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Il tendit alors les mains vers eux, et ils virent que l’une d’elles était étincelante de lumière. « Qu’avez-vous là ? s’écria Frodo. Se pourrait-il… ? »

« Oui, j’ai apporté vos deux trésors. On les a trouvés sur la personne de Sam quand vous avez été secourus, les présents de la dame Galadriel : votre globe, Frodo, et votre boîte, Sam. Vous serez heureux de les retrouver. »

Quand ils furent lavés et vêtus, et eurent pris un léger repas, les Hobbits suivirent Gandalf. Ils sortirent de la hêtraie où ils avaient dormi et passèrent à une longue pelouse verte, éclatante de soleil, et bordée par des arbres majestueux, au feuillage sombre, chargés de fleurs écarlates. Derrière eux montait le son d’une chute d’eau, et un ruisseau coulait devant eux entre des berges fleuries, avant d’atteindre un bosquet vert au bas de la pelouse. Il passait sous un berceau d’arbres, à travers lesquels ils apercevaient un lointain miroitement d’eau.

Comme ils parvenaient à l’orée du bois, ils furent surpris de voir des chevaliers en mailles brillantes et de grands gardes qui se tenaient là, vêtus d’argent et noir, les accueillant avec honneur et s’inclinant devant eux. Puis l’un d’eux sonna d’une longue trompette, et ils descendirent l’allée d’arbres auprès du ruisseau chantant. Ils débouchèrent ainsi dans un grand pré verdoyant, et plus loin s’étendait une large rivière couverte de brume argentée, d’où émergeait une longue île boisée aux rives chargées de navires. Mais dans le champ où ils se trouvaient était assemblée une grande armée, ses rangs et ses compagnies étincelant au soleil. Et comme les Hobbits approchaient, les épées furent tirées et les lances secouées, les cors et les trompettes chantèrent, et les hommes s’écrièrent en un chœur de voix et en plusieurs langues :

« Vive les Demi-Hommes ! Louez-les avec de grandes louanges !

Cuio i Pheriain anann ! Aglar’ni Pheriannath !

Louez-les avec de grandes louanges, Frodo et Samsaget !

Daur a Berhael, Conin en Annûn ! Eglerio !

Louez-les !

Eglerio !

A laita te, laita te ! Andave laituvalmet !

Louez-les !

Cormacolindor, a laita tárienna !

Louez-les ! Les Porteurs de l’Anneau, louez-les avec de grandes louanges !

Ainsi, le visage empourpré de sang et les yeux souriant d’émerveillement, Frodo et Sam s’avancèrent et virent qu’au milieu de la foule en liesse étaient disposés trois sièges d’honneur faits de gazon vert. Derrière le siège de droite flottait, blanc sur vert, un grand cheval courant librement ; et à gauche était une bannière d’argent sur fond bleu, un navire en forme de cygne faisant voile sur la mer ; mais derrière le plus haut trône et au milieu des trois, un grand étendard s’agitait dans la brise, et là, un arbre blanc fleurissait en champ de sable, surmonté d’une éclatante couronne et de sept étoiles scintillantes. Sur le trône était assis un homme vêtu de mailles, une longue épée posée en travers de son giron, mais il ne portait aucune coiffure. Comme ils approchaient, il se leva. Et c’est alors qu’ils le reconnurent, tout changé qu’il était, si noble de traits et radieux de visage, royal, le seigneur des Hommes, aux cheveux sombres et aux yeux gris.

Frodo courut à sa rencontre, et Sam lui emboîta le pas. « Eh bien, pour couronner le tout ! dit-il. C’est l’Arpenteur, ma foi, ou bien je rêve encore ! »

« Oui, Sam, l’Arpenteur, répondit Aragorn. N’est-ce pas un long chemin depuis Brie, où vous n’aimiez pas trop mon apparence ? Un long chemin pour nous tous, mais votre route fut la plus sombre. »

Sur ce, à la surprise de Sam et à sa grande confusion, il plia le genou devant eux ; puis, les prenant par la main, Frodo sur sa droite et Sam sur sa gauche, il les mena au trône et, les ayant priés de s’asseoir, il se tourna vers les hommes et les capitaines qui se tenaient là et parla d’une voix qui s’entendit à travers les rangs, criant :

