Выбрать главу

« Mais Eldacar échappa à ses adversaires et se réfugia dans le Nord auprès de ses parents du Rhovanion. Nombreux sont ceux qui alors se rallièrent à lui, Hommes du Nord au service du Gondor, mais aussi Dúnedain des provinces septentrionales du royaume. Car ceux-ci étaient nombreux à l’avoir pris en estime, mais bien d’autres encore vinrent à haïr son usurpateur. Ce n’était autre que Castamir, le petit-fils de Calimehtar, cadet de Rómendacil II. Non seulement figurait-il, de par son extraction, parmi les plus proches prétendants à la couronne, mais il était celui des rebelles qui comptait le plus de partisans ; car il était Capitaine de Navires, soutenu par les habitants des côtes et des grands havres de Pelargir et d’Umbar.

« Castamir n’était pas monté depuis bien longtemps sur le trône qu’il se révéla hautain et inclément. C’était un homme cruel, ce qui s’était déjà vérifié lors de la prise d’Osgiliath. Ornendil fils d’Eldacar, capturé par l’assiégeant, fut mis à mort sur son commandement ; et dans la cité, le massacre et les ravages perpétrés en son nom allèrent bien au-delà des impératifs de la guerre. Les gens de Minas Tirith et d’Ithilien s’en souvinrent longtemps ; et leur amour pour Castamir tiédit encore davantage, quand on vit qu’il se souciait fort peu des terres et songeait uniquement aux flottes, et projetait de déplacer le siège du royaume à Pelargir.

« Ainsi, il n’était roi que depuis dix ans quand Eldacar, voyant son heure arriver, descendit du Nord à la tête d’une grande armée ; et les gens du Calenardhon, de l’Anórien et de l’Ithilien affluèrent sous son drapeau. Il y eut une grande bataille au Lebennin et aux Passages de l’Erui, où fut versé une bonne part du plus noble sang du Gondor. Eldacar tua lui-même Castamir en combat singulier et fut ainsi vengé de la mort d’Ornendil ; mais les fils de Castamir prirent la fuite et, avec quelques autres de leurs parents et nombre de gens des navires, ils résistèrent longtemps à Pelargir.

« Lorsqu’ils y eurent rassemblé toutes les forces possibles (car Eldacar ne disposait d’aucune flotte pour les assaillir par mer), ils mirent les voiles et allèrent s’établir à Umbar. Là, ils fondèrent un refuge pour tous les ennemis du roi et une seigneurie indépendante de sa couronne. Umbar fit la guerre au Gondor durant maintes générations encore, une menace pour ses côtes et pour tout trafic maritime. Il ne fut de nouveau complètement soumis qu’à l’époque d’Elessar ; et le Gondor du Sud devint une terre disputée entre les Corsaires et le Rois. »

« La perte d’Umbar fut désastreuse pour le Gondor, non seulement parce que le royaume se trouvait amoindri au sud, et du même coup son ascendant sur les Hommes du Harad, mais aussi parce que c’était le lieu où Ar-Pharazôn le Doré, dernier Roi de Númenor, avait débarqué pour rabattre les prétentions de Sauron. Même les suivants d’Elendil, malgré la tragédie qui devait s’ensuivre, se rappelaient avec fierté la grande armée d’Ar-Pharazôn venue là-bas des confins de la Mer ; et sur la plus haute colline du promontoire surplombant le Havre, ils avaient érigé une grande colonne blanche en guise de monument. Elle était couronnée d’un globe de cristal qui accrochait les rayons du Soleil et de la Lune, et ce globe luisait comme une brillante étoile qui se voyait, par temps clair, jusque sur les rivages du Gondor ou sur la mer de l’Ouest, loin au large des côtes. Elle demeura jusqu’au jour où, après la deuxième résurgence de Sauron, alors imminente, Umbar tomba sous la domination de ses serviteurs, qui renversèrent la stèle commémorant sa défaite. »

Après le retour d’Eldacar, le sang de la maison royale et des autres maisons des Dúnedain se mêla encore de celui d’Hommes moindres. Car les grands avaient péri en nombre lors de la Lutte Fratricide ; mais Eldacar était favorable aux Hommes du Nord qui l’avaient aidé à reprendre la couronne, et le Gondor fut repeuplé de ces hommes qui affluaient du Rhovanion.

