« Et ce qui va lui arriver, dit Gorbag avec un rire. On pourra toujours lui raconter quelques histoires, faute de mieux. Je suppose qu’il a jamais visité la charmante Lugbúrz, alors il voudra peut-être savoir à quoi s’attendre. Ça va être plus drôle que je pensais. Allons-y ! »
« Il va y avoir rien de drôle, que j’te dis, insista Shagrat. Et il faut le garder en sécurité, autrement on n’est pas mieux que morts. »
« D’accord ! Mais si j’étais toi, j’attraperais le costaud qui court encore, avant d’envoyer un rapport à Lugbúrz. Ça risque de mal paraître si tu dis que t’as attrapé le chaton en laissant filer le chat. »
Les voix se mirent à faiblir. Sam entendit des pas s’éloigner. Il se remettait du choc, et une grande furie l’animait. « J’avais tout faux ! s’écria-t-il. Je savais que ça arriverait. Maintenant, ils l’ont, les scélérats ! les ordures ! Ne quitte jamais ton maître, jamais, jamais : c’était ma règle d’or et c’était la bonne. Dans mon cœur, je le savais. Qu’on veuille me pardonner ! Maintenant, il faut que je le retrouve. Mais comment ? Comment ? »
Tirant de nouveau son épée, il frappa la pierre avec le pommeau, mais elle ne rendit qu’un son mat. L’épée, toutefois, était devenue si brillante qu’il pouvait, faiblement, s’en éclairer. À sa grande surprise, il remarqua que le grand bloc de pierre avait la forme d’une lourde porte, à peine deux fois plus haute que lui. Entre le dessus de la porte et la voûte du haut, se trouvait un vide étroit et noir. Le bloc ne servait probablement qu’à empêcher une intrusion d’Araigne, retenu de l’intérieur par un loquet ou un verrou que toute sa ruse ne lui permettait pas d’atteindre. Avec la force qui lui restait, Sam, bondissant, agrippa le haut de la porte ; il passa par-dessus et de l’autre côté, puis se lança dans une course folle, l’épée flambant à sa main, par un tournant et le long d’un tunnel sinueux qui montait en pente douce.
Savoir que son maître était encore en vie le poussait à un dernier effort, au-delà de toute sensation de fatigue. Rien ne se voyait en avant, car ce nouveau passage ne cessait de tourner et de serpenter ; mais Sam pensait bientôt rejoindre les deux Orques : leurs voix s’étaient de nouveau rapprochées. Elles semblaient maintenant tout près.
« C’est ce que je vais faire, dit Shagrat d’un ton courroucé. Le mettre dans la cellule tout en haut de la tour. »
« Pour quoi faire ? grogna Gorbag. T’as pas de trous à rats au-dessous ? »
« Il ira en lieu sûr, que j’te dis, répondit Shagrat. Compris ? Il est précieux. J’ai pas confiance en tous mes gars, ni dans aucun des tiens ; ni en toi, quand tu penses qu’à t’amuser. Il ira là où je veux qu’il soit, et là où tu pourras pas venir, si tu t’avises pas de rester poli. En haut complètement, j’ai dit. Comme ça, il sera en sécurité. »
« Ah oui ? dit Sam. Tu oublies le grand et gros guerrier elfe qui court encore ! » Sur ce, il tourna vivement le dernier coin, pour s’apercevoir qu’en raison de la forme du tunnel ou de l’ouïe fine que lui conférait l’Anneau, il avait mal évalué la distance.
Les deux formes orques étaient encore passablement loin. Il pouvait maintenant les voir, noires et trapues sur un flamboiement rouge. Le passage montait enfin en ligne droite sur une dernière pente ; et au fond, béante, se trouvait une grande porte à deux battants, laquelle menait sans doute à des basses-fosses, loin sous la haute corne de la tour. Les Orques portant le fardeau y étaient déjà entrés. Gorbag et Shagrat s’en approchaient.
Sam entendait des éclats de chants rauques, des cors stridents et de sinistres gongs, une hideuse clameur. Gorbag et Shagrat étaient déjà sur le seuil.
Sam poussa un cri, brandissant Dard, mais sa petite voix se noya dans le tumulte. Personne ne fit attention à lui.
Les grands battants se refermèrent. Boum. À l’intérieur, les barres de fer retombèrent en place. Clang. La porte était close. Sam se jeta contre les immuables plaques de bronze et tomba au sol sans connaissance. Il était dehors dans les ténèbres. Frodo était vivant, mais pris par l’Ennemi.
Ici s’achève la deuxième partie de l’histoire de la Guerre de l’Anneau.
La troisième partie raconte la dernière défense contre l’Ombre, et la fin de la mission du Porteur de l’Anneau dans LE RETOUR DU ROI.
Index 1
Poèmes et chansons
À Dwimordene, en Lórien 1
A Elbereth Gilthoniel 1
À Isengard ! Bien qu’Isengard soit haut et noir, cerclé de roche 1
À travers le Rohan, par les prés et palus où pousse l’herbe haute 1
Avant que fût trouvé le fer, ou le tronc entamé 1
Bien qu’Isengard soit dur et fort, imperméable à toute approche 1
Cherche l’Épée qui fut Brisée 1
Debout, debout, Cavaliers de Théoden ! 1
De grands rois sous de hauts mâts 1
Gilthoniel A Elbereth ! 1
Gondor ! Gondor, entre les Monts et l’Océan 1
Gris comme un chaton 1
Je marchais au Printemps dans les saulaies de Tasarinan 1
Le désert froid 1
Les Ents nés en terre, vieux comme les monts 1
Ô Orofarnë, Lassemista, Carnimírië ! 1
Où sont cheval et cavalier ? Où est le cor qu’on sonnait hier ? 1
Où sont les Dúnedain, Elessar, Elessar ? 1
Quand le Printemps déplie la feuille et fait monter la sève 1
Sachez la science des Créatures Vivantes ! 1
Trois Anneaux pour les rois des Elfes sous le ciel 1
Un Anneau pour les dominer tous et dans les Ténèbres les lier 1
Vivant sans souffle, mortellement froid 1
Index 2
Poèmes et phrases dans des langues autres que le parler commun
A Elbereth Gilthoniel 1
A-lalla-lalla-rumba-kamanda-lindor-burúmë 1
Aiya Eärendil Elenion Ancalima ! 1
Baruk Khazâd! Khazâd ai-mênu ! 1
Ferthu Théoden hál ! 1
Forth Eorlingas ! 1
Forth Helmingas ! 1
Gilthoniel A Elbereth ! 1
Khazâd ai-mênu ! 1
Laurelindórenan lindelorendor malinornélion ornemalin 1
Ô Orofarnë, Lassemista, Carnimírië ! 1, 2
Taurelilómëa-tumbalemorna Tumbaletaurëa Lómëanor 1
Uglúk u bagronk sha pushdug Saruman-glob búbhosh skai 1
Westu Théoden hál ! 1
Illustrations
Carte. L’ouest de la Terre du Milieu à la fin du Troisième âge
Les plaines du Rohan
La Forêt de Fangorn
Barbebois