Выбрать главу

Finalement, Elayne et Nynaeve prirent congé de la reine et se mirent en chemin pour leurs appartements.

— Ainsi, Vandene et Adeleas ont l’intention de prendre également les recherches en main, souffla Nynaeve après s’être assurée qu’aucun domestique n’était assez prêt pour entendre.

Tylin en avait trop appris sur elles, et en trop peu de temps. Et malgré son beau sourire, elle n’avait guère apprécié la présence des sœurs à Salidar.

— Elayne, tu crois qu’il était sage de tout lui raconter ? Et si elle décidait, afin de garantir la couronne à son fils, de nous laisser trouver la coupe puis d’avertir Teslyn ?

Nynaeve se souvenait vaguement de Teslyn, une sœur rouge très désagréable.

— Je sais ce que ma mère pensait des Aes Sedai qui allaient et venaient en Andor sans jamais lui dire pourquoi. Et je sais ce que j’éprouverais à la place d’une reine confrontée à ça. De plus, je me suis souvenue d’avoir eu un cours au sujet de cette phrase – s’asseoir sur son couteau et dégainer sa langue. Mentir est la meilleure façon d’insulter quelqu’un qui vous la dit. (Elayne pointa le menton.) Quant à Vandene et Adeleas, elles imaginent prendre la direction des recherches. Le quartier Rahad est sans doute dangereux, mais sûrement pas plus que Tanchico, et nous n’aurons pas à redouter l’Ajah Noir. Je parie que nous aurons la coupe d’ici à dix jours ! Entre-temps, j’aurai appris pourquoi le ter’angreal de Mat a un effet qu’il ne devrait pas avoir, et nous partirons rejoindre Egwene avec un maître Cauthon aussi docile que Vanin. Vandene et Adeleas resteront ici avec Merilille et Teslyn – en prime ! –, se demandant ce qui a bien pu arriver.

Nynaeve ne put s’empêcher de rire aux éclats. Un domestique occupé à déplacer un grand vase de porcelaine la regardant, très surpris, elle s’offrit le luxe de lui tirer la langue.

Le pauvre homme faillit laisser tomber le vase.

— Je ne parierai pas contre toi, sauf en ce qui concerne Mat. Dix jours, donc…

49

Le Miroir de Brumes

En bras de chemise, assis sur le sol, le dos appuyé contre une des colonnes blanches qui entouraient la petite cour ovale, Rand tirait allégrement sur sa pipe en contemplant l’eau qui jaillissait de la fontaine – sous un tel soleil, chaque goutte ressemblait à une pierre précieuse. Le matin, cette zone de la cour était à l’ombre. Cerise sur le gâteau, Lews Therin se tenait tranquille.

— Tu es sûr de ne pas vouloir repenser à Tear ?

Assis contre la colonne d’à côté, lui aussi ayant tombé la veste, Perrin exhala deux ronds de fumée parfaits avant de reprendre en bouche sa pipe au fourneau orné de têtes de loup.

— Et ce que Min a vu ?

Alors qu’il tentait lui aussi de souffler un rond de fumée, Rand eut un grognement qui sabota la manœuvre. Min n’avait pas le droit d’évoquer ça devant Perrin, mais elle l’avait pris.

— Tu tiens vraiment à devoir rester dans mes jupes, Perrin ?

— Mes désirs ne semblent pas avoir compté beaucoup depuis que Moiraine nous est tombée dessus à Champ d’Emond. Tu es ce que tu es, Rand. Si tu échoues, tout le monde échouera.

Perrin se pencha soudain en avant, les yeux rivés sur une grande arche qui se découpait sur leur gauche.

Un assez long moment après, Rand entendit les bruits de pas venant de cette direction, trop puissants pour être ceux d’un être humain. De fait, le géant qui franchit l’arche était au moins deux fois plus grand que la servante qui l’accompagnait, pressant le pas pour ne pas être distancée.

— Loial ! s’écria Rand en se levant d’un bond.

Perrin et lui atteignirent leur ami en même temps. Sa redingote encore toute crottée par le voyage – comme d’habitude les poches menaçaient d’exploser, car il ne se séparait jamais de ses livres –, Loial eut un sourire qui fendit pratiquement en deux son énorme visage.

— Tu vas bien ? demanda Rand.

