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— Vous saviez tout cela lorsque vous m’avez écrit ?

— Tout, excepté leur titre de Lords de Zimroel.

— Pourquoi ce genre de nouvelles aurait-il atteint Suvrael ?

— Je vous ai dit, Votre Grâce, avoir quelque talent pour obtenir des renseignements.

— Apparemment, oui. Le Coronal lui-même, pour autant que je sache, ignore ce qui se passe dans cette partie de Zimroel.

— Mais lorsqu’il le découvrira… ?

— Eh bien, j’imagine que ce sera la guerre, répondit Mandralisca en se retournant pour être face au petit homme. Je suggère que nous parlions sans détour, maintenant. Ces Cinq Lords de Zimroel sont stupides et pervers. Je les méprise au plus haut point. Quand vous les connaîtrez, vous en ferez autant. Il y a cependant des millions de gens, ici à Zimroel, qui les considèrent comme les héritiers légitimes de Dantirya Sambail et suivront leur bannière, une fois que celle-ci sera déployée, dans une guerre d’indépendance contre le gouvernement d’Alhanroel. Que je crois que nous pouvons remporter, avec votre aide.

— J’en serais ravi. C’est Prestimion et ses gens qui ont détruit mon frère.

— Dans ce cas, vous aurez votre revanche. Dantirya Sambail a tenté par deux fois de renverser Prestimion, mais parce qu’il était déjà maître de Zimroel, il a essayé les deux fois de porter cette insurrection à Alhanroel. C’était une erreur. Le Coronal et le Pontife ne peuvent être battus sur leur propre territoire par des envahisseurs venus de Zimroel. Alhanroel est trop grande pour être conquise de l’extérieur, et les lignes d’approvisionnement ne peuvent être assurées sur des milliers de kilomètres. Mais l’inverse est également vrai. Aucune armée venue de l’autre continent ne pourrait jamais soumettre tout Zimroel.

— Vous comptez donc établir Zimroel en nation indépendante ?

— Pourquoi pas ? Pourquoi devrions-nous être assujettis à Alhanroel ? Quel avantage avons-nous à être gouvernés par un roi et un empereur qui vivent dans l’autre moitié du monde ? Je proclamerai l’un des cinq frères, le plus intelligent, Pontife de Zimroel. L’un des autres sera son Coronal. Et nous serons enfin libérés d’Alhanroel.

— Il existe un troisième continent, fit Barjazid. Avez-vous des projets en tête, concernant Suvrael ?

— Non, répondit Mandralisca.

La question le prit au dépourvu. Il prit conscience qu’il n’avait accordé aucune réflexion à Suvrael.

— Mais si elle souhaite l’indépendance, j’imagine que cela peut se régler assez facilement. Prestimion n’est pas assez fou pour vouloir envoyer une armée dans vos horribles déserts, et s’il le faisait, la chaleur les tuerait tous en six mois, de toute façon.

Une lueur avide apparut dans les yeux de Barjazid.

— Suvrael aurait alors son propre roi.

— Elle pourrait. Elle pourrait, en effet, dit-il comprenant brusquement où Barjazid voulait en venir, et un large sourire fendit son visage. Bravo, mon ami ! Bravo ! Vous venez de fixer le prix de votre assistance, n’est-ce pas ? Khaymak Premier de Suvrael ! Eh bien, qu’il en soit ainsi ! Je vous félicite, Votre Altesse !

— Je vous remercie, Votre Grâce, répondit Barjazid en lui adressant un chaleureux sourire de reconnaissance et de camaraderie. Un Pontife de Zimroel… un roi de Suvrael… Et dans quel rôle vous voyez-vous vous-même, comte Mandralisca, une fois que ces frères seront installés sur leurs trônes ?

— Moi ? Je serai leur conseiller privé, comme je le suis actuellement. Ils auront toujours besoin que quelqu’un leur dise quoi faire. Et c’est moi qui le ferai.

— Ah ! Oui, bien sûr.

— Nous nous comprenons, je pense.

— Je le crois, oui. Quelle est la prochaine étape ?

