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Je farfouille avec délectation dans la sacoche. Pas de doute, je tiens le bon bout.

Tout à coup, un bruit de pas me fait tressaillir. Je vais pour me planquer, mais c’est trop tard, la lourde s’ouvre et Berger paraît. Le petit pruneau plein de tics a des yeux qui remplaceraient au pied-levé un poêle par catalyse !

La chaleur qui s’en dégage me brûle le derme !

Au lieu de me demander ce que je maquille chez lui, il me fonce dessus, bille en tête ! Il a agi avec tant de brusquerie que je n’ai pas pu éviter la charge, du reste je suis coincé entre le lit et l’armoire. Je déguste un formide coup de boule dans le parc à huîtres ! J’ai l’impression de n’être plus qu’un mauvais estomac hors d’usage…

Je produis un couic lamentable et je glisse en avant. Il me met alors un crochet droit à la pointe du menton, tellement sec que j’en oublie qui je suis…

Je pars à dame sans avoir eu le temps de me demander quelle pouvait bien être la couleur. du cheval blanc d’Henri IV ! Good-night ![37]

Je m’écroule dans de l’opaque, tandis que le chœur céleste des vierges entonne : « Tu m’as donné le grand frisson, celui qui fait perdre la tronche ! »

Je récupère très vite. Simple question de contact, vous le savez. La main délicate de mon ange gardien rétablit le circuit et l’électricité revient dans ma gamberge. Je me redresse péniblement en me massant le menton. Le noiraud, furax comme un péquenod qui trouverait un troupeau de mouflons dans son champ de luzerne, me considère sans parvenir à comprimer ses tics.

Son regard coagulé ressemble à deux morcifs d’ébonite.

— Votre gueule ne me revenait pas, dit-il, je me doutais bien que vous étiez un type pas catholique… Vous mériteriez que j’appelle les flics…

Je réfléchis aussi vite que le permet ma citrouille perturbée.

Est-ce lui le coupable ? M’a-t-il filé une toise parce qu’il savait que j’étais le poulet-maison et qu’il a vu là une occasion de s’innocenter en chiquant au cambriolé ; ou bien au contraire ressent-il vraiment l’indignation de l’homme qui surprend un Monsieur dans sa chambre à pioncer ?

Perplexe, je m’avance vers lui.

— Dites, mon vieux, avant de tirer, on fait les sommations d’usage !

— Quoi !

— Je vous dis qu’au lieu de me biller dans le lard et de m’insulter vous auriez mieux fait de me poser des questions très élémentaires, je vous aurais répondu et le nuage se serait dissipé…

Il accentue ses tics. Maintenant sa gueule saute toutes les deux secondes, comme si on y avait enfermé un boisseau de grenouilles. Profitant de son indécision je poursuis :

— Si c’est votre chambre, excusez du peu, l’erreur est une chose humaine, dit-on. Le Docteur Duraître m’avait demandé d’aller chercher un remède pour le Professeur dans ses bagages.

— La chambre de Duraître est dans le bâtiment voisin ! crache le noiraud.

— Comment le saurais-je ? Ça fait à peine trois jours que je suis ici et je crèche dans le pavillon à l’autre bout du parc, faut être gentil, non ? Monsieur Robinson !

Il commence à se détendre… J’ignore toujours s’il joue ou s’il est sincère. Vraiment il n’y a pas mèche de se faire une opinion sur ce petit bonhomme à ressort.

— Le Docteur Duraître m’a dit que sa chambre était à gauche… Bon, je suis venu à gauche… Vous ne pensez pas que je m’amuserais à jouer les mignonnes souris d’hôtel !

Cette fois, il est convaincu — ou il semble l’être. Il a un vague sourire que j’attrape au vol avant que sa bouille ne parte en l’air sous l’effet de son sacré tic.

— Bon, excusez-moi… Mais quand on voit un garçon qu’on connaît mal farfouiller dans vos affaires…

— Oui, je comprends… J’allais dire y a pas de mal, mais bonté, qu’est-ce que vous m’avez filé comme avoinée… Dites, vous avez été champion de France des légers ?

