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Marié à Fanny Sebastiani, fille du maréchal compagnon de l’Empereur, le duc en a eu neuf enfants. Mais la naissance des deux derniers a ébranlé sérieusement la santé de la duchesse atteinte d’obésité et de varices qui ont causé deux phlébites. Le caractère corse ajouté à cela en a fait une compagne difficile et dolente. Une gouvernante a été jugée obligatoire pour s’occuper des enfants et peut-être aucun drame ne serait-il intervenu si une certaine Henriette Deluzy-Desportes n’avait fait, le 1er mars 1841, son entrée dans le somptueux hôtel du faubourg Saint-Honoré, résidence parisienne des Praslin.

De cette Henriette, le duc s’est épris avec une telle passion qu’il lui devient bientôt indispensable de se séparer de sa femme. Le 17 août 1847, après une scène terrible au cours de laquelle Théobald a vainement supplié sa femme de reprendre Henriette chassée par elle, la duchesse est assassinée dans sa chambre de trente coups de poignard. La culpabilité du mari étant évidente, le duc fut arrêté, enfermé au Luxembourg où, le 24 août, il s’empoisonnait pour éviter la guillotine. Vaux retomba au silence, presque à l’abandon jusqu’à ce qu’en 1875 Alfred Sommier, propriétaire de grandes raffineries sucrières, le rachète et lui redonne, avec le talent d’un grand mécène, son aspect d’autrefois, celui que nous pouvons désormais contempler.

Le domaine est aujourd’hui la propriété du comte Patrice de Vogüé qui le reçut en 1967 en cadeau de noces de son père, neveu d’Edme Sommier mort sans postérité.

HORAIRES D’OUVERTURE

Du 17 mars au 11 novembre 10 h-18 h

Château ouvert pendant les vacances de Noël.

Les samedis du 7 mai au 8 octobre, dès le soir venu, plus de 2 000 chandelles sont allumées dans l’enceinte du château et du jardin.

http://www.vaux-le-vicomte.com/

Véretz

La conversion de Monsieur de Rancé

L’homme s’agite mais Dieu le mène…

FÉNELON

Pour qui possède quelque teinte des lettres importantes du XIXe siècle, Veretz évoque surtout la mort étrange, l’assassinat de Paul-Louis Courier qui fut peut-être l’un des plus grands pamphlétaires de tous les temps mais, à coup sûr, le plus hargneux, exploit dont on l’a récompensé par une statue qui occupe le centre de la petite ville. Mais le sort tragique du « Vigneron de la Chavonnière » n’aura de nous qu’un salut au passage. Un crime est toujours sordide et nous nous arrêterons plutôt à la dramatique histoire d’amour et de mort d’un homme qui, sans transition, comme soulevé hors de lui-même par l’effroi et l’horreur, passa d’une existence de perversion et de débauche à l’aurore d’une des plus hautes aventures humaines. Une de celles qui mènent à Dieu et qui, commencée dans le gracieux décor d’une aimable demeure, s’achève dans le dénuement du marais insalubre d’où surgira la Grande Trappe.

Un château moderne remplace, actuellement, l’antique château bâti en 1519 par Jean de La Barre qui fut, en son temps, chambellan du roi Charles VIII et appelé en ses conseils. De ce château-là il ne reste qu’une tour, ce qui est peu.

Mais, en ce soir de l’automne 1654, le château de Véretz est encore intact dans sa splendeur Renaissance cernée de terrasses et de jardins descendant jusqu’à la rivière.

C’est un soir comme les autres. Entendez par là que le propriétaire, le jeune abbé Jean-Armand Le Bouthillier de Rancé, y festoie avec ses amis exactement comme il le fait chaque fois qu’il se trouve au château. Et que l’on ne s’étonne pas ! Riche, joli garçon, amoureux et adulé dans les meilleurs salons de Paris et de Touraine, Jean-Armand est l’un de ces abbés « pour rire », totalement dépourvus de vocation, comme il en fleurissait tant autrefois dans les grandes familles. En fait, il est abbé parce qu’il perçoit les bénéfices de riches prébendes ecclésiastiques mais sa vie, toute mondaine, est vouée bien moins à Dieu qu’à l’amour. Un amour véritablement passionné : celui qu’il porte depuis des années à l’une des plus belles femmes du royaume : Marie de Bretagne, duchesse de Montbazon, dont le puissant château n’est pas éloigné de Véretz et auprès de laquelle il se rend lorsqu’elle séjourne à Montbazon.

