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Hélas, elle meurt jeune et l’époux qu’elle aimait tant se remarie avec la fille du duc de Lévis. Ils vont être les parents d’un grand soldat, l’un des plus grands serviteurs du royaume : Charles-Eugène-Gabriel de Castries qui, marié à seize ans à la petite-nièce du cardinal de Fleury, va trouver le moyen d’être le plus jeune maréchal de camp, le plus jeune lieutenant général, le plus jeune chevalier du Saint-Esprit et l’un des plus jeunes stratèges de France. Il n’a que trente-trois ans quand il remporte la victoire de Clostercamp où meurt le chevalier d’Assas, son jeune voisin dont le château s’aperçoit de la terrasse de Castries. Ministre de la Marine de Louis XVI de 1780 à 1787, il est le maître d’œuvre de la grande expédition navale commandée par l’amiral de Grasse, qui aboutira à la bataille de Yorktown et à la victoire des États-Unis sur l’Angleterre. Il donne, en outre, leurs commandements au bailli de Suffren, à La Motte-Picquet et, soutenu par le roi, il offre à la France la marine la plus forte de l’époque. Malheureusement, la Révolution détruira son œuvre en grande partie. Mais de cette œuvre restent deux éclatants témoignages : le port de Cherbourg et le Code maritime…

Après la prise de la Bastille, le maréchal choisit d’émigrer, puisque apparemment on n’avait plus besoin de lui, mais il voulut servir encore en tentant d’empêcher la publication du Manifeste de Brunswick dont on connaît les désastreux effets. Premier ministre du roi en exil, c’est en exil, au château de Wolfenbüttel, que meurt ce grand homme dont la mémoire devrait être vénérée par d’autres que les siens.

Son fils fut digne de la tradition militaire de la famille.

Le château, lui, avait beaucoup souffert de la Révolution, saccagé, vendu et partagé entre quatorze propriétaires. Ce fut l’époux de notre « duchesse de Langeais » qui réussit à rassembler le domaine et à le restaurer tout en menant à bien une belle carrière militaire. Mais il n’avait pas d’enfants et dut léguer le château et le titre à son neveu Edmond. Soulignons que la sœur de cet Edmond épousa le maréchal de Mac-Mahon… et devint de ce fait « présidente » de la République !

Autres grands soldats ? Henri, qui fut le compagnon de Charles de Foucauld, fondateur du Service historique du Maroc et le conseiller du maréchal Lyautey. Enfin, le général de Castries, grand cavalier devant l’éternel, qui assumera aux yeux du monde l’héroïque défense de Diên Biên Phu… C’est à la paix du château qu’il viendra demander de lui rendre la santé et la sérénité de l’âme.

Heureusement pour lui, le château, qui en avait encore grand besoin, avait été entièrement remis en état à partir de 1936 par un jeune ménage qui y sacrifia vingt ans de son existence : le duc et la duchesse de Castries. Lui s’attaqua aux jardins, elle à l’intérieur, et tout renaquit aussi beau que par le passé, mais plus confortable. Pendant dix ans, la jeune duchesse ne mit pas les pieds à Paris.

Mais peut-être le soin du château n’était-il pas son seul souci. S’y joignait le désir bien naturel de suivre les importants travaux historiques de son époux, une œuvre magistrale qui devait conduire le duc de Castries à l’Académie française. Lui ne vécut pas par l’épée et cependant son talent devait lui en apporter une, prestigieuse !

À sa mort en 1986, le dernier duc de Castries lègue le château à l’Académie française.

HORAIRES D’OUVERTURE

Le château est actuellement fermé pour travaux de restauration.

http://www.institut-de-france.fr/fr/patrimoine-musees/ch%C3%A2teau-de-castries

1- On dit Castries pour le village et Castres pour la famille. Il y a, en effet un autre Castres dans le Tarn. Voir Hauterive (tome 2).

Chamarande

Folle et cruelle Églé

Perversité de femme !… Quel plaisir, quel instinct la porte à nous tromper ?

STENDHAL, Le Rouge et le Noir

Bâti par François Mansart sur des jardins de Le Nôtre pour le plus discret et le plus efficace des secrétaires de Louis XIV, Pierre Mérault, le château de Chamarande – briques roses et chaînages de pierres blanches – a vécu dans le calme et la dignité jusqu’à ce qu’une très jolie femme en devînt châtelaine et transformât cette aimable demeure en antichambre de l’enfer à l’usage de son mari. Ce mari, Victor Fialin de Persigny, n’était pourtant ni un niais ni un innocent puisqu’il fut le maître d’œuvre du second Empire et l’ami le plus dévoué de l’empereur Napoléon III.

Louis Napoléon n’est encore que prince-président quand, dans la chapelle de l’Élysée, il préside au mariage de son fidèle Persigny avec l’une des plus ravissantes filles de la noblesse d’Empire : Églé Ney de La Moskowa, petite-fille du fameux maréchal Ney et du banquier Jacques Laffitte. C’est-à-dire un charmant condensé de la gloire et de la fortune des temps napoléoniens. Mais un condensé qui ne se montre guère, et c’est le moins que l’on puisse dire, à la hauteur d’une naissance qui aurait dû lui inspirer le sens de la grandeur ou tout au moins celui des convenances. Or nous sommes loin du compte.

À dix-huit ans – on est en 1852 – Églé est exquise : blonde, lumineuse avec des yeux d’un azur infini, un teint d’une incomparable fraîcheur, une silhouette adorable… et un léger zézaiement qui à son âge paraît irrésistible. En face de cette beauté, les quarante-quatre ans de Persigny ont flambé comme une allumette, d’autant que la fiancée s’est déclarée fort éprise de sa séduisante maturité.

C’est donc – chose rare dans un tel endroit – un mariage d’amour auquel l’Élysée sert de cadre. Mais, après les violons de la fête, il y a la vie quotidienne et le pauvre Persigny va s’apercevoir bientôt que, dans le genre enfant gâtée, il n’existe pas de créature plus insupportable que son Églé. Ses malheurs commencent, en effet, dès que le nouveau marié a été nommé ambassadeur de France à Londres, en 1855.

Églé qui, après un essai malheureux, vient de donner le jour à une petite fille, se comporte outre-Manche comme en pays conquis. Ne pouvant supporter de demeurer seule, elle mobilise pour son service tous les secrétaires de son époux puis se déchaîne en scènes affreuses dès que l’on fait seulement mine de lui refuser quelque chose. En outre, elle dépense sans compter, mettant parfois les finances de l’ambassade dans l’embarras. Mais surtout, et c’est le plus grave, elle compromet souvent par son attitude l’œuvre diplomatique de son mari. Quand leur présence est requise à Windsor, Persigny recommande son âme et son ambassade à Dieu.

Bien sûr, on ne s’amuse guère chez la reine Victoria. Mais on peut imaginer sans peine l’effet produit quand, arrivant en retard à un dîner présidé par la reine, Mme de Persigny déclare en manière d’excuse qu’elle s’est attardée au zoo pour assister au repas du boa. Ou bien, cet autre malheureux soir où, découvrant sur une autre femme une toilette identique à la sienne, elle se jette sur la malheureuse et la gifle à toute volée avant de sortir à grand fracas en jurant comme un charretier. Heureusement pour Persigny, son travail et sa personne sont vivement appréciés en haut lieu, tant anglais que français.