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— Peut-être pourrais-je aller vous voir là-bas de temps à autre, dit-elle. Pour rafraîchir mes connaissances, vous savez.

— Peut-être, répéta Septach Melayn, et ils abandonnèrent le sujet.

Sa sœur, Fulkari, l’attendait dans la salle de détente du secteur de l’aile ouest du Château connu sous le nom de Galerie Setiphon, où elles avaient toutes deux leurs appartements, ainsi que leur frère Fulkarno. Fulkari y utilisait la piscine presque tous les jours. Keltryn la rejoignait généralement là après sa leçon d’escrime.

C’était une piscine superbe, un grand bassin ovale de porphyre rose avec une incrustation de malachite éclatante représentant la constellation sur tout le pourtour, juste en dessous de la surface de l’eau. L’eau elle-même venait d’une source chaude au parfum de cannelle, quelque part dans les profondeurs du Mont, et était d’une nuance de rose pâle ressemblant un peu à du vin. Apparemment, ce secteur du Château avait servi de pavillon des hôtes pour les princes de mondes éloignés en visite durant le règne de quelque Coronal depuis longtemps oublié, à une époque où le commerce entre étoiles était beaucoup plus courant qu’il ne l’était devenu par la suite, et ce lieu faisait partie de leurs installations de détente. Elle servait désormais les besoins des invités royaux venant de moins loin.

Personne d’autre que Fulkari ne se trouvait à la piscine lorsque Keltryn arriva. Elle faisait des allers-retours avec des mouvements réguliers et rapides, nageant inlassablement d’un bout à l’autre du bassin, se retournant et repartant pour le tour suivant. Keltryn, debout au bord de la piscine, l’observa un moment, admirant la souplesse du corps de sa sœur, la perfection de ses mouvements. Même à présent qu’elle avait dix-sept ans, Keltryn considérait Fulkari comme une femme, et se voyait elle-même comme une simple fille gauche. Les sept ans d’écart entre elles paraissaient un gouffre béant. Keltryn enviait la maturité des hanches de Fulkari, sa poitrine plus ample, tous ces témoignages de ce qu’elle regardait comme une plus grande féminité de sa sœur.

— Tu ne viens pas ? l’appela Fulkari.

Keltryn enleva sa tenue d’escrime, la jeta négligemment sur le côté, et se glissa dans l’eau à côté de Fulkari. L’eau était douce et apaisante. Elles nagèrent côte à côte pendant quelques minutes, sans vraiment discuter.

Lorsqu’elles se fatiguèrent des longueurs, elles se redressèrent ensemble et firent la planche, barbotant doucement.

— Qu’est-ce qui t’ennuie ? demanda Fulkari. Tu es bien silencieuse aujourd’hui. Tu as été mauvaise pendant ta leçon d’escrime, c’est cela ?

— Au contraire.

— Alors de quoi s’agit-il ?

— Septach Melayn m’a dit qu’il allait s’installer au Labyrinthe, dit Keltryn d’un ton accablé. La cérémonie du couronnement aura bientôt lieu, et ensuite il deviendra le porte-parole de Prestimion là-bas.

— J’imagine que cela met fin à ta carrière d’épéiste, alors, fit Fulkari, sans exprimer de sympathie particulière.

— Si je reste ici, oui. Mais il m’a demandé de m’installer au Labyrinthe, afin que nous puissions continuer nos leçons.

— Vraiment ! s’exclama Fulkari, puis elle gloussa. De t’installer au Labyrinthe ! Toi !… Il ne t’a pas demandé de l’épouser aussi, non ?

— Ne sois pas idiote, Fulkari.

— Il ne le fera pas, tu le sais.

Keltryn sentit la colère monter en elle. Fulkari n’avait aucune raison de se montrer aussi cruelle.

— Ne crois-tu pas que je le sache ?

— Je voulais seulement m’assurer que tu ne te faisais pas d’idées à son sujet.

