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Momentanément tranquille pour ses frontières, Foulques s’emploie à agrandir son pré carré. Il s’en prend d’abord au comte de Poitiers, lui enlève le Bas-Poitou et les Mauges puis, se souvenant du comte de Blois – il va s’en souvenir souvent dans sa vie –, s’en va l’attaquer chez lui et prend Tours que d’ailleurs il rendra plus tard. Et puis, sur sa lancée, il décide d’en finir avec les Bretons, pénètre chez Conan et le rencontre sur la lande de Conquereuil près de Guéménée-Penfao. Cette fois, il tue le comte de sa propre main puis, incapable de maîtriser sa folie meurtrière – il est sujet à des crises de fureur quasi démentielles –, il ordonne le massacre de tous les prisonniers. C’est une boucherie. Un vrai bain de sang dont Foulques va mesurer la gravité quand, le lendemain, la griserie du meurtre sera tombée.

On l’a déjà dit, il craint Dieu et sa colère. Plus encore peut-être l’enfer et ses grandes chaudières qui, en la circonstance, lui paraissent se rapprocher dangereusement. Si dangereusement même qu’il se décide à une grande pénitence, une pénitence majeure. Et le voilà parti pour Jérusalem afin d’obtenir le pardon du Seigneur. Il s’y rendra ainsi quatre fois au cours de sa vie. Quatre fois l’immense voyage dont, souvent, un seul pouvait être fatal. Pour lui ce sera le quatrième.

Revenu avec une âme qu’il croit candide, Foulques assure ses conquêtes et entreprend de réformer ses domaines. Il le fait sagement, intelligemment et, après lui, l’Anjou sera devenu un grand fief, riche et puissant, ce dont ses vassaux lui sauront quelque gré. Mais la chose ne va pas sans brutalités. Les Angevins, à quelque rang qu’ils appartiennent, doivent se mettre en tête qu’ils ont un maître et un maître impitoyable. Foulques entretient une escouade de bourreaux et ne leur ménage pas le travail. Lui-même, à l’occasion, ne dédaigne pas de mettre la main à la pâte. D’où ses nombreux repentirs toujours spectaculaires. C’est ainsi, par exemple, qu’après avoir molesté vigoureusement les moines de Saint-Martin de Tours, le Faucon noir revient pieds nus, en chemise et pleurant à creuser les cailloux pour obtenir leur pardon.

Avec un tel homme, on conçoit que les femmes n’ont pas la part belle. Quand d’aventure il en rencontre une qui lui plaît, il s’en empare sans se soucier de ses cris ou des protestations de l’entourage. Il aurait ainsi poussé au suicide la belle Chana, fille du seigneur de Chaumont qu’il poursuivait de ses assiduités. Pourtant, il se marie et par deux fois, mais ni l’une ni l’autre de ses épouses n’aura lieu de se réjouir de son choix.

La première, c’est Adèle, fille du comte Bouchard de Vendôme. On ne sait trop la date du mariage, en revanche on sait celle de la mort de la dame qui disparaît dans un incendie en 999. D’aucuns prétendirent qu’elle ne brûla pas de son propre mouvement mais que son aimable époux, en mettant le feu à une chapelle, opta ainsi pour un veuvage rapide. Peut-être, après tout, s’agit-il seulement d’un accident ?

Hildegarde, la seconde épouse, n’a pas beaucoup plus de chance. La légende dit qu’un jour où il était, comme par hasard, de fort mauvaise humeur, le comte s’en prit à son épouse, l’accusa d’adultère, lui reprochant on ne sait trop quelles coquetteries avec on ne sait trop quel écuyer. Désolée et scandalisée car, n’étant plus de toute première jeunesse, elle avait dépassé l’âge des péchés parfumés, Hildegarde se défendit de son mieux mais apparemment sa défense n’eut pas l’heur de plaire à son seigneur. Pris d’une de ses terribles crises de rage, il empoigna sa femme et la jeta par la fenêtre.