— Tu as l’air fatigué, dit Perrin. Viens t’asseoir sur le muret de la fontaine.

Loial se laissa guider, mais ses longs sourcils pendants se froncèrent et ses oreilles poilues frémirent tandis qu’il regardait alternativement les deux jeunes gens. Assis, il restait aussi grand que Perrin debout.

— Si je vais bien ? Fatigué ? tonna-t-il. Bien sûr que je vais bien. Et si j’ai l’air fatigué, c’est parce que j’ai marché longtemps. Cela dit, je me félicite de m’être de nouveau servi de mes jambes. Avec elles, on sait toujours où on va, alors que sur un cheval… De toute façon, elles sont plus rapides. (Il eut un rire tonitruant.) Tu me dois une couronne d’or, Perrin ! Toi et tes dix jours… Je parie une autre couronne que tu n’es pas arrivé plus de cinq jours avant moi.

— Gagné, mon ami ! (Se tournant vers Rand, Perrin ajouta une remarque qui fit vibrer d’indignation les oreilles de l’Ogier.) Gaul l’a corrompu. Figure-toi qu’il joue aux dés, désormais, et qu’il parie sur les courses de chevaux alors qu’il est incapable de distinguer un étalon d’un percheron.

Rand sourit. Avec les équidés, Loial s’était toujours montré plus que dubitatif – rien d’étonnant, puisque ses jambes étaient plus longues que les leurs.

— Tu es sûr d’aller bien, Loial ?

— As-tu trouvé ce Sanctuaire abandonné ? demanda Perrin.

— Et y es-tu resté assez longtemps ?

— De quoi parlez-vous ? demanda Loial, le front plissé au point que la pointe de ses sourcils tomba sur ses joues. Je voulais simplement revoir un Sanctuaire, sentir son atmosphère. Me voilà reparti pour dix ans de plus.

— Ce n’est pas ce que dit ta mère, fit Rand, l’air grave.

Loial se leva d’un bond et regarda autour de lui, les oreilles tremblantes.

— Ma mère ? Ici ? Elle est ici ?

— Non, répondit Perrin. (De soulagement, les oreilles de l’Ogier se mirent quasiment en berne.) En principe, elle devrait être à Deux-Rivières. En tout cas, elle y était il y a un mois. Rand s’est servi d’un truc à lui pour l’y transférer ainsi que l’Ancien Haman… Loial, quelle mouche te pique ?

Alors qu’il était en train de se rasseoir, Loial se pétrifia en entendant le nom de l’Ancien. Les yeux fermés, il se laissa ensuite lentement tomber sur le muret.

— L’Ancien Haman…, murmura-t-il en passant sur son visage un de ses incroyables battoirs. L’Ancien Haman et ma mère…

Il regarda Perrin et Rand, puis, d’une voix trop neutre pour être honnête, demanda :

— Il y avait quelqu’un d’autre avec eux ?

— Une jeune Ogier appelée Erith, répondit Rand. Tu…

Il ne put pas aller plus loin.

Avec un gémissement aussi fort qu’un roulement de tonnerre, Loial bondit de nouveau sur ses pieds. Aux fenêtres et à toutes les arches, des serviteurs passèrent la tête pour voir ce qui arrivait, et battirent en retraite quand ils découvrirent Rand.

Loial se mit à faire les cent pas, les oreilles en berne et les sourcils pendants comme s’il était en train de fondre.

— Une épouse…, marmonna-t-il. Si ma mère et l’Ancien Haman étaient là, ça ne peut pas vouloir dire autre chose. Je suis bien trop jeune pour me marier !

Rand mit une main devant sa bouche pour cacher son sourire. Certes, Loial était jeune pour un Ogier, mais il avait quand même dépassé ses quatre-vingt-dix ans.

— Elle me ramènera de force au Sanctuaire Shangtai, cette épouse. Je sais qu’elle ne me laissera pas voyager avec vous, et je n’ai pas encore pris assez de notes pour mon livre. Oh ! tu peux rigoler, Perrin ! Ta Faile fait tout ce que tu lui dis.

Perrin s’étrangla avec la fumée de sa pipe, forçant Rand à lui taper dans le dos.

— Chez nous, c’est différent, continua Loial. Ne pas obéir à sa femme est considéré comme une injure. C’est très grave. Elle me forcera à prendre une occupation respectable, comme chanter pour les arbres, ou…