— Devenir l’épouse de Septach Melayn est une chose qui ne m’est jamais venue à l’esprit, je te l’assure. Et je suis tout à fait certaine que ça ne lui est jamais venu à l’idée non plus… Non. Fulkari, je veux seulement qu’il continue à m’entraîner. Mais, bien sûr, je ne vais pas aller m’installer au Labyrinthe.

— C’est un soulagement.

Fulkari se hissa hors de l’eau. Au bout d’un instant, Keltryn la suivit. Mettant les mains derrière elle, Fulkari se pencha en arrière et s’étira avec volupté, comme un grand chat.

— Je n’ai jamais compris ton attirance pour les épées, de toute façon, ajouta-t-elle languissamment. Que gagne-t-on à être épéiste ? Surtout pour une femme.

— Que gagne-t-on à être une lady à la cour ? répliqua Keltryn. Au moins une épéiste a quelques talents avec autre chose que sa langue.

— Peut-être bien. Mais c’est un talent qui n’a aucune utilité. Enfin, cela te passera, à mon avis. Qu’un prince suscite ton intérêt et nous n’entendrons plus parler de tes rapières et de tes bâtons.

— Je suis sûre que tu as raison, fit aigrement Keltryn avec une grimace.

Elle sauta prestement sur ses pieds, courut le long du bord de la piscine jusqu’à l’autre bout et se jeta à nouveau à l’eau, plongeant si peu profondément que la douleur provoquée par le contact de l’eau résonna dans ses seins et son ventre. Nageant en mouvements courts, saccadés, violents, elle retourna à l’endroit où Fulkari était assise et releva la tête pour être vue.

— Est-ce que ton Coronal va nous donner de bonnes places pour le couronnement ? demanda-t-elle, lançant un grand sourire malveillant.

— Mon Coronal ? En quoi est-il mon Coronal ?

— Ne fais pas la maligne avec moi, Fulkari.

— Le prince Dekkeret, je devrais dire lord Dekkeret, et moi sommes de simples amis, dit Fulkari d’un ton guindé. Tout comme toi et Septach Melayn êtes amis, Keltryn.

Keltryn monta péniblement sur le rebord du bassin et se tint au-dessus de sa sœur, dégoulinant sur elle.

— Nous ne sommes cependant pas amis de la même façon que Dekkeret et toi.

— Que peux-tu bien vouloir dire par là ?

— Tu le fais avec lui, non ?

Le rouge monta aux joues de Fulkari. Mais elle n’attendit qu’un instant avant de répondre, presque avec défi.

— Eh bien, oui ! Bien entendu.

— Par conséquent, lui et toi…

— Sommes amis. Rien de plus que des amis.

— Tu ne vas pas l’épouser, Fulkari ?

— Ça ne te regarde vraiment pas, tu sais.

— Mais vas-tu l’être ? Oui ? La femme du Coronal ? Reine du monde ? Bien sûr que oui ! Tu serais folle de dire non ! Et tu ne le feras pas, car tu n’es pas folle. Tu n’es pas folle, n’est-ce pas ?

— S’il te plaît, Keltryn…

— Je suis ta sœur. J’ai des droits. Je veux seulement savoir…

— Arrête ! Arrête !

Brusquement Fulkari se leva, chercha une serviette autour d’elle, la jeta sur ses épaules comme si elle avait besoin d’un vêtement quelconque, même inutile, et se mit à faire les cent pas avec emportement. Elle était visiblement très énervée, et troublée également. Keltryn ne se souvenait pas de la dernière fois où sa sœur avait paru troublée.

— Je n’avais pas l’intention de te contrarier, dit-elle, tentant de se montrer conciliante. Tu es la meilleure amie que j’aie au monde, Fulkari. Il ne me semble pas déplacé de te demander si tu vas épouser un homme dont tu es visiblement amoureuse. Mais si ça te dérange à ce point de parler de ce sujet, j’arrête. D’accord ?

Fulkari jeta la serviette et revint vers elle. Elle s’assit à nouveau près d’elle. La tempête semblait passée. Après un petit moment, Keltryn s’enquit, les yeux brillants de curiosité :