Son cœur ne résistera pas à pareille tension. Le mari se porte bien mais, le 31 juillet 1672, l’amant meurt. Comme il était couvert de dettes, les gens de robe viennent mettre les scellés chez lui. C’est ainsi que l’on découvre certaine cassette remplie de fioles et de lettres. Une autre lettre s’y trouve, en forme de testament, et qui attribue la propriété de la cassette à Mme de Brinvilliers. Une cassette que depuis deux ans, par prudence, Sainte-Croix refusait de rendre. Mais, quand les gens du roi se présentent à l’hôtel Brinvilliers, ils trouvent l’oiseau envolé : depuis deux jours la marquise s’est enfuie en Angleterre.
De là, elle gagnera les Flandres et l’abri d’un couvent. Mais le fameux policier Desgrez saura l’y retrouver, et, lui jouant la comédie de l’amour, la débusquer.
Le 16 juillet 1676, la marquise de Brinvilliers, condamnée à être décapitée puis brûlée, mourait en place de Grève.
Quant au château d’Offémont, plusieurs familles, heureusement sans histoire, s’y sont succédé durant le XVIIIe et le XIXe siècle. Mais depuis plus de cent ans, il est la propriété des comtes Pillet-Will qui en prennent un soin extrême.
Malheureusement, le château n’est pas ouvert à la visite.
Oiron
Les amours de Pascal
J’ai découvert que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer au repos dans une chambre.
Perdu dans l’immensité de la plaine de Moncontour, le château d’Oiron appartient à peine à la frise somptueuse des châteaux de la Loire dont il est le plus mal connu, le mal aimé peut-être, bien qu’il eût été l’un des principaux foyers de la Renaissance en Haut-Poitou.
Au XVIe siècle, alors que le règne de François Ier est à son début, la terre d’Oiron est acquise par la famille Gouffier, l’une des plus anciennes de la région – elle remonte au XIe siècle. Mais la première grande illustration lui vient de celui qui, sur la fin de sa vie, va construire Oiron : Artus Gouffier de Boisy, chambellan de Louis XII, bailli du Vermandois, auquel, en 1503, on confie l’éducation du jeune François d’Angoulême qui, douze ans plus tard, deviendra le roi François.
De cet instant, les honneurs et les biens pleuvent sur Artus et ses fils à qui le roi est fort attaché. Pour sa part, le père est gouverneur du Dauphiné, grand maître de France, comte d’Étampes et de Caravaz puis devient duc de Roannez avant de recevoir finalement, alors que la mort s’approche de lui, le titre de cousin du roi. À un tel homme il faut une belle demeure et Oiron sort de terre.
Le fils, Claude, grand écuyer de France, ce qui lui vaut le titre de M. le Grand, marquis de Boisy, comte de Maulévrier, duc de Roannez et comte de Caravaz est fabuleusement riche. Marié deux fois à Jacqueline de La Trémoille puis à Françoise de Bretagne (des comtes de Penthièvre), c’est lui qui va imprimer sur Oiron, dont sa mère Hélène de Hangest a poursuivi les travaux, la marque superbe qu’on lui voit encore, surtout dans la grande galerie ornée d’immenses fresques dans le goût de l’école de Fontainebleau. Le mobilier du château est si riche, les tapisseries si dorées, le train de maison si fastueux que Claude Gouffier devient, non seulement pour la région qui l’entoure mais encore au-delà de la Loire, le synonyme de Crésus. Le comte de Caravaz est aussi riche en or qu’en terres et, quand il écrira ses fameux Contes, Charles Perrault en entendra encore l’écho : le Chat botté sera au service du marquis de Carabas.