Vu la hauteur du château perché sur son éminence dominant le Maine, chacun put penser que la pauvre femme s’était rompu le cou. Mais « les anges de Dieu veillaient. Ils transportèrent Hildegarde de l’autre côté de la rivière. Elle vint atterrir au pied d’un vieux monastère à demi ruiné bâti sur une ancienne crypte ». En fait, on ne sait trop en quel état Hildegarde se tira de l’aventure. Ce qui est certain, c’est que Foulques – émerveillement ou remords ? – se hâta de reconstruire le couvent et de le combler de ses bienfaits.

Sur la fin de sa vie, ayant eu des démêlés avec son propre fils qu’il châtie durement, Foulques part une fois encore pour la Terre sainte. À Jérusalem, ce vieillard indomptable se fait attacher à un âne et flageller par des moines. Entre les coups, il crie : « Seigneur, Seigneur, ayez pitié du traître et parjure Foulques ! » Dieu pardonna-t-il ? C’est en paix avec lui-même que le terrible comte revient vers ses terres à petites journées et non sans faire un long détour. Il ne reverra pas Angers car, le 22 mai 1040, il meurt à Metz… en passant par la Lorraine.

C’est Saint Louis qui, de 1230 à 1240, fait élever sur les restes de l’ancienne forteresse du Faucon noir l’énorme château aux dix-sept tours noires et blanches que reflète le Maine avant de le donner à son frère Charles. L’Anjou reviendra à la Couronne à la fin des Capétiens et Jean le Bon l’offrira à son fils cadet Louis avec une couronne ducale.

Devenu Louis Ier d’Anjou, c’est lui qui fait tisser par Nicolas Bataille, lissier parisien, la fabuleuse tapisserie de l’Apocalypse qui demeurera le plus précieux trésor des ducs d’Anjou. En même temps, il complète, il aménage le château suivant le goût fastueux de l’époque. Son fils Louis II fera de même mais ne vivra pas assez longtemps pour en jouir vraiment. Angers sera alors le cadre où évoluera sa veuve exemplaire, Yolande d’Aragon, duchesse d’Anjou, celle à qui l’Histoire décerne le joli titre de reine des quatre royaumes : Naples, Sicile, Aragon et Jérusalem. C’est là que Yolande fera venir le dauphin Louis, le futur Charles VII, renié par sa mère Isabeau à qui elle refusera de le rendre : « À femme pourvue d’amants point n’est besoin d’enfants. Le garde mien ! »

C’est là qu’elle l’élèvera, lui donnera sa fille en mariage. C’est là qu’elle préparera la venue de Jeanne d’Arc surgie au duché de Bar qui est terre de son fils. C’est de là enfin qu’elle soutiendra à bout de bras le royaume de France agonisant et s’efforcera de lui rendre le goût du bon combat pour la liberté.

Après elle, son fils, le fameux roi René, donne à Angers des fêtes demeurées célèbres. C’est un homme de goût, un charmant poète, auteur d’un joli livre, Le Cœur d’amour épris, qui partagera son temps entre ses douces terres d’Anjou et ses non moins aimables terres de Provence. Après les horreurs d’une guerre de Cent Ans, René d’Anjou inscrit enfin sur l’Histoire une figure souriante car « il prenait toute joye, laissait douleur, chassait désespération. Dieu lui avait donné ce don ».

Réuni par Louis XI au domaine royal, Angers ne devait plus connaître d’aussi douces heures. Le souvenir du Faucon noir y régnait sans partage.

HORAIRES D’OUVERTURE

Du 2 mai au 4 septembre 9 h 30-18 h 30

Du 5 septembre au 30 avril 10 h-17 h 30

Fermé le 1er janvier, le 1er mai, les 1er et 11 novembre et le 25 décembre.

À l’intérieur du château se trouve la plus grande tapisserie médiévale connue : la tenture de l’Apocalypse.

http://angers.monuments-nationaux.fr

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