— Eh bien, il faut que vous nous fabriquiez vos machines démoniaques. Elles nous permettront de commencer à rendre la vie dure à Prestimion.

— Très bien. Je suggère d’établir un atelier immédiatement à Ni-moya, et…

— Non, intervint Mandralisca. Pas Ni-moya. C’est ici que vous accomplirez votre travail, Votre Altesse.

— Ici ? J’ai besoin d’un équipement particulier… de matériaux… d’ouvriers qualifiés, peut-être. Dans un avant-poste désert et lointain comme celui-ci, je ne peux vraiment…

— Vous pouvez et vous le ferez. Un homme de Suvrael tel que vous ne devrait pas avoir de problème à s’adapter aux conditions du désert. Nous vous apporterons tout ce dont vous aurez besoin de Ni-moya. Mais vous devez vous joindre à nous maintenant, mon ami. C’est votre foyer, désormais. C’est ici que vous allez habiter, vivre et travailler, jusqu’à ce que la guerre soit gagnée.

— On dirait à vous entendre que vous ne me faites pas confiance. Votre Grâce.

— Je ne fais confiance à personne, mon ami. Pas même à moi.

14

Dekkeret retourna au Château par le chemin le plus rapide, empruntant la Route de Grand Calintane, qui s’achevait sur la grande esplanade ouverte, carrelée de pavés de porcelaine ronds, lisses et verts, connue sous le nom de place Dizimaule. Son flotteur passa au-dessus de l’énorme constellation de carreaux dorés qui en occupait le centre et lui fit traverser la Grande Arche de Dizimaule, l’entrée principale du Château, la porte de l’aile sud. Les gardes stationnés devant le corps de garde, à gauche de l’arche, lui firent signe lorsqu’il passa, du salut bref et raide qui lui était familier.

Il y avait une atmosphère de tension à peine réprimée dans les couloirs du Château tandis qu’il y avançait. Les visages de ceux qui le saluaient à chaque point de contrôle étaient tirés et solennels ; les lèvres serrées, les yeux baissés.

— Vu leur air à tous, dit-il à Dinitak, il serait assez facile de croire que le Pontife est mort pendant le temps qu’il nous a fallu pour revenir de Normork.

— Je pense que vous le sauriez déjà, fit Dinitak.

— J’imagine, oui.

Oui. Ils l’auraient salué en tant que Coronal, non, si Confalume était mort ? Des gens s’agenouillant, formant le symbole de la constellation, criant la formule traditionnelle : « Dekkeret ! Lord Dekkeret ! Vive lord Dekkeret ! Longue vie à lord Dekkeret ! » Même s’il ne deviendrait pas réellement Coronal avant que le Conseil ne donne son assentiment, et que Prestimion l’annonce officiellement. Mais chacun savait qui serait le prochain Coronal. Lord Dekkeret. Cela lui paraissait si étrange ! Comme son esprit avait du mal à l’appréhender !

— C’est seulement un moment troublant pour tout le monde, déclara Dinitak. Ce doit être ainsi chaque fois qu’un changement de règne se prépare. Les vieux maîtres quittent le Château, de nouveaux arrivent ; rien ne sera plus pareil pour personne ici.

Ils étaient à présent au seuil du Château Intérieur. Les Quatre-Vingt-Dix-Neuf Marches se dressaient devant eux. Ils s’arrêtèrent. L’appartement de Dinitak se trouvait à ce niveau, loin, à gauche ; Dekkeret vivait au-dessus, dans la suite de la Tour Munnerak qu’avait occupée Prestimion.

— Je dois vous quitter ici, fit Dinitak. Vous allez devoir rencontrer le Conseil… et lady Varaile, aussi, j’imagine…

— Merci de m’avoir accompagné à Normork, dit Dekkeret. D’avoir assisté aux banquets et à tout le reste.

— Nul besoin de merci. J’irai où vous me direz d’aller.

Ils s’étreignirent rapidement, et Dinitak partit.

Dekkeret gravit deux par deux les marches usées de l’antique escalier. Lord Dekkeret, pensait-il. Lord Dekkeret. Lord Dekkeret. Lord Dekkeret. Ahurissant. Incroyable.