faisait bondir de joie. Elle lui avait donné sa force. C’était lui qu’elle avait choisi !

Lorsqu’il retrouva Damon ce soir-là, à l’endroit du rendez-vous, son bonheur était si grand qu’il ne put s’empêcher de lui sourire. Son frère était arrivé juste à l’heure, bien que Stefan ne l’ait pas vu à la maison de toute la journée. Il réajustait tranquillement les plis de sa chemise, adossé à un arbre. Katherine était en retard.

— Elle est peut-être fatiguée, suggéra Stefan en contemplant le ciel orangé. Elle a sans doute eu besoin de se reposer plus que d’habitude…

Damon lui lança un regard perçant.

— Sans doute… , dit-il d’un ton énigmatique, comme s’il voulait laisser entendre à son frère qu’il en savait plus que lui.

Un pas léger leur annonça l’arrivée de Katherine. Elle apparut entre les haies taillées, en robe blanche, aussi belle qu’un ange. Elle leur adressa à tous les deux un sourire. Stefan le lui rendit d’un air entendu. Puis, il attendit.

— Vous m’avez demandé de choisir entre vous deux, dit-elle en les regardant l’un après l’autre. Me voici donc au rendez-vous.

Elle leva la main à laquelle elle portait sa bague, dont la couleur bleu nuit avait toujours fasciné Stefan.

— Vous connaissez cet anneau, dit-elle posément. Et vous savez que sans lui, je mourrais. De tels talismans sont très difficiles à fabriquer, mais heureusement Gudren a trouvé un joaillier compétent.

Stefan l’écoutait sans comprendre où elle voulait en venir. Pourtant, il était certain de la tournure que prendraient les événements Et, lorsqu’elle le regarda, il lui renvoya un sourire confiant.

— Donc, continua-t-elle en le fixant, j’ai fait faire quelque chose pour toi.

Elle lui prit la main et glissa un objet au creux de sa paume. C’était une bague identique à la sienne, mais plus grosse et plus lourde, non pas en or mais en argent.

— Il faudra bien que tu t’exposes aux rayons du soleil.

La fierté et le ravissement le laissèrent sans voix. Il aurait voulu baiser la main de Katherine, et la prendre dans ses bras… mais elle se détourna aussitôt.

— Et en voici une pour toi : toi aussi, tu en auras besoin.

Stefan pensa d’abord qu’il avait mal entendu : ces mots ne pouvaient pas être adressés à Damon, c’était impossible. Lorsqu’il vit briller dans la main de son frère un bijou similaire au sien, il crut être victime d’une hallucination.

Le silence qui suivit sembla durer une éternité, Stefan articula péniblement :

— Katherine… , Comment peux-tu lui donner cette bague ? Après ce que nous avons partagé…

La voix de Damon claqua comme un fouet :

— Ce que vous avez partagé ? C’est moi qu’elle est venue voir hier soir ! Son choix est fait !

Et pour appuyer son propos, il défit brusquement son col pour révéler deux petites marques sur sa gorge pareilles à celles que portait Stefan. Celui-ci les fixait sans un mot, luttant contre la nausée. Enfin, il secoua la tête, incrédule.

— Mais Katherine… Je n’ai pourtant pas rêvé… C’est moi que tu es venue rejoindre…

— Je suis venue vous voir tous les deux, dit Katherine d’une voix sereine. Cela m’a beaucoup affaiblie, mais je suis si contente de l’avoir fait… Vous ne comprenez donc pas ? continua-t-elle devant leurs regards stupéfaits. Voilà mon choix Je vous aime tous les deux, et je ne peux renoncer ni à l’un ni à l’autre. Désormais, plus rien ne nous séparera, et nous serons heureux ensemble pour l’éternité !

— Heureux ?

Stefan manqua s’étrangler en prononçant ces mots.

— Oui, heureux ! Nous serons trois compagnons qui ne souffriront d’aucun mal, ni de vieillesse, et cela jusqu’à la fin des temps !

Sa voix vibrait d’allégresse.

— Heureux… avec lui ? demanda Damon, que la fureur avait rendu livide. Avec ce crétin entre nous ? Ce ridicule modèle de vertu ? J’ai tout juste la force de supporter sa vue en ce moment. Je ne souhaite qu’une seule chose : le voir disparaître à tout jamais, et ne plus entendre sa maudite voix.

— C’est exactement ce que je veux te concernant ! lança Stefan de toute sa haine.

Il comprenait maintenant d’où venait la décision de Katherine : c’était Damon qui avait distillé son venin dans son esprit pour y semer la confusion.

— Et ce n’est pas l’envie qui me manque de te faire disparaître définitivement.

Damon le prit au mot.

— Dans ce cas, tire ton épée, si tu l’oses !

— Damon, Stefan, je vous en prie ! Non ! s’écria Katherine en retenant le bras de Stefan. Vous ne pouvez pas vous entretuer. Vous êtes frères !

— Hélas, je n’y suis pour rien, cracha Damon.

— Je vous en supplie… Damon… Stefan… Faites la paix… Pour moi…

Devant les larmes de désespoir que laissait couler Katherine, Stefan se sentit flancher, l’espace d’une seconde. Mais la fierté bafouée et la jalousie balayèrent cet instant d’hésitation. Son visage était aussi dur et fermé que celui de Damon.

— Non, déclara-t-il. C’est impossible. C’est lui ou moi, Katherine. Jamais je ne pourrai te partager.