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« Quand Denethor devint Intendant (2984), il se révéla un seigneur autoritaire, aimant à garder bien en main la maîtrise de toutes choses. C’était un homme de peu de mots. Il prêtait l’oreille aux conseils puis suivait son propre avis. Il s’était marié tardivement (2976), prenant pour épouse Finduilas, fille d’Adrahil de Dol Amroth. C’était une dame d’une grande beauté, au cœur tendre, mais elle n’était pas mariée depuis douze ans qu’elle mourut. Denethor l’aimait, à sa manière, plus que tout autre au monde, sauf l’aîné des deux fils qu’elle lui donna. Mais elle paraissait s’étioler dans la cité gardée, comme une fleur des vallées côtières transplantée sur un rocher nu. Elle était horrifiée par l’ombre qui planait à l’est, et ses regards se tournaient constamment vers la mer dont elle se languissait.

« Après sa mort, Denethor se fit plus sévère et plus silencieux qu’auparavant, et souvent il s’asseyait seul dans sa tour et méditait longuement, pressentant que l’assaut du Mordor surviendrait sous son règne. L’on conclut par la suite qu’ayant besoin de savoir, et n’écoutant que son orgueil et sa grande force de volonté, il s’aventura à regarder dans le palantír de la Tour Blanche. Aucun Intendant ne l’avait jamais osé, pas même les rois Eärnil et Eärnur, depuis la chute de Minas Ithil, quand le palantír d’Isildur tomba aux mains de l’Ennemi ; car celui de Minas Tirith était la Pierre d’Anárion, fortement en accord avec celle dont Sauron s’était emparée.

« C’est de là que Denethor tenait sa grande connaissance de tout ce qui se passait dans son royaume, et bien au-delà ses frontières, ce qui en étonnait plus d’un ; mais il paya chèrement cette connaissance, car il vieillit prématurément, à force de lutter contre la volonté de Sauron. Ainsi, l’orgueil se gonfla chez lui en proportion de son désespoir, si bien que, dans tous les événements de cette époque, il ne finit par voir qu’un combat singulier entre le Seigneur de la Tour Blanche et le Seigneur de la Barad-dûr ; et il se méfiait de tous les autres qui s’opposaient à Sauron, s’ils n’étaient pas entièrement voués à le servir lui-même.

« Ainsi passèrent les années jusqu’à la Guerre de l’Anneau, et les fils de Denethor atteignirent l’âge d’homme. Boromir, de cinq ans l’aîné, très cher à son père, lui ressemblait trait pour trait, et orgueil pour orgueil, mais là s’arrêtait leur ressemblance. C’était plutôt un homme de la tournure du ci-devant roi Eärnur, peu soucieux de prendre femme et se passionnant surtout pour les armes ; intrépide et fort, mais peu attaché au savoir ancien, sauf pour les récits d’antiques batailles. Faramir, le plus jeune, lui ressemblait par les traits mais non par l’esprit. Il lisait dans le cœur des hommes à la manière de son père et avec la même perspicacité ; mais ce qu’il y découvrait l’incitait davantage à la pitié qu’au mépris. Il était d’un naturel doux, féru de musique et de savoir ancien, et pour cette raison, on lui prêtait souvent moins de courage qu’à son frère. Mais il n’en était rien, sinon qu’il ne recherchait pas le danger sans autre dessein, par pure gloriole. Il faisait bon accueil à Gandalf quand celui-ci venait dans la Cité et s’instruisait auprès de lui comme il le pouvait ; et en cela comme en bien d’autres choses, il s’attirait le mécontentement de son père.

« Mais les deux frères s’aimaient d’un grand amour, et ce, depuis l’enfance, Boromir ayant toujours aidé et protégé Faramir. Nulle jalousie, nulle rivalité n’était survenue entre eux depuis, que ce fût pour la faveur de leur père ou pour les louanges des hommes. Faramir ne pouvait envisager que quiconque au Gondor pût rivaliser avec Boromir, héritier de Denethor et Capitaine de la Tour Blanche ; et Boromir n’en pensait pas moins. Toutefois, les événements devaient prouver le contraire. Mais ce qu’il advint de ces trois-là dans la Guerre de l’Anneau est longuement raconté ailleurs. Et au terme de cette Guerre, l’époque des Intendants régnants prit fin ; car l’héritier d’Isildur et d’Anárion revint et la royauté fut rétablie, et l’étendard de l’Arbre Blanc flotta de nouveau au sommet de la Tour d’Ecthelion. »

(V) EST DONNÉ CI-APRÈS UN FRAGMENT DU CONTE D’ARAGORN ET D’ARWEN

« Arador était le grand-père du Roi. Son fils Arathorn voulait épouser Gilraen la Belle, fille de Dírhael, lui-même un descendant d’Aranarth. Dírhael s’opposait à cette union ; car Gilraen était jeune, n’ayant pas encore atteint l’âge où les femmes des Dúnedain avaient coutume de se marier.

« “De plus, disait-il, Arathorn est un homme sévère dans la maturité de l’âge, et il sera chef plus tôt que l’on ne s’y attendait ; mais mon cœur m’avertit que sa vie sera brève.”

« Mais Ivorwen, son épouse, elle aussi douée de prescience, répondit :

« “D’où la nécessité d’agir ! Les jours s’assombrissent avant l’orage, et de grands événements sont à venir. S’ils deviennent sitôt mari et femme, un espoir naîtra peut-être pour notre peuple ; mais s’ils attendent, il n’en viendra aucun tant que durera cet âge.”

« De fait, Arathorn et Gilraen n’étaient mariés que depuis un an, quand Arador fut assailli par des trolls des collines dans les Froides-Landes au nord de Fendeval, et y trouva la mort ; et Arathorn devint Chef des Dúnedain. L’année suivante, Gilraen lui donna un fils du nom d’Aragorn. Mais Aragorn n’avait que deux ans lorsque Arathorn, parti chevaucher contre les Orques avec les fils d’Elrond, mourut d’une flèche orque qui lui transperça l’œil ; et il eut en effet la vie brève pour quelqu’un de sa race, car il n’avait que soixante ans le jour où il tomba.

« Aragorn, devenu l’Héritier d’Isildur, fut alors conduit à la maison d’Elrond pour y vivre avec sa mère ; et Elrond prit la place de son père et vint à l’aimer comme son propre fils. Mais on l’appela alors Estel, c’est-à-dire “Espoir”, et son nom et ses origines véritables furent tenus secrets sur l’ordre d’Elrond ; car les Sages savaient désormais que l’Ennemi cherchait à découvrir l’Héritier d’Isildur, s’il en restait un seul sur terre.

« Mais un jour qu’Estel n’avait encore que vingt ans d’âge, il se trouva rentrer à Fendeval en compagnie des fils d’Elrond après bien des hauts faits ; et Elrond le regarda avec fierté, car il vit qu’il était beau, et noble, et déjà venu à l’âge d’homme, bien qu’il dût encore grandir de corps et d’esprit. Ce jour-là, donc, Elrond l’appela par son vrai nom, et lui révéla son identité et celle de son père ; et il remit tous les biens de sa maison entre ses mains.

« “Voici l’anneau de Barahir, lui dit-il, symbole de notre lointaine parenté ; et voici également les fragments de Narsil. Ceux-ci pourraient t’amener à d’insignes exploits ; car je te prédis une plus grande longévité que celle accordée aux Hommes, à moins qu’il ne t’arrive malheur ou que tu ne passes pas l’épreuve. Mais cette épreuve sera longue et ardue. Je garderai par-devers moi le Sceptre d’Annúminas, car tu devras d’abord le mériter.”