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Cette fois, Bolzano trouva immédiatement une réponse : « Onze, quarante et un, éléphant volumineux. »

Le dernier mot lui échappa sans qu’il ait pu s’arrêter à temps. Il venait de se rendre compte que, logiquement, un éléphant est volumineux. Erreur fatale ? Le robot ne semblait rien avoir remarqué.

Il passa à la question suivante. Sa voix retentit, plus forte, plus sonore, les mots nettement détachés. « Quel est le pourcentage d’oxygène dans l’atmosphère de Muldonar VII ? »

— « Le faux témoin est toujours prompt à tirer l’épée. »

Le gardien fit entendre un étrange bourdonnement. Sans autre signe avertisseur, il roula sur d’énormes rails, ce qui le déplaça de deux mètres vers la gauche. La porte se trouvait libre, grande ouverte.

— « Tu peux entrer, » dit le robot.

Bolzano sentit son cœur bondir. Il avait gagné ! Le trésor était à lui !

Tous les autres avaient échoué, leurs ossements blanchissaient dans la plaine. Ils avaient essayé de répondre au gardien. Parfois ils tombaient juste, parfois à côté. Tous avaient trouvé la mort. Et Bolzano, lui, était sain et sauf.

Un vrai miracle. Hasard ? Habileté ? Un peu des deux, songeait-il. Il avait vu un homme donner dix-huit réponses justes et mourir. Ce n’était donc pas cela qui intéressait le robot. Que voulait-il, alors ? Le sens profond des choses. Leur interprétation. La vérité cachée.

Bolzano comprenait que des réponses faites au hasard pouvaient satisfaire à tout cela. Le fort en thème avait échoué là où triomphait le comédien. Il avait joué sa vie sur des inepties et l’enjeu lui revenait.

Il fit trois, quatre pas vacillants et se trouva dans la cache. Malgré la faible pesanteur, ses jambes étaient de plomb. Il tomba à genoux parmi les trésors.

Les films, les objectifs les plus puissants eux-mêmes n’avaient fait que donner un bien faible aperçu des splendeurs étalées sur le sol. Bolzano contempla avec une admiration qui était presque de l’extase un disque minuscule dont le diamètre n’excédait pas celui d’un œil humain. Des milliers de lignes s’y enroulaient et s’y déroulaient pour former des motifs sans cesse différents, d’une beauté incomparable. Un instant plus tard, il eut le souffle coupé et dut fermer les yeux quand son regard tomba sur une flèche de marbre étincelante qui présentait de mystérieux changements de plans. Ici, il voyait un scarabée sculpté dans une fragile substance cireuse, que supportait un socle en jade. Là-bas, c’était un monceau d’étoffe métallique où se jouaient des luminescences multiples. Et là… et derrière ce… et là encore…

Plusieurs voyages seraient nécessaires pour tout transporter jusqu’à l’astronef. Ne valait-il pas mieux amener celui-ci près du trésor ? Bolzano se demanda s’il ne perdrait pas le bénéfice de sa victoire en voulant à nouveau franchir la porte. Ne serait-il pas obligé de conquérir une seconde fois le droit de pénétrer dans la cache ? Et le robot accepterait-il ses réponses comme il venait de le faire ?

Il se décida finalement à courir le risque. Son esprit agile échafauda un plan. Il allait choisir une douzaine, non, deux douzaines d’objets parmi les plus beaux, autant qu’il en pourrait transporter sans risques, et il regagnerait l’astronef. Puis il viendrait se poser près de la porte. Si le gardien faisait des difficultés pour le laisser entrer, Bolzano partirait purement et simplement, emmenant le lot qu’il aurait déjà mis en lieu sûr. À quoi bon chercher le danger ? Quand il aurait vendu cette cargaison, il pourrait toujours revenir. Personne, certainement, ne volerait le trésor s’il devait l’abandonner.

Le tout était de faire un choix.

Bolzano, accroupi, fit un tri judicieux, rassemblant les objets qui étaient faciles à transporter et pour lesquels il aurait rapidement des acquéreurs. La flèche de marbre ? Trop lourde. Mais le disque aux lignes brillantes, oui, et le scarabée, bien sûr, et cette statuette de couleur mate, et ces camées représentant des scènes qu’aucun œil humain n’avait jamais vues. Et les coquillages, et les feuilles, et ceci encore…

Ses tempes battaient, son cœur cognait à coups sourds. Il se voyait parcourant l’univers. Il allait de planète en planète vendre ses richesses. Les collectionneurs, les musées, les gouvernements rivalisaient à qui obtiendrait la préférence. Pour chaque objet, il laissait monter les enchères jusqu’aux millions avant d’accepter. Naturellement, il se réservait quelques pièces, trois ou quatre, à titre de souvenirs.

Et un jour, blasé de sa fortune, il revenait sur la planète morte. Il affrontait de nouveau le gardien qui lui posait d’autres questions, et il répondait toutes sortes d’absurdités, démontrant ainsi qu’il possédait cette connaissance fondamentale : que le savoir a peu de valeur. Et le robot le laissait encore une fois pénétrer…

Bolzano se releva. Une à une, il ramassa ses merveilles et les mit dans le creux de ses bras. Doucement, s’ordonnait-il, tout doucement. Puis il fit demi-tour et franchit la porte.

Le gardien était resté sur place. Immobile. Il n’avait pas prêté la moindre attention à Bolzano pendant que ce dernier pillait le trésor. Le petit homme passa sans broncher près de lui.

Alors, le robot demanda : « Pourquoi as-tu pris ces choses ? Que veux-tu en faire ? »

Bolzano sourit. D’un ton négligent, il expliqua : « Parce qu’elles sont belles et parce que j’en ai besoin. Y a-t-il de meilleures raisons ? »

— « Non, » dit le robot et, dans son ventre, le panneau glissa.

Bolzano comprit – trop tard – que l’épreuve n’était pas encore terminée. Le gardien n’avait pas posé la question par simple curiosité. Et cette fois, l’homme avait répondu sérieusement, de façon logique.

Il cria. Il vit jaillir la lanière fulgurante.

La mort suivit instantanément.