De cette étincelante famille il faut encore citer au moins le troisième personnage qui pourrait tenir le rôle du Saint-Esprit, le jeune frère d’Artus, Guillaume. Compagnon de jeunesse de François Ier avec lequel il a été élevé, Guillaume voit la pluie de faveurs tomber sur lui plus drue encore que sur les autres car il est et demeure l’ami favori. Il est amiral en France, seigneur de Bonnivet (le château malheureusement n’existe plus) et de Crèvecœur, gouverneur du Dauphin et du Dauphiné, ambassadeur de France et enfin commandant en chef de l’armée d’Italie en 1523 : un commandant en chef qui, malheureusement, n’est pas à la hauteur de sa tâche. Tête folle, pleine de vaillance pourtant, Bonnivet causera le désastre de Pavie mais il aura assez d’intelligence pour s’en rendre compte. Voyant la catastrophe qui va coûter sa liberté au maître qu’il aime, il cherchera une mort qui ne se fera pas prier.
Le petit-fils du « marquis de Carabas », Louis Gouffier, ajoute à Oiron une aile Louis XIII. Il est, lui aussi, duc de Roannez mais c’est son fils, Artus III, qui va retrouver la gloire par une porte tout à fait inattendue : les amours de sa sœur Charlotte avec Blaise Pascal.
Dans l’été 1652, un trio de personnages se promène jour après jour, longuement, sous les ombrages du parc immense et sur les bords de la Dive. Parfois l’on se rend à la superbe église collégiale, proche du château, jadis construite par Claude et qui est, en quelque sorte, le Saint-Denis des Gouffier : leurs tombeaux s’y érigent, dignes d’eux. Ce trio est composé du duc de Roannez, de sa sœur et de leur ami Blaise Pascal.
Il y a quatre ans que l’on se connaît : depuis que le père de Blaise, Étienne, qui a été président de la Cour des aides de Clermont-Ferrand puis intendant de la généralité de Rouen, est venu s’installer à Paris à l’angle de la rue du Cloître-Saint-Merry. Tout près de là s’élève l’hôtel de Boisy où vit la marquise du même nom, femme d’esprit et de tenue simple qui veille à l’éducation de ses deux enfants, Artus et Charlotte. Blaise Pascal a lui aussi une sœur, ravissante d’ailleurs, Jacqueline, et bientôt une vive amitié s’établit entre les quatre jeunes gens. C’est à la paroisse Saint-Médard qu’on s’est d’abord rencontré et le lien s’est tissé entre les garçons : Artus, comme Blaise, est passionné de recherches scientifiques et principalement de physique, et le jeune Pascal sert de maître à son ami. En échange, les jeunes Boisy initient Blaise à la vie mondaine : il assiste à la réception de Mazarin, à Poitiers, par Louis XIV et Anne d’Autriche dont Charlotte, qui a seize ans, est demoiselle d’honneur. Il assiste également à la représentation que donne Molière de La Jalousie du Barbouillé.
Puisqu’il est à Poitiers, c’est dire qu’il est aussi à Oiron où il fera plusieurs séjours. C’est vraisemblablement en cet été 1652 qu’il avoue son amour à Charlotte. Un amour qui lui ressemble : impérieux, intransigeant mais qui subjugue la jeune fille et auquel son frère ne s’oppose pas. Sa déclaration lui ressemble :
« L’homme cherche le plus souvent dans l’égalité de la condition à cause de la liberté et que l’occasion de se manifester s’y rencontre plus aisément. Néanmoins, on va quelquefois bien au-dessus et l’on sent le feu s’agrandir quoique l’on n’ose pas le dire à celle qui l’a causé. »
Il faudra pourtant se séparer. Si Artus est volontiers d’accord, la famille ne l’est pas. Pascal doit s’éloigner. Son accident de voiture et la nuit d’extase qu’il vit peu après le jettent à Port-Royal. Il va y attirer Charlotte car leur amour n’est pas de chair. Il est austère, ce qui n’exclut pas une profonde tendresse. Tous deux sont passionnés pour Dieu et la vie religieuse.
Charlotte ne restera pas à Port-Royal. Une intervention de Louis XIV l’en tire. Qu’à cela ne tienne, elle se coupe les cheveux et décide de vivre retirée du monde et cela jusqu’après la mort de Blaise, en 1663. Elle aura été fidèle à son amour durant dix-neuf ans… Restée seule, plus encore que si elle eût été veuve, elle se laissera marier au duc de La Feuillade le 9 avril 1667.