« Louez-les avec de grandes louanges ! »

Et quand les cris d’allégresse se furent gonflés et tus, à la satisfaction la plus complète de Sam, et pour sa plus grande joie, un ménestrel du Gondor s’avança, mit un genou en terre et demanda la permission de chanter. Et voici ! il s’écria :

« Oyez ! seigneurs et chevaliers, hommes de valeur incontestée, rois et princes, belles gens du Gondor, et Cavaliers du Rohan, et vous fils d’Elrond et Dúnedain du Nord, Elfe et Nain, et grands cœurs du Comté, et vous tous, gens libres de l’Ouest, écoutez mon lai. Car je vous chanterai l’histoire de Frodo aux Neuf Doigts et l’Anneau du Destin. »

Et Sam, entendant cela, se mit à rire de pur enchantement, et il se leva et cria : « Ô grande gloire et splendeur ! Et tous mes désirs se sont réalisés ! » Puis il pleura.

Et toute l’armée rit et pleura, et parmi la joie et les pleurs, la voix claire du ménestrel s’élevait comme un tintement d’argent et d’or ; et tous firent silence. Et il leur chanta, tantôt en langue elfique, tantôt dans le parler de l’Ouest, et bientôt leurs cœurs, blessés par des mots délicieux, débordèrent, leur joie saillit comme des épées, et ils glissèrent en pensée à des régions ou la douleur et le plaisir coulent de pair, et où les larmes sont le vin même de la félicité.

Et tandis que le Soleil déclinait du midi et que les ombres des arbres s’allongeaient, il termina enfin son chant. « Louez-les avec de grandes louanges ! » dit-il, s’agenouillant. Puis Aragorn se leva, et toute l’armée fit de même, et ils passèrent dans des pavillons dressés pour l’occasion, pour manger, boire et se réjouir tant qu’il ferait jour.

Frodo et Sam furent conduits séparément jusqu’à une tente, où leurs vieilles hardes furent retirées, mais on les plia et les rangea avec honneur ; et on leur donna du linge propre. Puis Gandalf arriva, tenant dans ses bras, au grand étonnement de Frodo, l’épée, la cape elfique et la cotte de mithril qui lui avaient été dérobées au Mordor. Il remit à Sam une cotte de mailles dorées, et sa cape elfique guérie des souillures et des dommages qu’elle avait subies ; puis il déposa deux épées devant eux.

« Je ne désire aucune épée », dit Frodo.

« Ce soir au moins, vous devriez en porter une. »

Frodo prit alors la petite épée qui avait appartenu à Sam, retrouvée près de lui à Cirith Ungol. « Dard, je te l’ai donné, Sam », dit-il.

« Non, maître ! M. Bilbo vous l’a donné à vous, et ça va avec sa chemise d’argent ; il voudrait voir personne d’autre le porter aujourd’hui. »

Frodo se rendit à ces arguments ; et Gandalf, comme s’il était leur écuyer, s’agenouilla et les ceignit chacun de la ceinture qui porterait l’épée, puis, se relevant, il passa un cercle d’argent autour de leur front. Et quand ils furent tout apprêtés, ils se rendirent au grand festin ; et ils prirent place à la table du Roi avec Gandalf, et le roi Éomer du Rohan, et le prince Imrahil et tous les grands capitaines ; et Gimli et Legolas étaient là également.

Mais quand, après le Silence Debout, on apporta du vin, arrivèrent deux écuyers qui devaient servir les rois, du moins à ce qu’il semblait : l’un était vêtu de l’argent et noir de la Garde de Minas Tirith, et l’autre de blanc et vert. Mais Sam se demanda ce que faisaient d’aussi jeunes garçons au sein d’une armée de robustes soldats. Puis, quand ils se furent assez approchés pour lui permettre de les voir clairement, il s’exclama soudain :

« Eh, regardez, monsieur Frodo ! Regardez un peu ! C’est notre ami Pippin. M. Peregrin Touc, devrais-je dire, et M. Merry ! Comme ils ont grandi ! Ma parole ! Mais je vois qu’il y a d’autres histoires que la nôtre à raconter. »