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Louis de Brézé rencontra-t-il le fantôme de sa mère ? Il est certain qu’il attendra de longues années avant de prendre femme et que la superbe Diane n’enfreindra jamais les lois du mariage tant qu’il sera en vie.

Diane ne viendra jamais à Brissac. Le château a changé de propriétaire en 1502. Les Cossé, dont les descendants en sont toujours maîtres, règnent alors sur le château.

Chambellan du roi Charles VIII, René de Cossé, qui devient Cossé-Brissac, est un homme sage et prudent. Après la Guerre folle, il obtient de son roi qu’il épargne le chef de cette révolte insensée des grands. C’est le duc Louis d’Orléans qui, devenu par la suite le roi Louis XII, saura se montrer reconnaissant.

D’ailleurs, le dévouement à la cause royale fait partie intégrante des vertus de la famille. On le verra bien après le désastre de Pavie. Quand Charles Quint aura consenti à rendre sa liberté à François Ier qu’il tenait prisonnier à Madrid en exigeant que ses fils viennent le remplacer dans sa prison, René et Charlotte de Cossé-Brissac obtiendront de partir avec les jeunes princes afin de veiller sur eux, ce qu’Henri II n’oubliera pas.

Intermède poétique : la fille de la belle Anne de Cossé-Brissac et du sire de Surgères sera cette Hélène pour qui Ronsard vieillissant soupirait :

Quand vous serez bien vieille, au soir à la chandelle,

Assise auprès du feu, dévidant et filant,

Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant,

Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle.

Évidemment, la poésie n’est pas monnaie courante dans une famille où l’on compte plus de grands soldats – deux maréchaux de France ! – que d’écrivains, exception faite pour le duc actuel.

Une génération plus tard, nous trouvons Charles II, futur maréchal, gouverneur de Paris pour la Ligue. Cette fois il s’agit de battre un roi en qui, bien que choisi par son prédécesseur Henri III, Cossé-Brissac refuse de voir son nouveau souverain parce qu’il est protestant. Mais lui aussi est un homme sage et il aura l’intelligence, après s’être convaincu lui-même, de convaincre ses compagnons d’ouvrir la capitale au nouveau converti, mettant ainsi fin à l’une des périodes les plus meurtrières de l’histoire de France. Après quoi, chargé d’honneurs, il se retire tranquillement sur ses terres où il a fort à faire pour remettre au goût du jour son vieux Brissac.

Il en charge l’architecte Jacques Corbineau qui se met à l’œuvre et édifie le grand corps de logis. Mais, en 1621, meurt le maréchal-duc et les travaux en resteront là. Brissac demeura tel qu’il était. Tel il est toujours.

Au XVIIIe siècle, le septième duc devient lui aussi maréchal de France à la suite de nombreux exploits mais c’est à son fils Louis-Hercule que va échoir une belle et tragique histoire d’amour, d’amour quasi royal… avec Mme du Barry.

Alors que la belle comtesse n’était encore que favorite de fraîche date, son appartement du troisième étage, au palais de Versailles, voisinait avec celui du colonel des Cent-Suisses qui n’était autre que Louis-Hercule. Du voisinage naquit une amitié. Il est étonnant de voir comment les maîtres de ce château s’entendent à susciter l’amitié avant de faire naître l’amour.

L’amitié a duré. Elle a même résisté à la disgrâce de la comtesse. En effet, celle-ci, à la mort de Louis XV, a été contrainte de se retirer d’abord à l’abbaye de Pont-aux-Dames, puis, quand elle eut donné suffisamment de gages de sagesse et de fidélité à la royauté, au petit château de Saint-Vrain où il lui fut loisible de recevoir quelques amis.

Ils étaient bien rares, alors, ceux qui se risquaient à visiter la disgraciée. Louis-Hercule fut de ceux-là. Il vint et revint à Saint-Vrain puis, quand Mme du Barry eut retrouvé son cher château de Louveciennes, il en fut un habitué assidu.

En 1780, la mort de son père en fit le huitième duc et le roi le nomma gouverneur de Paris. C’est alors qu’éclata entre les deux anciens amis une passion sans doute tardive – le duc avait vingt ans de plus que Mme du Barry – mais qui allait les accompagner jusqu’au bout de leur chemin sur la terre.

Malgré la peine extrême qu’ils se donnèrent d’abord pour cacher leur amour, ce fut bientôt un secret de Polichinelle et, peu à peu, les deux amants se cachèrent moins. La comtesse en vint même à ne plus descendre que chez son ami, rue de Grenelle, lorsqu’elle venait à Paris. Leur passion grandissait sans cesse comme si tous deux devinaient que le temps leur était compté.

Vint la tourmente révolutionnaire. En 1792, à Versailles, le duc de Brissac est assassiné par des émeutiers. On lui tranche la tête et, cette tête si fraîchement coupée, on la porte à Louveciennes, on la jette aux pieds de Mme du Barry. On sait qu’elle-même ne lui survivra que de quelques mois et finira, comme tant d’autres, sur l’échafaud.

Le château de Brissac eut fort à souffrir de la Révolution et il lui fallut attendre dans la désolation, durant de longues années, que viennent des temps meilleurs. Ils arrivèrent au milieu du XIXe siècle quand la richissime Jeanne Say, appartenant à une grande famille d’industriels du sucre, devint marquise de Brissac. Elle entreprit de restaurer le vieux château avec autant de soin que de générosité. Ses descendants ont continué l’œuvre entreprise pour que, sous le doux ciel angevin, Brissac demeure fidèle à lui-même, à son grand passé et à l’image qu’en ont gardée tous ceux qui l’ont aimé…

HORAIRES D’OUVERTURE

Avril, mai, juin, septembre et octobre

10 h-12 h 15 et 14 h-18 h

(fermé le mardi)

Juillet et août 10 h-18 h

C’est le château le plus haut de France.

http://www.chateau-brissac.fr

Bussy-Rabutin

Les jolis portraits du comte Roger

– Savez-vous ce que c’est que rabutiner ?

– C’est, pour un Rabutin, avoir de l’esprit comme d’autres ont des bosses.

Mme de SÉVIGNÉ et Jean ORIEUX

Même si les premières pierres ont été assemblées au XVe siècle, même si des noms aussi nobles que Châtillon et Rochefort se retrouvent sur son chartrier, même s’il n’est pas le seul constructeur de ce joyau niché au creux d’un vallon de Bourgogne, Bussy-Rabutin, c’est lui et lui seul ! Entendez par là Roger de Rabutin, comte de Bussy, l’un des hommes les plus braves, les plus séduisants, les plus lettrés, les plus spirituels du Grand Siècle. L’homme qui collectionnait les superlatifs fut malheureusement aussi le plus méconnu.

Ce Bussy-là ressemble étonnamment à cet autre Bussy dont Alexandre Dumas chanta la gloire dans La Dame de Monsoreau. Bussy d’Amboise, Bussy-Rabutin, on leur trouve bien des points communs comme si le premier était l’aïeul du second, à cette différence près que le second maniait l’esprit mieux encore que l’épée.

À ce jeu subtil, il n’est pas le seul, dans la famille, à être habile. Une jeune et blonde cousine qui lui est proche et chère y est au moins autant que lui. Une cousine qu’il aimera d’amour et qui le lui rendra fort mal, peut-être parce qu’elle a peu de tempérament alors que lui en déborde. Une cousine qui, dans l’empire des lettres, va prendre tout le soleil en ne lui laissant, à lui, que l’ombre grise de l’exil : Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné.