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« Des Elfes ? » dit un troisième, d’un ton dubitatif.

« Non ! Pas des Elfes, dit le quatrième, le plus grand, et apparemment leur chef. Les Elfes ne se promènent pas en Ithilien de nos jours. Et ils sont fabuleusement beaux à regarder, du moins le dit-on. »

« Et nous non, si je comprends bien, dit Sam. Vous êtes trop gentils. Et quand vous aurez fini de parler de nous, vous pourriez nous dire qui vous êtes, vous, et pourquoi vous pouvez pas laisser deux voyageurs fatigués se reposer en paix. »

Le plus grand des hommes en vert eut un rire sinistre. « Je suis Faramir, Capitaine du Gondor, dit-il. Mais il n’est pas de voyageurs en ce pays : seulement des serviteurs de la Tour Sombre, et ceux de la Blanche. »

« Mais nous ne sommes ni l’un ni l’autre, dit Frodo. Et nous sommes bien des voyageurs, quoi qu’en dise le capitaine Faramir. »

« Hâtez-vous alors de vous faire connaître, vous et votre mission, dit Faramir. Nous avons à faire, et ce n’est ni le temps ni l’endroit pour les énigmes ou les pourparlers. Allons ! Où est le troisième de votre compagnie ? »

« Le troisième ? »

« Oui, l’espèce de fouine que nous avons vue mettre le nez dans la mare, là en bas. L’air plutôt disgracié. On aurait dit une sorte d’Orque-espion, ou une créature de ce genre. Mais il nous a échappé par quelque renardise. »

« Je ne sais pas où il est, dit Frodo. Il s’agit d’un simple compagnon de fortune rencontré en chemin, et je ne puis répondre de lui. Si vous le rencontrez, épargnez-le. Amenez-le ou envoyez-le-nous. Ce n’est qu’une pauvre créature errante, mais je l’ai prise sous mon aile pour un temps. Quant à nous, nous sommes des Hobbits du Comté, loin au nord et à l’ouest d’ici, par-delà de nombreuses rivières. Mon nom est Frodo fils de Drogo, et voici Samsaget fils de Hamfast, un digne hobbit que j’ai à mon service. Nous sommes venus par de longs chemins – de Fendeval, que certains appellent Imladris. » Faramir tressaillit alors, et il devint très attentif. « Nous avions sept compagnons : l’un d’entre eux fut perdu en Moria ; quant aux autres, nous les avons quittés en aval du Rauros, à Parth Galen : deux de mes parents, et aussi un Nain, de même qu’un Elfe ; et enfin, deux Hommes. Le premier était Aragorn, et le second, Boromir, qui disait venir de Minas Tirith, une cité dans le Sud. »

« Boromir ! » s’exclamèrent les quatre hommes.

« Boromir, le fils du seigneur Denethor ? demanda Faramir, et son visage prit une expression étrange, sévère. Vous êtes venus avec lui ? Voilà assurément une nouvelle, si tant est qu’elle soit vraie. Sachez, petits étrangers, que Boromir fils de Denethor était le Premier Gardien de la Tour Blanche, et notre Capitaine général : il nous manque cruellement. Qui êtes-vous donc, et qu’aviez-vous à faire avec lui ? Parlez, car le Soleil monte ! »

« Les mots énigmatiques que Boromir a apportés à Fendeval vous sont-ils connus ? demanda Frodo.

Cherche l’Épée qui fut Brisée.

À Imladris elle réside. »

« Ils le sont certainement, répondit Faramir avec stupéfaction. C’est un gage de votre honnêteté que vous les connaissiez aussi. »

« Aragorn, que je viens de nommer, est le porteur de l’Épée qui fut Brisée, dit Frodo. Et nous sommes les Demi-Hommes dont parlaient les vers. »

« Je vois bien cela, dit Faramir d’un air songeur. Ou je vois que c’est peut-être le cas. Et qu’est-ce que le Fléau d’Isildur ? »

« Cela est caché, répondit Frodo. Ce point sera certainement éclairci en temps voulu. »

« Il faudra nous en dire plus, dit Faramir, et nous dire aussi ce qui vous amène aussi loin à l’est, dans l’ombre de… » Il pointa le doigt sans donner aucun nom. « Mais pas tout de suite. Nous avons à faire. Vous êtes en danger, et vous n’auriez pu aller bien loin aujourd’hui, par les champs ou par la route. De rudes coups seront échangés tout près d’ici, avant le plein du jour. Puis ce sera la mort, ou la fuite vers l’Anduin, le plus rapidement possible. Je vais laisser ici deux hommes pour vous garder, pour votre bien comme pour le mien. Un homme de sagesse ne peut se fier aux rencontres de hasard faites sur les routes de ce pays. Si je reviens, je parlerai plus longuement avec vous. »

« Adieu ! dit Frodo, s’inclinant bien bas. Quoi que vous en pensiez, je suis l’ami de tous les ennemis de l’Unique Ennemi. Nous irions à vos côtés, si nous autres Demi-Hommes pouvions espérer vous servir, pour vaillants et forts que vous sembliez, et si ma mission le permettait. Puisse la lumière briller sur vos lames ! »

« Les Demi-Hommes sont des gens courtois, quoi qu’ils puissent être d’autre, dit Faramir. Adieu ! »

Les hobbits se rassirent, mais ils se gardèrent de partager leurs pensées et leurs doutes. Tout près, sous l’ombre tachetée des sombres lauriers, deux hommes étaient restés pour monter la garde. De temps à autre, ils retiraient leurs masques pour se rafraîchir à mesure que le jour se réchauffait ; et Frodo vit que ces hommes avaient les traits gracieux et le teint pâle, que leurs cheveux étaient sombres et leurs yeux, gris, dans un visage triste et fier. Ils s’entretenaient à voix basse, usant du parler commun au début, mais dans la manière d’autrefois, avant de passer à une autre langue qu’ils connaissaient. En les écoutant, Frodo constata avec surprise qu’ils parlaient la langue elfique, ou une autre qui lui ressemblait fort ; et il les regarda avec émerveillement, car il comprit alors que ce devait être des Dúnedain du Sud, des hommes de la lignée des Seigneurs de l’Occidentale.

Au bout d’un moment, il se décida à leur parler ; mais ils se montrèrent lents et circonspects dans leurs réponses. Ils se nommaient Mablung et Damrod, soldats du Gondor, et ils étaient de ceux que l’on appelait les Coureurs de l’Ithilien ; car ils descendaient de gens qui vivaient jadis en ce pays, avant qu’il ne soit envahi. Le Seigneur Denethor choisissait parmi ces hommes pour faire secrètement incursion de l’autre côté de l’Anduin (où et comment, ils ne voulaient pas le dire) et harceler les Orques et les autres ennemis qui rôdaient entre l’Ephel Dúath et le Fleuve.

« Il y a près de dix lieues d’ici à la rive orientale de l’Anduin, dit Mablung, et nous nous aventurons rarement aussi loin. Mais cette fois, nous avons une mission différente : nous venons embusquer les Hommes du Harad. Maudits soient-ils ! »

« Oui, maudits soient les Sudrons ! intervint Damrod. On dit qu’il y avait autrefois un certain commerce entre le Gondor et les royaumes du Harad dans l’Extrême-Sud ; mais il n’y eut jamais d’amitié. À cette époque, nos bornes se trouvaient loin au sud des bouches de l’Anduin, et l’Umbar, le plus proche de leurs royaumes, reconnaissait notre empire. Mais c’était il y a longtemps. Puis il n’y eut entre nous aucune allée et venue, de la vie de maints hommes. Et ces jours derniers, nous apprenions que l’Ennemi s’est rendu parmi eux, et qu’ils sont passés à Lui, ou y sont revenus – ils ont toujours été disposés à Sa volonté – comme tant d’autres dans l’Est. Je ne doute pas que les jours du Gondor soient comptés, et les murs de Minas Tirith voués à la destruction, tant Sa force et Sa malice sont grandes. »

« Nous refusons cependant de rester oisifs et de Le laisser faire ce qu’Il veut, dit Mablung. Et voilà que ces maudits Sudrons empruntent les anciennes routes pour aller grossir les rangs de la Tour Sombre. Oui, ces routes mêmes que le savoir-faire du Gondor a tracées. Et ils s’y déplacent avec toujours plus d’insouciance, apprend-on, sûrs que le pouvoir de leur nouveau maître est assez grand pour les protéger par la seule ombre de Ses montagnes. Nous sommes venus leur apprendre une autre leçon. Une grande force d’hommes nous a été signalée il y a quelques jours, marchant vers le nord. L’un de leurs régiments doit, selon nos estimations, venir de ce côté un peu avant midi – là-haut sur la route qui passe à travers une entaille dans la roche. La route passe peut-être, mais eux ne passeront pas ! Pas tant que Faramir sera Capitaine. Il mène désormais toutes les entreprises périlleuses. Mais sa vie est sous un charme, ou le sort la préserve pour une autre fin. »