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Mais revenons-en à Pau. Gaston Phœbus fit construire une bonne partie du château actuel bien qu’il n’y résidât que très irrégulièrement, préférant pour l’usage de tous les jours son château d’Orthez. Pau avait une destination plus ostentatoire et il devait servir, somme toute, à sa propre gloire. Il confia les travaux, qui commencèrent vers 1370, à un grand architecte, Sicard de Lordat, qui allait construire la plupart de ses châteaux. Le résultat fut conforme à ce qu’il en attendait.

« Ce chastel est, pour le dit des gens, le plus bel du monde fait de main d’homme », écrit un voyageur. Phœbus y tint sa cour dans les grandes occasions, amenant alors avec lui ses piqueurs, ses chiens et tout l’éclat d’une cour qui était à l’époque l’une des plus riches d’Europe.

Le crime commis sur son propre fils ne devait pas lui porter bonheur. Le roi Charles VI a refusé que Phœbus fasse d’Yvain de Lescar son héritier. Il fallut bien s’en tenir à une branche collatérale, celle de Foix-Castelbon. Isabelle, héritière de cette noble maison, apporta le fastueux héritage, y compris Pau, à son époux Archambaud de Grailly.

La lignée des Foix-Grailly continua, pour ses fils, le double prénom de Gaston et de Phœbus mais ce fut Gaston IV qui, ayant épousé Éléonore de Navarre, prit le titre de prince de Navarre en attendant que son petit-fils, François Phœbus, prenne le titre de roi de Navarre. Un titre qui allait faire de Pau, désormais, une résidence royale.

Rois et reines de Navarre prirent à tâche de conserver Pau et de l’embellir, même ceux qui, telle Marguerite d’Angoulême sœur de François Ier, lui préférèrent le petit Nérac. Mais l’heure de gloire allait sonner pour le château le 1er décembre 1553.

Henri d’Albret, époux de Marguerite, était un homme d’un autre âge. Un rude seigneur s’il en fut. Il avait décidé que sa fille, Jeanne d’Albret, héritière de Navarre et mariée à Antoine de Bourbon, ne pourrait accoucher qu’à Pau. En conséquence de quoi il la fit revenir à marches forcées depuis Compiègne où elle se trouvait alors. Puis, quand les douleurs de l’enfantement commencèrent, Jeanne s’entendit ordonner de chanter afin que l’enfant qui allait naître ne fût « ni rechigné ni pleureur ». Car, bien entendu, dans l’esprit du roi de Navarre il ne pouvait s’agir que d’un garçon.

En fille obéissante, Jeanne – qui tenait de son père un caractère bien trempé – se mit non seulement à chanter mais à composer ce qu’elle chantait : un hymne à Notre-Dame-du-Bout-du-Pont, une chapelle qui se trouvait en face du château. Et le « miracle » eut lieu : un solide garçon vint au jour en braillant vigoureusement, ce qui combla de joie le grand-père.

Incontinent, celui-ci s’empara du bébé, lui frotta les lèvres d’une gousse d’ail, conformément à la tradition, puis lui fit boire une goutte de vin de Jurançon en affirmant : « Tu seras un vrai Béarnais. » Puis il consentit enfin à le remettre aux dames qui le couchèrent dans un berceau fait d’une grande écaille de tortue.

Ce fut encore le terrible grand-père qui exigea que son petit-fils fût élevé comme un vrai paysan ; pieds nus et tête nue. Le jeune Henri n’avait que deux ans lorsque mourut l’aïeul mais Jeanne d’Albret ne vit aucun inconvénient à ce que l’on continuât ce genre d’éducation. Le résultat fut ce que l’on sait : Henri IV fut l’un des plus vigoureux et des plus durs à la peine de tous nos rois. Il avait toutes les qualités qui font les conquérants, ce qui est bien, mais surtout les bons rois, ce qui est mieux.

Le mariage d’Henri, en 1572, avec la ravissante et folle reine Margot fit connaître à Pau, lorsque le couple vint enfin s’y installer, les joies et les fêtes chères à la cour des Valois. Même si ce n’était que par intermittence car, semblable à cette autre Marguerite venue de France, Margot préférait Nérac et les allées ombreuses où il était si agréable de se promener avec quelque beau cavalier.

Malheureusement pour le château, l’accession d’Henri au trône de France allait marquer son déclin. La couronne de Navarre perdait de son éclat auprès de celle de France et Henri IV ne se souvint de Pau que pour y faire prendre meubles et tapisseries destinées au Louvre. Le château tomba dans l’oubli. Des rois, tout au moins, puisqu’il fut la résidence des gouverneurs quand Béarn et Navarre furent unis définitivement à la France. Et s’il reçut quelques visites royales, ce fut uniquement lorsqu’un Bourbon ou un autre souhaitait visiter la chambre où Henri IV avait poussé son premier cri.

La Révolution fit du château une caserne et si Napoléon songea à faire effectuer une restauration (était-ce pour faire plaisir à la mémoire de son « oncle Louis XVI » ?) il n’en eut pas le temps. C’est l’honneur de Louis-Philippe d’avoir restauré le château, même s’il y mit parfois un enthousiasme et une exubérance qui frisaient l’exagération. Néanmoins il sut dévaliser le Garde-Meuble royal de ses plus belles tapisseries au profit de ce château qui, décidément, lui tenait à cœur.

Napoléon III puis la République – le château appartient à l’État – ont fait de leur mieux pour conserver à la France ce beau témoin de sa grandeur.

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Polignac

Les exploits d’un La Fayette médiéval

Le mariage est une des plus importantes actions de la vie mais c’est peut-être celle de toutes où l’on examine le moins les convenances.

BOCCACE

En ce mois de janvier 1467, le seigneur Guillaume-Armand de Polignac se prenait à trouver la vie morose. L’hiver est rude en Haute-Loire et la neige montait le long des murs de son gros château, puissante citadelle érigée sur une falaise de basalte au-dessus de la route du Puy-en-Velay. Des troncs entiers brûlaient dans les cheminées sans parvenir à réchauffer réellement le triste seigneur.

À cette humeur lugubre deux causes : la goutte d’abord qui l’empêche de bouger son pied gauche sans de cruels élancements et ensuite le fait que le seigneur Guillaume-Armand est au plus mal avec son suzerain suprême, le roi Louis, onzième du nom : un personnage avec lequel il n’est pas bon de plaisanter.

À vrai dire, le seigneur de Polignac n’a pas plaisanté : il s’est seulement rebellé quand, avec le duc de Bourbon dont il est aussi vassal, il a adhéré à cette fameuse ligue du Bien public soutenue par le duc de Bourgogne. Or, à la bataille de Montlhéry, le jeune roi, payant de sa personne avec un beau courage, a ramené ladite ligue à la raison et, depuis, les hauts seigneurs discutent. Mais Guillaume-Armand, en ce qui le concerne, a jugé qu’il serait certainement plus prudent de regagner ses montagnes vellaves sur la pointe des pieds et en essayant de se faire aussi petit que possible – ce qui n’était guère facile vu son tour de taille – laissant ainsi au roi tout le loisir de statuer sur son cas. S’il prenait fantaisie à Louis XI de réclamer la grosse tête de Polignac, du moins aurait-il quelque peine à venir la prendre derrière les grands murs noirs de sa forteresse.