Il rigole.

— J’ai fait un peu de boxe, à la Fac, avec des amis que ça intéressait.

— Vous auriez dû continuer. À cette heure, vous franchiriez le ring du square Garden…

Là-dessus on se quitte. Il m’indique la vraie chambre de Duraître et je profite de l’occase pour y faire une inspection rapide… Pas d’attirail photo…

Voyant s’éloigner Berger, je me risque dans celle du Docteur Minivier… Il n’y a pas non plus d’appareil photographique dans sa carrée… Conclusion, Berger serait-il le coupable ?

C’est sur cette énigme que je regagne le pavillon. J’y apprends que Thibaudin va mieux. Duraître, que je chope à part, me dit qu’il espère le sauver, il me pose des questions embarrassantes. Évidemment, tout ceci ne lui paraît pas catholique, ni même apostolique ou romain ! Il est stupéfait de savoir que le Prof a été empoisonné, et plus encore de constater que j’étais au courant de la nature du poison…

Je m’en tire en lui montant un barlu qui ne déparerait pas les aventures de Tintin. Je lui explique que nos services ont arrêté dans les parages un suspect, lequel avait en sa possession un flacon du poison en question. En voyant le Vieux inanimé, j’ai fait un rapprochement et j’ai téléphoné à Paris… Il me félicite pour mon esprit de déduction et pour la décision dont j’ai fait preuve. J’accepte ses fleurs sans plaisir. Avouez que c’est vexant de farcir un éminent savant de merdouille et de se faire tresser des lauriers parce qu’après on est revenu de son erreur !

Je lui dis que je soupçonne l’homme arrêté d’avoir eu une complicité dans la taule. J’ajoute que je viens de fouiller les chambres des assistants et je mentionne le flagrant délit et la manière dont je me suis tiré de ce mauvais pas. Il m’assure qu’il ne me contredira pas lorsque Berger lui touchera deux mots de l’incident.

En partie rassuré — parce que je ne sais toujours pas si Duraître est innocent — je m’en vais dans la propriété voisine rendre une visite de politesse au deuxième pigeon.

L’animal roucoule tristement en essayant de sortir de sa cage. On ne lui a pas apporté à becqueter et il devient anémique, le pauvre chéri. Évidemment, le criminel n’a plus besoin de lui.

J’attache les pattes du volatile avec un morceau de ficelle et je gagne ma voiture sans repasser par la propriété de Thibaudin…

Il faut que j’aille à Paris. Je veux vérifier quelque chose, car j’aime m’assurer de la fermeté du sol sur lequel je pose mes nougats quand j’avance en terrain inconnu.

Le Vieux ne fait pas le mariolle. Il a des plis plein son vélodrome à mouches. C’est du cross que les noirs insectes peuvent faire maintenant. Son regard bleu est éteint comme une vitrine après la fermeture du magasin.

Je m’assieds sans qu’il m’en ait prié.

— Comment va-t-il ? balbutie le Vieux.

— Légèrement mieux, fais-je. J’ai mis un des deux toubibs dans le secret ; il s’occupe de lui et espère le sauver si le cœur du Prof se montre à la hauteur des circonstances.

— Quelle catastrophe ! soupire le Boss.

J’en profite pour lui distiller mon filet de vinaigre.

— Je pense honnêtement, Chef, que la décision qui a été prise au sujet de Thibaudin était un peu… hâtive. Nous n’avions contre lui que ce billet… Le fait qu’il soit signé aurait dû nous faire tiquer… Un homme qui trahit son pays et qui confie un message à un pigeon voyageur, en sachant qu’un précédent pigeon a été intercepté, se serait méfié…

L’homme à la casquette en peau de fesse ne répond pas. Il assimile son désappointement et couve sa honte. Il est rare que le Vieux se cloque le doigt dans l’œil à ce point.

— Maintenant, fais-je, il faut que nous étudions les choses en détail. Primo, les pigeons.

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37

Comme disait le tennisman borgne qui venait de recevoir la balle dans son œil valide.