Ce n’est pas le cas à cette époque. Marie est à Paris où elle mène, il faut bien le dire, une vie parfaitement dissolue pour oublier que la Fronde dont elle était l’une des reines a fait chou blanc et qu’à présent Louis XIV, sacré à Reims le 7 juin précédent, règne en maître absolu.

Ce soir-là, donc, Jean-Armand vient d’entamer, après souper, une partie d’échecs avec l’un de ses amis quand, soudain, il est pris d’un malaise étrange. Une sorte de froid comme si, en lui, quelque chose était en train de s’éteindre. Ses doigts tremblants ont laissé échapper la reine d’ivoire qui roule sur l’échiquier tandis qu’il se lève et passe sur son front couvert de sueur une main glacée…

Balbutiant une excuse à l’adresse de ses invités, il court aux écuries, fait seller son meilleur cheval et, comme un fou, à peine enveloppé d’un manteau, il se lance sur la route de Paris. Dans le vent de la course il croit entendre encore la voix désespérée de Marie qui l’appelle. Car elle l’a appelé. Il l’a entendue au moment où il prenait la reine d’ivoire. Et il l’entend encore. Et pour lui cela ne peut signifier qu’une chose : Marie est en péril, Marie a besoin de lui…

Franchies les portes de Paris, il court encore jusqu’à la rue de Béthisy où se trouve l’hôtel de Montbazon. C’est une fastueuse demeure mais le jeune homme ne l’aime pas parce que l’histoire d’un crime s’y rattache : c’est là qu’au soir de la Saint-Barthélemy, l’amiral de Coligny a été assassiné. Ce soir, elle lui paraît plus sinistre encore que d’habitude. Les portes, pourtant, sont ouvertes. Dans la fièvre née de son épuisement, Rancé aperçoit de vagues formes de serviteurs. Où est la duchesse ? Dans sa chambre. Cette chambre qu’il connaît si bien. Et il court encore. Et il pousse la porte de bois précieux. Et là, il tombe à genoux, le cœur arrêté devant l’horreur qui s’offre à ses regards…

En face de lui, il y a un cercueil ouvert encadré de cierges de cire jaune. Un cercueil contenant un corps sans tête. Le corps de Marie… décapité ! La tête, cette tête adorable dont les lèvres lui étaient si douces, est posée à côté… sur un coussin. Jamais cauchemar fut-il plus affreux ? Un instant… un long instant, le jeune abbé doute de sa raison, se croit en train de devenir fou…

Mais il n’est pas fou. Pas plus qu’il ne rêve… À cette horreur, il y a une explication et, bien entendu, elle est sordide mais affreusement simple. Après la mort de la duchesse, emportée par une rapide maladie, le menuisier chargé d’exécuter le cercueil a mal pris ses mesures. Si mal que l’affreuse boîte s’est révélée trop petite. Alors, comme on n’a pas le temps d’en faire fabriquer une autre, surtout de cette qualité, les serviteurs ont paré au plus pressé : le chirurgien de la maison a simplement détaché la tête de Marie.

Un instant, Rancé contemple les pitoyables restes, puis il s’enfuit. Dans l’escalier, il rencontre un familier de la maison. Et que dit cet homme ? Qu’à l’heure dernière, la duchesse, désespérée d’en finir avec la vie, a refusé les derniers sacrements, qu’elle est morte dans l’impénitence, presque dans le blasphème parce qu’elle refusait de croire à sa mort ?… C’en est trop pour Rancé. La minute suivante, il a quitté l’hôtel de Montbazon, quelques instants plus tard, il a quitté Paris… Comme une bête blessée il cherche sa tanière et sa tanière c’est Véretz. Il y court comme on court se jeter à l’eau.