Ce métissage ne parut pas, au début, précipiter le déclin des Dúnedain comme on l’avait craint ; mais ce déclin se poursuivit tout de même peu à peu, comme il avait commencé. Car il y a fort à croire qu’il tenait à la Terre du Milieu elle-même, et au fait que les descendants de Númenor, conséquence de la chute du Pays de l’Étoile, se voyaient lentement dépossédés de leurs dons. Eldacar vécut jusque dans sa deux cent trente-cinquième année, et son règne dura cinquante-huit ans, dont dix passées en exil.

La seconde et la pire des calamités s’abattit sur le Gondor durant le règne de Telemnar, le vingt-sixième roi, après que son père Minardil, fils d’Eldacar, eut été tué à Pelargir par les Corsaires d’Umbar (avec à leur tête Angamaitë et Sangahyando, les arrière-petits-fils de Castamir). Une peste mortelle survint peu après, amenée par des vents sombres venus de l’Est. Elle emporta le Roi et tous ses enfants, et de larges pans de la population, à Osgiliath en particulier. Alors, par lassitude et par pénurie d’hommes, la surveillance des frontières du Mordor cessa, et les forteresses gardant les cols furent laissées sans garnison.

Comme on le remarqua par la suite, ces événements survenaient alors même que l’Ombre s’épaississait à Vertbois, et que reparaissaient quantité de choses mauvaises, signes de la résurgence de Sauron. Vrai, les ennemis du Gondor souffraient eux aussi, sans quoi ils n’auraient pas manqué de l’écraser dans sa faiblesse ; mais Sauron, lui, pouvait attendre, et peut-être n’avait-il d’autre souhait que de voir le Mordor s’ouvrir.

À la mort du roi Telemnar, l’Arbre Blanc de Minas Anor se fana également et mourut. Mais Tarondor, son neveu et son successeur, replanta un semis dans la Citadelle. Ce fut sous son règne que la maison du Roi se transporta définitivement à Minas Anor, car Osgiliath était en partie déserte et de plus en plus délabrée. Ceux qui, pour fuir la peste, s’étaient établis en Ithilien ou dans les vaux de l’ouest étaient peu nombreux à vouloir y retourner.

Tarondor, couronné fort jeune, connut le plus long règne de tous les Rois du Gondor ; mais il ne parvint guère qu’à réorganiser l’intérieur du royaume et à rebâtir lentement sa puissance. Mais son fils Telumehtar, se rappelant la mort de Minardil, et déplorant l’insolence des Corsaires, rassembla ses forces et se lança à l’assaut d’Umbar en 1810. Les derniers descendants de Castamir périrent dans cette guerre, et Umbar retourna un temps en possession des rois. Telumehtar adjoignit alors à son nom le titre d’Umbardacil. Mais les nouveaux malheurs qui affligèrent bientôt le Gondor lui ravirent Umbar une fois de plus, et il tomba aux mains des Hommes du Harad.

La troisième calamité fut l’invasion des Chariotiers, qui engloutit la puissance déclinante du Gondor dans des guerres qui s’étalèrent sur près de cent ans. Les Chariotiers étaient un peuple, ou une confédération de peuples, originaire de l’Est ; mais ils étaient plus forts et mieux armés qu’aucun de ceux rencontrés jusque-là. Ils voyageaient dans de grandes voitures, et leurs chefs se battaient dans des chars. Soulevés, comme on le vit plus tard, par les émissaires de Sauron, ils lancèrent un soudain assaut contre le Gondor, et le roi Narmacil II mourut en les combattant au-delà de l’Anduin en 1856. Les gens de l’est et du sud du Rhovanion furent réduits en esclavage, et les frontières du Gondor ramenées à la hauteur de l’Anduin et des Emyn Muil, tant que dura cette occupation. [On croit qu’à cette époque, les Spectres de l’Anneau entrèrent de nouveau au Mordor.]

Calimehtar, fils de Narmacil II, à la faveur de révoltes sévissant au Rhovanion, vengea son père en remportant une éclatante victoire contre les Orientais sur la plaine de Dagorlad, en 1899 ; ainsi, la menace fut un temps écartée. C’est sous le règne d’Araphant, dans le Nord, et d’Ondoher fils de Calimehtar, dans le Sud, que les deux royaumes reprirent conseil ensemble, après des siècles de silence et d’éloignement. Car enfin ils perçurent qu’un seul et unique pouvoir, une seule et unique volonté dirigeait l’offensive qui s’abattait de toutes parts contre les survivants de Númenor. Et à cette époque, Arvedui, héritier d’Araphant, épousa Fíriel, fille d’Ondoher (1940). Mais aucun royaume ne put venir au secours de l’autre ; car l’Angmar renouvela son assaut contre l’Arthedain au moment même ou les Chariotiers revenaient en force.